Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté par le Tribunal des conflits, le 25 mars 1996, le sieur Berkani, fut employé par le CROUS de Lyon Saint-Exupéry en qualité d'aide de cuisine avant d'être licencié. Mécontent, celui-ci décida de porter son affaire devant le Conseil des prud'hommes de Lyon (ci-après le CPH) et demanda à obtenir diverses réparations et indemnités au titre de ce licenciement qu'il jugeait irrégulier.
Cependant, le préfet de la région Rhône-Alpes présenta un déclinatoire de compétence afin que le CPH saisi se déclare incompétent avant que l'affaire ne soit finalement renvoyée devant le juge administratif. Le CPH fit néanmoins droit aux requêtes présentées par le sieur Berkani en date du 3 juillet 1995. Par conséquent, le conflit fut élevé par le préfet le 3 août suivant.
Chacune des parties arguait d'une juridiction compétente distincte. En effet, le sieur Berkani demanda la nullité de l'arrêté de conflit tandis que l'autorité administrative demanda la nullité du jugement rendu par le CPH ainsi que la confirmation de l'arrêté en cause. En effet selon lui d'après le décret du 5 mars 1987 et plus précisément son article 21, les personnels ouvriers sont des agents contractuels de droit public.
Il apparaît par conséquent opportun de se demander dans quelles mesures le contentieux inhérent aux personnels non statutaires des services publics administratifs relève de la compétence des juridictions administratives au vu de la nature du contrat en cause.
Le Tribunal des conflits jugera finalement en ces termes que "[l]es personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents contractuels de droit public, [peu importe] leur emploi." De fait, le sieur Berkani ayant travaillé pour un organisme gérant un service public à caractère administratif, le litige qui l'opposait au CROUS relève de la seule compétence des juridictions administratives.
Si la jurisprudence précédente en la matière fut relativement délicate à cause de la qualification de contrat administratif pour ces personnels (I), celle-ci semble avoir été simplifiée par cette décision (II).
I. La délicate question de la jurisprudence précédente
Avant que n'intervienne la décision Berkani la qualification de contrat administratif pour ces personnels était délicate à opérer (A). Cela résultait notamment sur une difficile détermination de la compétence juridictionnelle (B).
A. La question d'un contrat administratif pour les personnels non statutaires
Avant la décision Berkani, le contrat ne pouvait revêtir la caractéristique d'un contrat administratif que pour les cas où il comportait effectivement des clauses exorbitantes de droit commun voire si celui-ci permettait au contractant d'exécuter un service public. Le juge devait rechercher si une clause exorbitante était insérée dans le contrat. Si tel était le cas, le contrat est administratif et tout litige relève nécessairement de la compétence des juridictions administratives (cf. CE, 31/07/1912, Sté des Granits porphyroïdes des Vosges). Dans le cas contraire, il s'agissait d'un contrat de droit privé dont seules les juridictions judiciaires pouvaient connaître utilement (cf. CE, 05/03/1947, Champoiral). Or cette notion n'était pas aisée à apprécier et à identifier pour les juges. Si le plus souvent elles mettent effectivement en oeuvre des prérogatives de puissance publique, il existe également une puissance privée qui peut insérer dans un contrat entre personnes privées de telles clauses pouvant être qualifiées de la sorte par le juge administratif, lorsqu'elles se trouvent dans un contrat administratif.
Avant que n'apparaisse la décision Berkani, le critère de l'exécution d'un service public constituait l'un des critères pour distinguer les contrats administratifs des contrats de droit commun. Or si ce principe devait simplifier l'état du droit en la matière, il n'en demeure pas moins qu'il existait des difficultés pratiques concernant la caractérisation d'une mission de service public. Si le critère matériel aidait à cette identification, une comparaison entre les activités privées et publiques pour qualifier le contrat administratif étant effectuée, il n'en demeurait pas moins qu'il arrivait que ces activités soient identiques. Les distinctions résultaient alors sur une complexification du droit.
B. Une notable complexification du droit du fait de l'application des distinctions
La décision de 1963 avait créé un certain doute au regard du statut des agents de l'administration, cette reconnaissance résultant d'une appréciation parfois volatile et contraire du juge administratif. De fait, il était difficile de savoir laquelle de deux situations données pouvait résulter sur la reconnaissance d'un contrat administratif ou d'un contrat de droit commun. Par conséquent, en cas de contentieux, les requérants ne savaient pas quelle juridiction saisir valablement. Les subtilités découvertes au gré des différentes jurisprudences résultaient sur une instabilité notable qui mettait en péril le bon fonctionnement de la justice.
