- Les faits de l'espèce
- Des pouvoirs de police attribués aux maires
- Les dispositions de l'arrêt du Conseil d'État
- En bref, que retenir de cet arrêt ?
Les faits de l'espèce
L'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge rendu par le Conseil d'État le 27 octobre 1995 est connu comme l'arrêt du "lancer de nains".
Le maire de cette commune de l'Essonne en Ile-de-France a décidé l'interdiction de spectacles dans diverses discothèques présentes sur le territoire de sa commune lors desquels des "lancers de nains" avaient été prévus par les organisateurs.
Pour ce faire, le maire s'est appuyé sur les pouvoirs de police générale, pouvoirs qui lui sont expressément et légalement reconnus par l'article L.131-2 du Code des communes. En effet, le maire dispose en droit administratif français de pouvoirs de police générale, mais aussi spéciale. Il aurait pu aussi décider de se fonder sur ses pouvoirs de police spéciale pour ce faire, puisqu'une ordonnance datant du 13 octobre 1945 relative aux spectacles le prévoit.
Dans le cas de l'espèce, le maire a décidé d'interdire ces spectacles parce qu'il estimait que ceux-ci portaient une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine. De fait, le maire ne s'est pas fondé sur la garantie de la sécurité du public ni même sur une prévention de troubles matériels éventuels à l'ordre public.
Des pouvoirs de police attribués aux maires
Les maires disposent de pouvoirs en matière de police municipale et dans ce cadre particulier, ils sont contraints de prendre des mesures qui sont dites nécessaires au maintien de l'ordre public et donc concernent la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques.
Cependant, la jurisprudence du Conseil d'État, et à de nombreuses reprises, a décidé d'admettre que cette notion d'ordre public peut se décliner au travers d'autres considérations et donc, à des aspects tout à fait particuliers de moralité publique comme dans l'arrêt de section du 30 mai 1930, Beaugé (n°pourvoi : 89673) concernant la réglementation de la tenue des baigneurs sur la plage.
Les dispositions de l'arrêt du Conseil d'État
C'est par cet arrêt du 27 octobre 1995 que fut reconnue pour la première fois par la jurisprudence du Conseil d'État que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public, mais cette notion n'est pas totalement innovante en droit français en ce que le Conseil constitutionnel avait, par une décision du 27 juillet 1994, édicté en tant que principe à valeur constitutionnelle la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation.
C'est ainsi que le Conseil d'État a ici prévu que le maire en tant qu'autorité investie du pouvoir de police municipale est en mesure d'interdire une attraction qui porterait atteinte à ce respect.
Le "lancer de nain" fut regardé par les juges du Conseil d'État comme portant atteinte à la dignité de la personne humaine, du fait notamment que l'individu affecté d'un handicap physique est utilisé comme projectile dans le cadre de ces spectacles.
Par conséquent et même en l'absence de circonstances locales particulières, le maire de la commune a pu décider d'une telle interdiction.
En bref, que retenir de cet arrêt ?
Le Conseil d'État a décidé par cet arrêt que le respect de la dignité de la personne humaine devait être considéré comme une composante de l'ordre public.
Sources : Légifrance, Conseil d'État
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