Dans le cas d'espèce, la Chambre sociale de la Cour de cassation relève qu'une ouvrière agricole était employée par une société pour la cueillette des citrons avant d'être employée pour l'engainage des bananes. Or celle-ci considéra que cette affectation nouvelle était de nature à la sanctionner. Ayant décidé de ne pas reprendre le travail, elle fut licenciée pour faute grave. Elle saisira la juridiction prud'homale en demandant des dommages-intérêts liés à cette rupture.

La Cour d'appel de Fort-de-France, le 24 octobre 1996, condamna la société à différents paiements retenant que l'employée avait subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans son arrêt, elle avait considéré que tout employeur est autorisé à  « muter un salarié de poste à poste » si cela répond à « des impératifs d'organisation du service » ou d'après « une appréciation de l'aptitude du salarié à tenir son poste » sans que toutefois cette mutation relève d'une procédure disciplinaire. Elle releva aussi que cette mutation ne revêt pas le caractère d'une modification substantielle du contrat de travail, l'employée étant restée affectée au même service dans l'entreprise. Donc, l'employée disposait de la même situation qui était la sienne avant la décision de mutation, concernant « sa qualification ».

Néanmoins, la Cour retient que la salariée n'a jamais été affectée à cette nouvelle tâche, celle-ci étant employée en qualité d'ouvrière agricole : ce changement de poste était de nature à modifier substantiellement les conditions d'exécution du contrat. Selon elle, la demanderesse pouvait refuser d'accomplir sa prestation de travail, dans ces nouvelles conditions, sans que l'initiative de la rupture lui soit imputable.

La Cour de cassation retiendra que l'employeur, par son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié. Même si la tâche attribuée à un salarié diffère de celle à laquelle il était précédemment employé, cela ne caractérise pas une modification du contrat si cette tâche « correspond à sa qualification ». Et la Cour de cassation de casser l'arrêt de la Cour d'appel.

Dans quelle mesure un employeur peut-il modifier les simples conditions de travail d'un salarié ?

La Cour de cassation apporta une précision utile concernant la distinction entre la modification du contrat de travail et un simple changement de conditions de travail (I), en érigeant un nouveau régime à l'égard des fonctions du salarié (II).

I. Modification du contrat de travail et changement de conditions de travail : une précision prétorienne utile

Si un salarié dispose du droit de refuser l'exécution de missions non prévues par le contrat (A), il ne saurait toutefois refuser un changement des conditions de travail imposé par son employeur (B).

A. Le droit de refus du salarié de l'exécution de missions non contractuelles…
Au visa de l'article 1134 ancien du Code civil, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel. Il convient de préciser ici que la qualification du salarié doit être contractualisée. Donc, toute modification d'un contrat (y compris la qualification) doit être soumise à l'accord des deux parties contractantes.

Ainsi, le refus subséquent d'un salarié qui s'est vu imposer de nouvelles tâches par son employeur et qui n'étaient pas prévues par le contrat ne travail ne saurait constituer une faute (Cass. soc., 26/05/1998). Aussi, ce salarié ne saurait être légalement licencié pour faute aux motifs qu'il a refusé de réaliser une telle nouvelle tâche non prévue au contrat (Cass. soc., 02/02/1999).

B. … À différencier d'un changement des conditions de travail par l'employeur
En l'espèce, la Cour a différencié la modification unilatérale du contrat de travail au changement des conditions de travail. Elle a relevé que la salariée occupait, concernant ses missions, une fonction analogue à celle visée dans le contrat de travail. Ces fonctions similaires ne sauraient être considérées comme une modification du contrat : il apparaît impossible pour les salariés qui en font l'objet de refuser.

Donc, s'il existe une correspondance entre la fonction actuellement exercée par le salarié et la fonction effectivement définie par le contrat de travail, celui-ci ne peut refuser d'exercer cette mission ne relevant que d'un changement des conditions de travail. Cette possibilité est une illustration du pouvoir de direction de l'employeur.

En statuant ainsi, la Cour a apporté une précision concernant la distinction entre modification du contrat et un simple changement des conditions de travail. (II).

II. L'élaboration prétorienne d'un nouveau régime de la notion de fonctions

En cassant l'arrêt de la Cour d'appel, la Chambre sociale a non seulement justifié sa décision (B), mais a reconnu un nouveau régime des fonctions du salarié (A).

A. La reconnaissance d'un nouveau régime des fonctions du salarié
En l'espèce, la Cour précisa le régime des fonctions exercées par un salarié. En effet, cette précision implique qu'il n'est nullement question de garantir le maintien de l'ensemble des tâches pour lesquels le salarié fut recruté.

Cette précision sur les fonctions attribuées et exercées par le salarié intéresse principalement la garantie selon laquelle les tâches nouvelles pouvant lui être attribuées unilatéralement par l'employeur demeurent de même nature. Cette garantie permet, depuis cette décision, que ces tâches demeurent dans la qualification du salarié. Par ailleurs, elles ne doivent pas non plus modifier ses responsabilités (Cass. soc., 25/11/1998, n 96-44.164) ni ses attributions dans la société (Cass. soc., 16/12/1998, n 96-41.845).

B. Une décision de cassation justifiée
En annulant cet arrêt, la Chambre sociale justifia sa décision puisque la notion de qualification dispose d'une portée particulière. Effectivement, le contrat de travail est constitué par un socle invariable dont toute modification nécessite l'accord du salarié. La qualification en fait partie et ne peut être confondue avec la notion de tâches.

En effet, plusieurs tâches peuvent être associées à une seule qualification. Or l'affectation des tâches relève uniquement de l'employeur et de son pouvoir de direction. Ainsi adjoindre de nouvelles tâches à une qualification ne saurait revêtir le caractère d'une modification du contrat de travail du salarié.

 

Sources : Legifrance, Lexbase