Quels étaient les faits de l’espèce ?
Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d’État, en date du 4 mars 1910, il était question d’un litige qui trouvait son origine dans l’inexécution d’un contrat par la ville de Montpellier. En effet il était question d’un contrat conclu entre la ville et le sieur Thérond. Ce dernier intéressait tout particulièrement le monopole, à son propre bénéfice, non seulement de la capture de chiens errants, de leur mise en fourrière, de même que l’enlèvement des bêtes mortes non réclamées par leurs propriétaires, ou encore celles ayant été reconnues comme étant malsaines par un service particulier, à savoir : le service de l’inspection sanitaire.
Toutefois, il ressort des faits de l’espèce que la ville n’a pas exécuté certaines de ses obligations. Plus spécifiquement, il ressort de cette décision que la rémunération du sieur Thérond reposait sur le paiement de taxes à la charge desdits propriétaires. L’inexécution en cause résidait tout particulièrement dans l’enlèvement des bêtes mortes dont les propriétaires étaient en effet connus de la ville.
- Conseil d'Etat, 4 mars 2010, arrêt Thérond (n 29373) - La concession d'un service public municipal et son caractère administratif
- Rédaction de commentaire d'arrêt par un tuteur rédacteur
Demande de dommages et intérêts par Monsieur Thérond
Face à ce constat, le sieur Thérond décida de demander aux autorités administratives l’attribution, à son bénéfice, de dommages et intérêts tout en réclamant la résiliation de ce marché. Cette demande ne fut cependant pas acceptée par le Conseil de préfecture se l’Hérault qui décida en effet de la rejeter. Mécontent de cette décision, l’affaire en cause fut par la suite portée devant le Conseil d’État par le sieur Thérond qui décida de se pourvoir devant le juge administratif suprême.
Quel était le problème de droit posé dans cette décision ?
Le Conseil d’Etat, dans sa décision rendue le 4 mars 1910 eut à répondre à la question de savoir dans quelle mesure le juge administratif est-il ou pas compétent afin de connaître de contrats conclus par une commune, contrats qui, par ailleurs, intéressent spécifiquement le but d’assurer un service public ?
Autrement dit, dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d’Etat, a été amené à répondre à la question de savoir s’il est lui-même compétent ou fin de connaître d’un litige de nature contractuelle qui implique une collective territoriale (au-delà même de la commune).
Qu’ont décidé les juges du Conseil d’Etat en l’espèce ?
En l’espèce, les juges du Conseil d’Etat considérèrent que le juge administratif est en effet compétent afin de connaître de tels litiges. Pourquoi ? Ces derniers se disent en effet compétents dans la mesure où il s’agit d’un contrat dont l’objet visait à ce qu’un service public soit assuré, en l’espèce un service public d’hygiène et de sécurité.
Ce faisant, par cette décision, le Conseil d’Etat a participé à une évolution majeure en termes de contrats. Effectivement, jusqu’à cette décision rendue le 4 mars 1910, le juge administratif ne disposait de la compétence pour connaître d’un litige né d’un contrat que lorsque celui-ci revêtait la nature d’un contrat de l’État.
Il est sûrement utile de noter ici que le juge administratif est reconnu comme étant compétent pour connaître des litiges qui interviennent à l’occasion de la vie juridique d’un contrat administratif, c’est-à-dire un contrat passé en vue d’assurer un service public par une personne publique. Pour sa part, le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges qui résultent d’un contrat de droit.
Quid maintenant du monopole attribué au sieur Thérond en l’espèce ?
Dans notre cas d’espèce, il est nécessaire de rappeler que le sieur Thérond s’est vu attribuer un monopole. Or ce monopole a bien posé un certain questionnement. En effet dans notre cas d’espèce, les juges du Conseil d’Etat ont considéré que ce monopole attribué au demandeur, dans le cadre spécifique de l’enlèvement des bêtes mortes était en fin de compte illégal. Pourquoi les juges ont-ils décidé ainsi ? Pour ces deniers, ce monopole est illégal en ce sens où celui-ci contrevient à la liberté du commerce. Dans la mesure où il était impossible à la ville de Montpellier de respecter les engagements contractuels pour lesquels elle s’est engagé, les juges de la haute juridiction administrative ont finalement décidé de prononcer la résiliation du contrat en cause, et finalement ont décidé d’attribuer une indemnité au demandeur.
La compétence exclusive du juge administratif dans le cadre d’un contrat administratif
Cette décision Thérond du 4 mars 1910 revêt une importance particulière en ce sens où elle constitue une jurisprudence qui étend le pouvoir revenant au juge administratif. C’est en effet par cette décision que le Conseil d’Etat a décidé de s’attribuer une compétence pleine et entière, véritablement exclusive, à l’égard de des litiges qui découlent de l’exécution des services publics. Il est surtout important de garder en tête que cette décision principe constitue le point de départ de l’accroissement, de la véritable extension des compétences du juge administratif à l’égard des contrats administratifs dans leur ensemble et non plus uniquement les contrats de l’Etat comme tel était le cas jusqu’alors. En décidant ainsi, le Conseil d’État a participé à poser les bases de ce qu’est un contrat administratif, notamment le but d’intérêt général. Surtout par cette décision importante et fondatrice, le Conseil d’État a permis d’uniformiser le régime s’appliquant en effet au contentieux contractuel public. Compte tenu de ces différentes constatations, cet arrêt constitue l’un des fondements compte tenu de ces différentes constatations, cet arrêt constitue l’un des fondements indéniable du droit administratif français, au-delà la même de la question des contrats administratifs. Au-delà de l’évolution du droit administratif par cette décision, il s’agit-là d’un point de départ indéniable de l’extension de la compétence du juge administratif. Notons également qu’avec cette décision, le Conseil d’État a été en mesure de préciser sa compétence en matière de contrats administratifs, celle-ci posant à l’époque et depuis un certain temps nombre de questions auxquelles il a finalement pu répondre grâce à ce cas d’espèce. Depuis lors, nous pouvons que le juge administratif a réaffirmé à plusieurs reprises ces règles posées à cette occasion.
Références
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007631419/
https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2015/06/10/le-caractere-administratif-de-la-concession-dun-service-public-communal/
https://fiches.dalloz-etudiant.fr/fileadmin/contenu_fiches/Public/Le_contrat_administratif___notion/GrandsArrets_31juill1912.pdf
https://novataux.com/arret-therond/