Quels étaient les faits de l’espèce ? 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d’Etat, en date du 30 mars 1916, il s’agissait d’une demande formulée par la Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux à la ville de Bordeaux à l’effet que cette dernière prenne en charge le surcoût qui a résulté pour la compagnie d’une augmentation importante du prix du charbon. En effet ce prix fut multiplié par 5 entre le jour de la signature de la concession dont il est question et 1916. Pourquoi ce prix a-t-il augmenté considérablement ? C’est du fait de la guerre, et plus précisément de l’occupation des territoires qui produisaient le charbon par les forces armées allemandes, que ces prix ont augmenté, ceci additionné aux difficultés de transports maritimes


Qu’ont décidé les juges du Conseil d’Etat ? 

Dans notre cas d’espèce, les juges du Conseil d’Etat ont retenu que par principe, le contrat de concession dont il est question ici fixe en vérité définitivement les obligations qui doivent être respectées par le concessionnaire, mais aussi les obligations qui doivent être respectées par le concédant. Plus exactement, il ressort de cette décision que la hausse du prix de ces matières, résultant de circonstances économiques, revêt la nature d’un aléa du marché et partant, celui-ci doit être à la charge par le concessionnaire. C’est par voie de conséquence au concessionnaire d’assumer personnellement la variation de ces prix, variation due à des circonstances économiques.

Ceci étant précisé, les juges du Conseil d’Etat ont ajouté que dès lors que l’économie du contrat en cause est troublée par des évènements qui ne pouvaient être prévus par les parties contractantes au moment de la conclusion dudit contrat, en l’espèce il s’agissait de la Première guerre mondiale, il n’apparait pas possible que le concessionnaire puisse assurer le fonctionnement du service au regard des conditions initialement prévues et arrêtées lors de la conclusion de ce contrat. Dit autrement, les limites extrêmes eu égard à ce qui pouvait valablement être envisagé par les parties contractantes le jour de la conclusion du contrat sont telles que le concessionnaire n’a pas à en assumer la charge. 

Dans notre cas d’espèce, les juges de la Haute juridiction ont retenu que pour qu’il soit mis un terme aux difficultés économiques temporaires en question, il était impératif de trouver une solution qui prenne effectivement en considération l’intérêt général (celui-ci impose la continuité du service) tout en prenant également en considération les circonstances particulières de l’espèce. 

La compagnie demanderesse devait nécessaire assurer le service dont il était question ; à cela, toutefois, les juges ont précisé que la compagnie était en mesure d’obtenir réparation et donc d’être effectivement indemnisée eu égard aux conséquences financières qui résultent d’un cas de force majeure et qui, selon eux, excédait l’aléa économique « normal ». 

Une application de la théorie de l’imprévision

Ici, le Conseil d’Etat appliqua la théorie de l’imprévision ; il faudra néanmoins attendre de nouvelles décisions rendues par le juge administratif afin d’obtenir davantage de précisions concernant précisément les conditions d’application de celle-ci. En ce sens, les évènements qui impactent l’exécution du contrat doivent revêtir différentes caractéristiques : ils doivent tout d’abord être imprévisibles, mais aussi extérieurs aux parties contractantes, et ils doivent enfin entrainer un bouleversement dans l’économie de ce contrat


Plus exactement, les évènements qui affectent l’exécution du contrat doivent revêtir un caractère imprévisible (ce sont par exemple des circonstances de différentes natures, économiques ou encore naturelles) ; ce caractère déjoue alors ce qui pouvait être prévu de manière raisonnable le jour de la conclusion du contrat. Ensuite, les circonstances en question doivent être extérieures à chaque partie contractante car dans le cas contraire, c’est la théorie du fait du prince s’appliquera. Enfin, celles-ci résultent sur un bouleversement dans l’économie du contrat qui ne saurait cependant pas faire obstacle à l’exécution des dispositions contractuelles arrêtées par les parties, sinon il s’agira d’un cas de force majeure qui aurait pour effet d’exonérer le cocontractant de ses obligations issues du contrat.

Il nous donc faut bien garder en tête que cette imprévision ne peut être assimilée à un cas de force majeure ; en outre, il est nécessaire que le cocontractant impacté poursuive l’exécution du contrat car dans le cas contraire, il commet une faute qui est de nature à engager sa responsabilité.
Néanmoins ce dernier dispose d’un droit à indemnisation, de tout ou partie de cette charge qui constitue une charge extracontractuelle. 

Ici, il nous faut préciser que deux hypothèses peuvent se produire : soit l’équilibre contractuel reprend (car les circonstances imprévisibles ont disparu ou que les parties sont parvenues à un accord) ; soit celui-ci se révèle définitif. Dans ce dernier cas, alors, l’imprévision en cause prend la forme d’un cas de force majeure qui permet de justifier in fine de résilier le contrat. 

L’imprévision a un caractère maintenant subsidiaire étant donné que les cocontractants ont ajouté des clauses de révision au sein de leurs contrats, clauses qui ont pour effet de permettre aux dispositions contractuelles et aux obligations qui en découlent de s’adapter aux évolutions économiques et financières. 



Références

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/1916-03-30/59928

https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/jurisprudence/les-grandes-decisions-depuis-1873/conseil-d-etat-30-mars-1916-compagnie-generale-d-eclairage-de-bordeaux

https://aurelienbamde.com/tag/compagnie-generale-declairage-de-bordeaux/