L'article 111-4 du Code pénal est laconique en ce qu'il dispose que « [l]a loi pénale est d'interprétation stricte ».
Inséré au sein du Livre premier du Code pénal « Dispositions générales (art. 111-1 à 133-17) », Titre premier « De la loi pénale (art. 111-1 à 113-14) », Chapitre premier « Des principes généraux (art. 111-1 à 111-5), cet article 111-4 du Code pénal est d'une importance particulière en ce qu'il constitue l'un des principes fondamentaux du droit pénal français.
Ce principe est d'une importance particulière dans la mesure où les juges ne sont pas autorisés à créer le droit - cette prérogative revient au pouvoir législatif ou au pouvoir réglementaire. Les juges ne sont donc pas autorisés, sous couvert d'interprétation, à faire dire ce que les pouvoirs législatif ou réglementaire n'ont pas prévu. Ainsi lorsque la loi est claire, les juges se doivent de l'appliquer au cas d'espèce qu'ils ont à trancher. Cette règle implique notamment que le raisonnement dit « par analogie » est prohibé en ce que les juges ne sont pas habilités à étendre les dispositions législatives à des cas qu'elles n'ont pas expressément visés, prévus.
Néanmoins, les juges sont en mesure d'adapter la loi, voire de découvrir le sens des mots qui sont employés au sein de ces dispositions législatives. Toutefois dans ce cas précis, il est nécessaire que cette découverte soit autorisée par les termes utilisés dans les dispositions législatives en cause. Il convient finalement de noter qu'à tout principe, une exception : ce principe de l'interprétation stricte de la loi pénale contenu au sein de l'article 111-4 du Code pénal n'empêche pas une interprétation plus large des textes de nature législative dès lors qu'elle est favorable à la personne jugée. Il s'agit dans ce cas unique de l'analogie dite « in favorem ».
Il apparaît alors opportun de se demander dans quelle mesure ce principe, qui marque une transition entre le caractère d'une disposition abstraite à une application concrète, factuelle par les juges, dispose d'un lien si particulier avec le principe de légalité.
Le principe de l'interdiction de l'interprétation de la loi pénale est tout d'abord à étudier sous le prisme du principe de légalité (I) même si celui-ci suppose, parfois, que le juge s'en affranchisse (II).
I. Les conséquences de l'application croisée de deux principes de légalité et d'interprétation stricte
Lorsque le texte utilisé par les juges est clair, ces derniers doivent respecter le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale (A). Toutefois, dès l'instant où le texte utilisé n'est pas clair, ces derniers peuvent utiliser une méthode particulière pour contourner cette difficulté (B).
A. La portée du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale
Le jurisconsulte Jean-Etienne-Marie Portalis considérait qu'en droit pénal, « il faut des lois précises, point de jurisprudence » afin de minimiser toute tentative d'arbitraire de la part des juges. Ses considérations seront finalement reprises au sein de l'article 111-4 du Code pénal qui prévoit un encadrement du pouvoir d'interprétation des juges.
Une précision doit être apportée ici. Effectivement, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale implique que les juges répressifs procèdent à une analyse précise et consciencieuse des textes qu'ils sont amenés à appliquer. Cela implique donc que les juges doivent appliquer le ou les textes concernés et uniquement ceux-ci.
En fait, le terme d'interprétation renvoie au fait de donner du sens, d'expliciter le ou les textes en cause. Les juges répressifs doivent donc appliquer le texte exactement comme il a été prévu par le pouvoir législatif. Il est donc considéré que les juges doivent appliquer le texte et rien que le texte à une espèce donnée sans pouvoir enrichir ou circonscrire le contenu du texte de loi visé.
Cependant, les textes ne sont pas toujours clairs. Alors dans ce cas précis, les juges sont en mesure d'utiliser une méthode particulière, à savoir : l'interprétation dite « téléologique » (B).
B. L'utilité qualitative de l'interprétation téléologique de la loi pénale
Le principe d'interprétation stricte de la loi pénale suppose une loi claire. Or certains textes de loi ne le sont pas, et, en ce cas les juges peuvent utiliser l'interprétation téléologique. Cette possible interprétation, dès lors que le texte apparaît obscur, est d'une utilité remarquable puisqu'elle permet d'appliquer effectivement le texte répressif à une situation donnée.
