Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté par la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 octobre 2002, plusieurs actionnaires ont constitué la société anonyme La Foncière Marceau. Celle-ci a acquis, à Paris, plusieurs immeubles avec le concours financier de la société Banque CGER France. Les dirigeants de la société anonyme se sont tous deux portés cautions solidaires des engagements de celle-ci.

La société anonyme a toutefois fait l'objet d'une liquidation judiciaire et la banque, créancière, a donc réclamé aux cautions l'exécution de leurs engagements.

Elles ont mis en cause la responsabilité de l'établissement de crédit, et donc de la banque, en lui reprochant notamment de leur avoir fait souscrire des cautionnements sans rapports avec leurs ressources.

Cependant, ces prétentions seront rejetées par la Cour d'appel de Paris par un arrêt du 18 juin 1999. Alors, les cautions de la société anonyme, décident de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu. Ils considèrent en effet que la responsabilité des établissements de crédit est engagée à l'égard des cautions lorsqu'ils obtiennent des engagements de cautions disproportionnés par rapport à leurs ressources mais aussi que la responsabilité des dispensateurs de crédit est engagée à leur égard lorsqu'il existe une disproportion entre le montant d'un engagement de caution et la capacité financière de celle-ci.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que les demandeurs ne peuvent pas se prévaloir du caractère disproportionné de leur engagement de caution. Ils n'ont su démontrer que la banque aurait eu des informations qu'eux-mêmes auraient ignoré. Ils ne peuvent donc pas rechercher la responsabilité de la banque.

Dans quelles hypothèses une caution peut-elle engager la responsabilité civile de la banque en tant que bénéficiaire de la garantie ? Il existe un principe de proportionnalité mais quand y a-t-il engagement disproportionné entre le montant du cautionnement qui a été souscrit et le patrimoine de la caution ?

Il convient donc de se demander s'il est possible pour les cautions dirigeantes d'invoquer le non respect du principe de proportionnalité ?

Le principe de proportionnalité tend à s'amoindrir (I), toutefois, afin de pouvoir utilement engager la responsabilité du prêteur, il faut apporter la preuve de l'engagement disproportionné de la caution (II).


I. Un étrécissement du principe de proportionnalité dans le contrat de cautionnement

S'il y eut reconnaissance prétorienne du principe de proportionnalité de l'engagement des cautions dirigeantes (A), il y eut toutefois un affaiblissement de la portée de ce principe (B).


A. La reconnaissance du principe de disproportion de l'engagement des cautions dirigeantes

La Chambre commerciale relève que les demandeurs au pourvoi « se sont portés, chacun, caution solidaire des engagements [de la société anonyme] ».

C'est par un arrêt du 17 juin 1997 (aussi appelé arrêt « Macron ») que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a aligné la situation des cautions « dirigeants sociaux » avec la situation des cautions de débiteur consommateur. Ainsi, la Cour avait retenu la faute de la banque ayant accepté un cautionnement disproportionné puisqu'un aval fut obtenu « sans aucun rapport avec le patrimoine et les revenus de l'avaliste ». Celle-ci fut condamnée au versement de dommages et intérêts : sa responsabilité avait alors été engagée dans la mesure où elle avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi.

Alors une caution et ce, quelle qu'elle soit, qui prouvera la disproportion de son engagement pourra se voir octroyer le versement de dommages et intérêts.

Les situations respectives de ces deux sortes de cautions ont été uniformisées tandis que la loi du 31 décembre 1989 posant un principe de proportionnalité en matière de crédit à la consommation et de crédit immobiliser selon lequel il n'est pas possible pour un établissement de crédit de se prévaloir d'un cautionnement si l'engagement effectué par la caution était « lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » . Cela emporte pour conséquence que le créancier ne peut plus invoquer le cautionnement.


B. L'affaiblissement de la portée du principe de proportionnalité

La Haute juridiction, dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté, réduit véritablement la portée de l'arrêt rendu le 17 juin 1997 par la même chambre.

En effet, la Cour de cassation rompt partiellement avec le principe de proportionnalité pourtant précédemment énoncé entre le montant du cautionnement souscrit et le patrimoine de la caution.

Ainsi, la responsabilité de la banque peut toujours être engagée mais uniquement dans l'hypothèse où celle-ci savait que l'opération était compromise et que par conséquent, la caution devrait exécuter l'obligation du débiteur principal sans toutefois le tenir informé qu'elle sera appelée.

Si la banque avait « des informations qu'eux-mêmes auraient ignorées », et donc que les cautions ignoraient, alors elles auraient été fondées à rechercher la responsabilité de cette dernière, bénéficiaire de la garantie. En tout état de cause, les cautions de la société anonyme se sont vues refuser la possibilité de se prévaloir du caractère disproportionné de leur engagement parce qu'ils n'ont pu apporter la preuve de cette connaissance du bénéficiaire de la garantie.

S'il est vrai qu'il y a eu un affaiblissement de la portée du principe de proportionnalité, il n'en reste pas moins que l'engagement disproportionné de la caution doit être prouvé de façon à pouvoir engager utilement la responsabilité de la banque.


II. La nécessaire preuve de l'engagement disproportionné de la caution

Cette preuve de la disproportion de l'engagement de la caution est nécessaire (A) et de cette preuve résultera sur l'engagement de la responsabilité de la banque (B).


A. La preuve de la disproportion invoquée...

La Chambre commerciale de la Cour de cassation exige des demandeurs au pourvoi qu'ils « [démontrent] que la banque aurait eu (...) des informations qu'eux-mêmes auraient ignorées » en ce que la banque leur aurait fait souscrire des cautionnements sans rapport avec leurs ressources.

Les cautions dirigeantes sont-elles privées de cette possibilité d'invoquer le non respect du principe de proportionnalité ?

En réalité, si les deux cautions dirigeantes de la société anonyme, dans le cas d'espèce, ne peuvent se prévaloir de la disproportion ainsi invoquée, il est mentionné par la Haute juridiction qu'il sera néanmoins possible pour elles d'établir et donc de prouver que la bénéficiaire de la garantie aurait eu non seulement sur le patrimoine des cautions mais aussi sur « le succès raisonnablement prévisible de l'opération immobilière entreprise par la société des informations » qu'ils ignoraient eux-mêmes.

Par conséquent, ils ne sont pas privés de cette possibilité, ils en sont simplement limités. Il est alors toutefois primordial d'apporter la preuve que le créancier, bénéficiaire de la garantie, disposait effectivement d'informations ignorées d'eux-mêmes afin de pouvoir engager la responsabilité de la banque.


B. ...résultant sur la responsabilité de l'établissement de crédit

Dans cet arrêt, la Cour de cassation énonce que les cautions « ne sont pas [fondées] à rechercher la responsabilité de cette banque ».

Si la preuve de la disproportion est utilement apportée par les cautions, et donc, que la disproportion du cautionnement est reconnue, le créancier ne sera pas nécessairement débarrassé de son engagement, il pourra par ailleurs voir une diminution de celui-ci en ce que la caution doit des sommes qui résultent de son engagement mais le créancier, pour sa part, en devra également et ce, suite à la mise en oeuvre de sa responsabilité.

Par conséquent, il convient de retenir que la jurisprudence prévoit une alternative en cas de reconnaissance effective de la disproportion de l'engagement de la caution lorsque la disproportion est valablement démontrée : soit elle est déchargée de l'engagement qui est le sien ; soit, le créancier lui versera des dommages et intérêts dont le montant équivaudra à celui de son engagement.