En outre, il est intéressant de noter que la procédure contentieuse pouvait parfois dans la pratique être scindée en deux droits applicables. Cela découlait des appréciations du contrat en cause par le juge et cela pouvait résulter de nouveau sur une difficulté pour les justiciables. En effet, depuis la décision du Tribunal des conflits de 1963, un seul et même conflit pouvait être connu par deux juges différents, le juge administratif et le juge judiciaire. C'est ici une dichotomie du conflit et donc une procédure contentieuse double qui pèse en fin de compte sur les justiciables.
Fort de ces constatations d'ordre pratique et donc conscient des difficultés résultant de ce dualisme juridictionnel possible, le Tribunal des conflits a souhaité simplifier la détermination du contrat administratif et in fine son contentieux (II).
II. Une volonté prétorienne de simplification de la détermination de compétence
À l'occasion de cette décision, le Tribunal des conflits a paru vouloir simplifier la question de la détermination de la compétence inhérente aux personnels non statutaires des personnes morales de droit public en cas de conflit (A). Toutefois, des limitations ont découlé de cette décision (B).
A. Une simplification prétorienne de détermination de compétence appréciable
Les critères présentés ci-dessus et permettant d'identifier le contrat administratif et les agents publics furent délaissés dans cette décision Berkani. Cela a résulté sur une plus grande facilité de qualification des contrats administratifs. En ce sens, cette décision permet une plus simple détermination de la qualité propre aux agents des services publics à caractère administratif gérés par des personnes publiques. De la sorte, le Tribunal des conflits met fin à sa jurisprudence de 1963 en décidant de faciliter la qualification du contrat administratif. En effet, celui-ci a décidé en ces mots que "les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public". Il ajoute que l'emploi que ces derniers occupent effectivement n'importe pas dans le cadre de cette qualification. De fait, toute personne qui contracte avec un service public administratif est un agent contractuel de droit public lié avec ce service par un contrat administratif. In fine cette décision rompt avec le dualisme de juridiction au regard de la situation de ces agents. Dorénavant, ces derniers sont des agents publics, peu importe finalement le contenu ou bien l'objet du contrat qui lie ces agents à une personne publique. Cette règle éclaircit donc l'horizon de ces agents qui, en cas de difficultés, savent quelle juridiction sera compétente pour connaître de leur litige.
Même si cette décision a le mérite indéniable de permettre la simplification de la qualification du contrat administratif pour ces personnels non statutaires oeuvrant pour un service public administratif, il n'en reste pas moins que cette portée juridique connaît des limitations pratiques.
B. Une portée somme toute limitée dans la pratique
Si la décision Berkani constitue une amélioration du droit applicable, sa portée est cependant limitée dans la pratique tout d'abord au regard de la nature de l'employeur de ces agents. Aussi, cette jurisprudence ne peut utilement s'appliquer aux services publics à caractère industriel et commercial. En effet, il faut noter que cette décision ne s'applique pas automatiquement puisque la nature de l'employeur intervient pour qualifier le contrat en tant que contrat administratif et par voie de conséquence pour qualifier l'agent d'agent public. Ainsi, dans une décision du Conseil d'Etat, il fut retenu que seuls les personnels embauchés par des personnes publiques gérant un service public à caractère administratif sont liés à elles par un contrat administratif (cf. CE, 26/06/1996, Commune de Cereste, n°135453). Si ledit contrat est conclu avec une association, personne privée, alors le contrat ne peut revêtir cette qualification de contrat administratif (cf. CE, 19/06/1996, Syndicat général CGT, n°141728 et 145043).
On voit donc qu'il doit nécessairement s'agir d'un service public administratif, ce qui exclut par conséquent les services publics industriel et commercial. Les concernant, la décision du Conseil d'Etat du 26 janvier 1923 (Lafrégeyre, n°62529) demeure applicable. Les contrats en cause demeurent des contrats de droit privé qui relèvent de la seule compétence du juge judiciaire en cas de litige. Or il convient de préciser ici que cette règle n'intéresse pas les directeurs ou les comptables s'ils disposent en effet de la qualité de comptables publics. Le juge administratif sera ici seul compétent pour les litiges les concernant.
Sources : Legifrance, Andrh, Dalloz