En effet, les juges en interprétant ainsi vont procéder à la recherche de l'esprit du texte répressif voulu par les parlementaires. Ils vont donc rechercher l'intention de ces derniers et faire en fin de compte primer la raison de l'existence du texte concerné afin de pouvoir l'interpréter valablement.
En quelque sorte, les juges répressifs vont parfaire à une lacune de la loi en lui donnant un sens concret et clair. Néanmoins, il convient de retenir que cette possible interprétation n'est valable que lorsque le texte répressif présente des lacunes et un sens non clair et non absolu.
Ce principe d'interprétation stricte de la loi pénale, malgré le fait qu'il souffre d'une exception qualitative, implique finalement que les juges répressifs ne puissent user de certaines méthodes d'interprétation (II).
II. L'impact conséquent du principe d'interprétation stricte sur le rôle des juges répressifs
Le principe d'interprétation stricte de la loi pénale posé par cet article 111-4 du Code pénal interdit notamment toute tentative d'analogie par les juges répressifs (A) sauf pour l'unique cas où la loi est favorable, est dans l'intérêt du prévenu (B).
A. Le principe de la pleine interdiction de l'interprétation analogue de la loi pénale
Lorsque les juges sont amenés à trancher un litige, à l'occasion d'un procès, ces derniers ne sont pas autorisés à faire primer l'esprit de la loi pénale applicable. Dit autrement, les juges répressifs doivent, pour trancher le litige en cause, utiliser la lettre de la loi et rien d'autre.
Or tous les textes ne sont pas correctement rédigés, et, ce principe de l'interprétation stricte de la loi pénale peut conduire au prononcé d'un non-sens sur le plan juridique. Dans ce cas-ci, les juges peuvent intervenir pour corriger une erreur, dans la lettre de la loi, de la part des parlementaires.
Également, dans le cadre de leurs missions, les juges ne peuvent utiliser la méthode de l'interprétation dite « par analogie ». En vérité, cette prohibition s'explique et se comprend dans la mesure où elle empêche tout arbitraire de leur part ; cette méthode permettrait, dans les faits, d'utiliser un ou plusieurs textes dans une situation particulière non visée par ces mêmes textes même si cette situation s'en rapproche effectivement.
Il est compréhensible que ce principe existe et encadre le rôle des juges puisque ceux-ci, dans leurs missions, pourraient ainsi s'assimiler à un réel législateur édictant des règles d'intérêt général.
Toutefois, cette prohibition de l'interprétation analogique souffre d'une exception dès lors que la loi est rédigée dans l'intérêt du prévenu (B).
B. L'unique exception à l'interprétation analogique : la loi favorable à l'intérêt du prévenu
Si l'interprétation analogue est interdite, il n'en demeure pas moins que lorsque la loi est favorable au prévenu, celle-ci souffre de l'exception de l'interprétation analogique dite « in favorem ». Dans la pratique, il se peut en effet que la loi soit rédigée de manière favorable au prévenu, et, en pareille circonstance, les juges répressifs sont autorisés à avoir recours à cette méthode de l'interprétation « in favorem ».
Ce qui est intéressant à noter dans le cadre particulier et circonscrit de cette exception réside dans le fait que les juges répressifs seront contraints de procéder à une interprétation de la loi puisque le législateur n'a pas prévu pareil cas, pareille hypothèse que celle qui se présente devant eux. Dans ce cas, les juges doivent interpréter la loi si celle-ci, parce qu'elle ne prévoit pas l'hypothèse en cause dans le cas de l'espèce, est favorable au prévenu. Tel fut par exemple le cas de la légitime défense des biens qui n'était pas expressément visée par un texte répressif au contraire de la légitime défense des personnes. Cette lacune a été corrigée par les juges et cette interprétation analogique de la loi pénale fut favorable aux personnes concernées par une telle hypothèse, s'agissant effectivement d'une cause d'irresponsabilité pénale.
Autrement dit, cette méthode de l'interprétation « in favorem » permet d'appliquer la loi à une situation inédite qu'elle n'a pourtant pas prévue. Cette méthode est néanmoins rarement utilisée par les juges répressifs français sauf en cas de lacune notable.
Sources :
- Légifrance
- Sénat
- L'interprétation des lois, Beccaria et la jurisprudence moderne, Jean-Christophe Saint-Pau Dans Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2015/2 (N 2), pages 273 à 285
- Revue des droits et libertés fondamentaux