Les faits de l'espèce

Christine Goodwin se plaint parce que l'État ne veut pas modifier ses documents d'identité bien qu'elle soit opérée depuis 1990.

Elle se demande si l'État doit aller jusqu'à modifier l'acte de naissance (obligations positives de l'État puisqu'il doit respecter le droit à la vie privée et familiale).

Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l'Homme constate une violation de l'article 12 parce qu'elle considère que les personnes transsexuelles ayant pleinement réalisé leur conversion doivent pouvoir se marier avec un individu du même sexe biologique qu'eux.


Le respect de la vie privée, la question du genre

Le problème lié à cet arrêt est la reconnaissance d'un point de vue juridique du nouveau sexe d'un transsexuel.

Il y a une évolution à prendre en compte selon la Cour, elle considère que le fait que le droit britannique retient aux fins du mariage de sexe enregistré à la naissance constitue une limitation portant atteinte à la substance même du droit de se marier. L'affaire marque une évolution par rapport aux arrêts : Rees, Cossey et Sheffield et Hosham, la Cour accepte de considérer que l'article 12 garantissait le mariage.

Elle considérait à l'époque que le critère biologique pouvait être seulement pris en compte, cela dépendait de l'État.

Ce qui change entre ces trois affaires, avec Goodwin, en 2002, la cour constate que l'article 12 vise un homme et une femme, mais que malgré le libellé du texte, on peut évoluer.

La Cour note que l'article 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne vise pas expressément un homme et une femme, toute personne a le droit de se marier. On identifie plus le sexe, les personnes qui ont subi une intervention médicale peuvent épouser quelqu'un de leur sexe biologique de naissance puisque ces personnes sont reconnues selon leur genre désormais.


Une portée fondamentale quant au standard juridique de la "marge nationale d'appréciation"

Le droit européen se fonde beaucoup sur le critère de marge nationale d'appréciation, ainsi elle ne s'immisce que très rarement dans ce genre de considération.

Or, en l'espèce bien que les États signataires de la Convention européenne des droits de l'Homme aient des idées divergentes et que les situations soient diverses, la Cour bouscule ce standard juridique en octroyant le droit aux personnes transgenres le droit au mariage en se fondant non pas sur la biologie, mais désormais sur une considération psychologique. Bien qu'il puisse être conçu que l'objet du mariage soit la procréation, la capacité ou non de concevoir un enfant n'est plus associé au mariage. C'est ainsi que le droit au mariage homosexuel relève toujours de la marge nationale d'appréciation des États, mais le respect du droit à la vie privée implique la possibilité pour une personne transgenre de se marier avec une personne du sexe biologique opposé.


Sources : COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME 27 mars 1996 15054/07, 15066/07 Affaire Goodwin c/ Royaume-Uni, Goodwin à Luxembourg : il ne manquait plus que la Cour de justice des Communautés européennes ! - Jean Hauser - RTD civ. 2004. 266


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