En l'espèce, la Cour est amenée à traiter d'une affaire visant les droits nationaux chinois et irlandais, ainsi que certaines directives internationales organisant la libre circulation sur les territoires européens. Dans les faits, il s'agit de deux ressortissants chinois, les époux Chen, dont l'époux réalise fréquemment des séjours professionnels sur le territoire du Royaume-Uni, et la femme souhaite y résider, exerçant son activité professionnelle de façon plus continuelle sur ce territoire. Ces époux ont eu deux enfants, dont l'un né en Chine, et l'autre né en Irlande, et disposant ainsi de la nationalité de ce pays du fait des règles du droit du sol. La famille souhaite par la suite s'installer totalement sur le territoire du Royaume-Uni, alors État membre de l'Union européenne, et l'arrêt s'intéresse à la question de l'octroi du droit de séjour à la famille d'un enfant ayant la nationalité de l'État membre en question, mais séjournant dans un autre État de cette même communauté. La Cour est ainsi saisie par une demande de décision préjudicielle à propos de l'interprétation d'une directive sur la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne. La question que la Cour doit trancher est alors, de façon plus spécifique, si un enfant en bas âge (mineur en l'espèce) peut se prévaloir des droits de libre circulation et de séjour garantis par le droit communautaire, et si sa famille peut également en bénéficier, par rattachement, du fait des prérogatives du regroupement familial. La Cour des Communautés européennes répond alors à cette question par l'affirmative, et reconnaît une application relativement extensive des principes de la liberté de circulation et de séjour sur tout territoire appartenant à l'Union européenne.
Dans quelle mesure un enfant mineur ainsi que ses parents peuvent-ils bénéficier du droit de séjour sur un territoire duquel il a la nationalité, mais sur lequel il ne réside pas ?
I. La reconnaissance du droit de séjour pour la famille de l'enfant
A. Une reconnaissance faite au cas par cas par les juridictions
L'article 18 du Traité CE mentionne le droit pour tout citoyen de l'union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : c'est à partir de cette disposition, précisée dans les visas que la Cour va rendre sa décision en l'espèce. En effet, le droit de séjour fait écho à la jurisprudence, et a été intégré progressivement dans les textes pour en assurer la garantie par les institutions et les États, ce qui est rappelé ici. La jurisprudence de la Cour a notamment été amenée à juger de ce droit à plusieurs reprises, pour en reconnaître l'étendue. Cette question de l'étendue de l'application du droit de séjour est alors ici remise au premier plan dans le cas d'un enfant mineur et de sa famille. Les décisions rendues par les institutions jouent alors un rôle majeur pour compléter le principe de liberté posé par les textes, et en donner l'encadrement et les éventuelles limites à apporter.
B. L'interprétation extensive donnée par la Cour
Dans cet arrêt, il convient de revenir sur la prise en compte par la Cour de la situation de la mère pour apprécier le droit de séjour de l'enfant. Il s'agit d'une appréciation in concreto en tenant compte de tous les faits notamment des intérêts personnels et économiques dont disposent les individus sur le territoire dont il est question. Cet arrêt confère une reconnaissance large de la citoyenneté européenne avec les garanties qui la suivent et qui doivent être accordées à la famille. En principe, le droit de séjour est ainsi garanti aux membres de la famille d'un enfant mineur à qui ce droit est reconnu, sous certaines conditions, notamment l'existence d'une assurance dans l'état d'accueil. Ici, l'enfant étant à la charge de sa mère, le droit de séjour est reconnu comme un droit à durée indéterminée, et doit être accordé sur le territoire de l'État où il souhaite résider. Par ailleurs, le parent qui a la garde de ce ressortissant mineur (irlandais en l'espèce) peut séjourner avec lui dans l'État membre d'accueil.
II. Le droit de séjour indirectement attribué à la mère
A. L'attraction par le droit de séjour de l'enfant ayant la nationalité
Il est question de la reconnaissance du droit de séjour de l'enfant et de sa durée ainsi que du bénéfice de ce droit pour le reste de la famille, par rattachement au droit de séjour de l'enfant mineur du couple. En l'espèce, le couple a eu un enfant né en Chine et un né sur le territoire irlandais ; le droit irlandais permet à toute personne née sur son territoire d'avoir cette nationalité (droit du sol), mais le droit chinois est plus strict sur la reconnaissance. Il s'agit ici d'une interprétation extensive du droit de séjour donnée par la Cour, puisque la famille en bénéficie à travers l'un de ses membres du fait que celui-ci est mineur et assuré sur le territoire en question. La motivation de l'arrêt rendu par la Cour est ainsi particulière puisqu'elle ne se contente pas de la lettre des textes auxquels elle fait référence, mais les interprète en faveur de la libre circulation des personnes et du regroupement des intérêts familiaux en tant que liberté fondamentale.
B. L'harmonisation des droits nationaux par la Cour européenne
Le couple tente ici de contourner la politique restrictive de la Chine en matière de naissance et de nationalité ; cette politique nataliste ne permet pas d'avoir plusieurs enfants nés en Chine, ce qui explique les nationalités différentes des enfants. Or, la famille veut s'installer au Royaume-Uni où la mère travaille et où le deuxième enfant a la nationalité, mais est confrontée à un refus des autorités britanniques. La Cour doit donc traiter de ces deux corps de droit et trancher le litige qui oppose le droit chinois au droit irlandais pour répartir la compétence. La Cour va accorder la reconnaissance extensive de la nationalité et du droit de séjour en Irlande pour l'enfant concerné et consacre le principe de l'application universelle de ces libertés, y compris pour des enfants mineurs.
Sources : CVCE