Les faits de l'espèce
La décision de la CEDH, sens et portée
Les faits de l'espèce
Dans le cas d'espèce ici jugé et reporté par la Cour européenne des droits de l'homme, il est fait mention d'un ressortissant croate qui s'est plaint après avoir été placé sous la tutelle de ses parents d'abord, d'un service social ensuite après qu'une analyse psychiatrique à son égard avait conclu à des troubles de la personnalité, la reconnaissance d'un enfant que celui-ci a effectué et qu'il était parvenu à faire valider fut finalement invalidée. Cette décision a été motivée par le fait qu'un incapable ne peut pas reconnaître un enfant.
Les résultats de cette analyse psychiatrique à son égard avaient conclu que la tutelle devait être suivie d'effet pour une durée d'au moins cinq ans de façon à ce que ce ressortissant puisse bénéficier d'un traitement particulier à même de le soigner.
Mr Kruskovic a fait reposer sa requête sur l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit notamment que chacun a le droit au respect de sa vie privée et familiale.
Dans cette décision, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré deux solutions possibles : soit le droit interne accorde le droit à la personne intéressée de reconnaître l'enfant, soit c'est à son tuteur de le faire en lieu et place de celle-ci.
La décision de la CEDH, sens et portée
Parmi les solutions possibles retenues, le droit interne peut accorder le droit à la personne intéressée de reconnaître l'enfant. C'est ici une illustration du caractère individualiste et libertaire de ce droit de reconnaître un enfant pour une personne placée sous tutelle, sauf qu'en procédant ainsi, cette reconnaissance emporte des conséquences considérables.
En effet, la reconnaissance de la paternité d'un enfant entraîne, notamment, une obligation d'entretien, une obligation alimentaire réciproque et un droit de succession. Si la reconnaissance de la paternité d'un enfant est en fait une opération psychologique, elle n'est pas qu'ainsi : elle entraîne finalement des conséquences dont la portée est relativement étendue. Il faudrait sûrement retenir que cette reconnaissance, si elle intervient de façon non réfléchie et hasardeuse, ne s'arrête pas à elle-même, mais a une ampleur plus grande encore.
Quid de la possibilité pour le tuteur de la personne protégée de pouvoir agir en lieu et place de celle-ci par la reconnaissance de la paternité de l'enfant ?
En fait, une autre question se pose et elle découle directement de cette première question. Comment, juridiquement, un tuteur peut-il procéder à la reconnaissance de la paternité d'un enfant qu'il n'a pas conçu ?
À cet égard, la question posée par Jean Hauser est intéressante : « cette affirmation est-elle respectueuse de la vie privée du majeur protégé ? »
Ce qu'il est nécessaire de faire, dans ce cas, est bien de renoncer à la passation d'un acte juridique, mais plutôt une action judiciaire. En fait, cette action judiciaire sera conclue par une preuve scientifique, objective, de la paternité de l'individu et qui, finalement, ne prend pas en compte les problèmes psychologiques dont il souffre. Or c'est finalement le droit qui viendra conclure ou non de l'établissement de la paternité : cette solution est en fait inadmissible pour Jean Hauser. Cette action était en cours au moment où la Cour a rendu son arrêt.
Cette considération effectuée des juges de la Cour européenne des droits de l'homme est à nouveau la preuve d'une certaine imprévisibilité dans ce qu'elle est amenée à considérer lorsqu'elle doit trancher un litige.
Sources : Jean Hauser, RTD Civ., 2011, p.745 « Le désordre européen du droit des majeurs protégés » (CEDH 21 juin 2011, Kruskovic c/ Croatie, n 46185/08 ; Dr. fam. 2011. Alertes 71, obs. M. Bruggeman) ; CEDH, Kruskovic c/ Croatie, n 40185/08