Propos introductifs pour mieux comprendre l'arrêt

Parallèlement à cet arrêt Pelassa de 1959 existent deux textes issus du Code civil : les articles 14 et 15 disposant succinctement, avant révision constitutionnelle de 1994, que les tribunaux français sont compétents lorsque le demandeur, mais aussi le défendeur est français.

Il fut retenu par les juridictions que lorsque les deux parties au litige sont étrangères, et n'ont donc pas la nationalité française, les tribunaux français sont incompétents pour en connaître.

Cependant, si le principe restera fermement maintenu, la Cour de cassation va l'assouplir en dissociant deux systèmes distincts : l'un fondé en effet sur la nationalité et l'autre fondé sur des règles objectives de compétences.

En réalité, la jurisprudence de la Cour de cassation a décidé dans cette décision du 19 octobre 1959 de consacrer les règles objectives de compétence internationale même si cette consécration demeure relativement humble et subtile.


Chambre civile de la Cour de cassation, Pelassa, 19 octobre 1959

La détermination de la compétence ordinaire des juridictions françaises découle en réalité du principe d'extension à l'ordre international de règles nationales de compétence territoriale.

C'est la Cour de cassation dans cet arrêt qui a établi ce principe de l'extension des règles nationales.

Il faut noter que lors de l'Ancien régime et ce, jusqu'à la Révolution française, la compétence directe des juridictions françaises était déterminée par le domicile ou bien par la nationalité de l'individu. Les révolutionnaires retiendront pour leur part que les juridictions françaises ne sont compétentes qu'à l'égard des nationaux français, sauf par exemple en matière commerciale.

Pour dire vrai, le premier arrêt intéressant en la matière remonte au 21 juin 1948, lui aussi rendu par la chambre civile de la Cour de cassation : l'arrêt Patiño. Cette décision retient notamment que le fait que les parties au litige ne soient pas de nationalité française n'est pas en lui-même une cause d'incompétence des juridictions nationales.

Néanmoins, force est de constater que ce principe fut consacré bien plus tard à l'occasion de deux autres décisions elles aussi rendues par la Cour de cassation, le 19 octobre 1959, Pelassa, mais aussi un peu plus tard le 30 octobre 1962, Scheffel.

Il est ainsi retenu par la Haute Cour de l'ordre judiciaire que la compétence internationale des juridictions françaises se détermine par extension des règles de compétence nationale.


L'extension des règles de compétence interne : des précisions à apporter

S'intéresser à cette extension revient aussi à s'intéresser, outre aux diverses décisions de la Cour de cassation ainsi qu'aux dispositions des articles 14 et 15 du Code civil, à la Constitution française elle-même et plus précisément à l'article 55.

En effet, conformément aux dispositions du texte constitutionnel et ici à l'article 55, il est fait priorité à la norme internationale applicable.

Toutefois, si aucune norme internationale n'est effectivement applicable, dans ce cas, il faudra nécessairement appliquer les règles de compétence territoriale nationales.

Or il se peut tout à fait que ces règles ne permettent pas de fonder cette compétence des juridictions nationales.

Dans ce cas présent, et uniquement pour le cas où ces règles de compétence territoriale nationale ne peuvent pas être invoquées, alors il sera possible d'invoquer les dispositions contenues au sein des articles 14 et 15 du Code civil qui prévoient tous deux un privilège de juridiction.


Source : Cour de cassation, chambre civile, 19 octobre 1959


Les articles suivants peuvent vous intéresser :

Exemple de dissertation juridique sur le jus cogens
Cours de droit - L'arbitrage international
L'arrêt Koné du Conseil d'État du 3 juillet 1996
Commentaire d'article - L'article 3 du Code civil
Le commentaire d'arrêt
La fiche d'arrêt : méthode et exemple