Quels étaient les faits de l’espèce ? 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d’Etat, des vipères deviennent nuisibles dans un département qui a décidé d’offrir une prime à toute personne qui participe à la destruction de leurs nids. Il existe un contrat implicite entre ces personnes et le département ; et le sieur Terrier saisit le juge administratif afin d’obtenir le paiement de la prime qui lui a été refusée par le département. Plus exactement, il s’agissait d’une prime d’un maigre montant qui serait attribuée à ces personnes qui démontrent avoir procédé à cette élimination après présentation d’un certificat délivré par les communes concernées de ce département. Le conseil départemental lui refuse le versement de la prime au motif que le crédit spécifiquement alloué à la destruction des nids est épuisé. Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il été saisi en l’espèce ? Par un arrêté pris le 17 juillet 1901, le conseil départemental en cause s’est décalée incompétent afin de pouvoir valablement statuer sur la demande formée. 


Quelle était la question de droit posée par cet arrêt ? 

Le sieur Terrier demande au Conseil d’Etat qu’il annule l’arrêté susmentionné sur la base duquel le conseil départemental s’estime incompétent pour connaître de la demande du requérant. Selon le requérant il est le bénéficiaire de la prime en cause car il s’agit ici d’un contrat qui est la conséquence de l’offre proposée par le département. 

Dans cette décision, les juges du Conseil d’Etat s’intéresse à la nature même du contrat concerné entre le requérant et le conseil départemental. S’agit-il d’un contrat de droit privé ou d’un contrat de droit public ? Quelle est alors la compétence du juge en la matière ? 

Qu’a décidé le Conseil d’Etat ?

Statuant au contentieux, la Haute juridiction administrative dans cette décision Terrier, du 6 février 1903, considéré que le requérant est en mesure de réclamer le versement de la prime, les termes de la délibération qui attribue cette prime, ainsi que le crédit correspondant inscrit au budget du département le lui permettant. Le fait pour l’autorité préfectorale d’avoir refusé d’allouer la prime en cause au requérant est constitutif « d’un litige dont il appartient au Conseil d’Etat de connaître ». De ce fait et en d’autres termes, c’est au juge administratif suprême de connaître d’un tel litige qui est né entre les parties de ce refus. Il a décidé ainsi en visant deux textes spécifiques, à savoir : la loi sur les procédures à suivre devant les conseils de préfecture en date du 22 juillet 1889 et la loi relative au Tribunal des conflits ayant pour effet de réorganiser le Conseil d’Etat en date du 24 mai 1872. En l’espèce le Conseil d’état a reconnu sa compétence en ce que la destruction des nids de vipères revêt spécifiquement la nature d’un acte de service public. Cette chasse est d’utilité publique et surtout elle poursuit un objectif d’intérêt général au bénéfice des habitants du département concerné. L’initiative portée par le conseil départemental disposant d’un caractère administratif, le contrat qui lie le requérant au département ne peut finalement pas être considéré comme étant constitutif d’un contrat de droit privé. D’où une telle reconnaissance de sa compétence, le litige en effet né entre les parties revenant une nature administrative. 


Quelle est la portée de cette décision ?

Un contrat administratif peut être qualifié de la sorte du fait de leur objet, c’est-à-dire ce sur quoi il porte. Notre décision ici commentée en constitue une illustration dans la mesure où le contrat en cause est conclu entre un conseil départemental et un individu et que son objet porte précisément sur l’exécution d’un service public. Par voie de conséquence, celui revêt la nature d’un contrat administratif dont la vie juridique doit être connu par le juge administratif, notamment en cas de litige dans le cadre de son exécution et ou inexécution. En l’espèce, il est reconnu que le conseil départemental a méconnu ses obligations tirées du contrat administratif conclu avec le sieur Terrier. L’objet du contrat portant sur l’exécution d’un service public, certes limité et circonscrit à la destruction desdits nids, tout litige qui en découle comme en l’espèce emporte nécessairement la compétence du juge administratif pour en connaître. 

Cette décision reflète le critère du service public qui avait été mis en avant à l’occasion de la décision Blanco du Tribunal des conflits en date du 8 février 1873. La notion de service public est à la fois finaliste (c’est-à-dire qu’il est une fin de l’administration) mais aussi organique. C’est à partir de cette décision du Tribunal des conflits qu’il est décidé que le service public constitue un critère de compétence au profit du juge administratif. Souvenez-vous dans cette décision de 1873 il s’agissait d’une jeune fille qui avait été renversée par un wagonnet, mis en mouvement par des ouvriers d’une manufacture de tabac et qui était alors une entreprise appartenant à l’État. La jeune fille sera finalement amputée et son père recherchera l’obtention de dommages et intérêts suite à cet accident. 

Qui était alors compétent pour connaître de ce litige entre le juge administratif et le juge judiciaire ? Dans cet arrêt, le Tribunal des conflits avait jugé que la responsabilité qui peut incomber à l’Etat concernant les dommages qui sont causés à des particuliers par des individus « qu’il emploie dans le service public » ne peut être régi par les principes édictés et prévus au sein des dispositions du Code civil qui ne gère que les rapports existant entre les particuliers ; que celle-ci n’est en rien générale et absolue ; que cette responsabilité dispose de règles spécifiques qui varient en fonction des besoins du service et qu’il est nécessaire de concilier les droits des particuliers et ceux de l’Etat. Par conséquent, il appartient à l’autorité administrative de connaître des litiges en cause, celle-ci étant seule compétente. 

Notre décision Terrier est une illustration du critère de puissance publique attribuée au service public et qui permet la reconnaissance de l’application du droit administratif. 

Il y a eu des évolutions concernant le contrat administratif. Ce dernier est administratif lorsqu’un cocontractant de la personne publique exerce un service public. Finalement il est intéressant que cette notion, ici mise en avant par la décision Terrier constitue le fondement d’autres notions applicables en droit administrait, à l’image de l’ouvrage public par exemple, plus généralement concernant la notion spécifique du contrat administratif.

 

Références

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007634922/

http://www.tribunal-conflits.fr/decisions-quelques-grands-arrets.html

https://jurislogic.fr/contrat-administratif-definition-regime-juridique/