Dans cette affaire, un maître d'ouvrage confie la construction de son pavillon à un constructeur (entrepreneur principal). Pour réaliser cet édifice, ce dernier fait appel à plusieurs artisans. Une dizaine d'années après l'achèvement de la construction, les travaux de plomberie se révèlent défectueux.
Le maître d'ouvrage assigne donc en réparation du dommage, l'entrepreneur principal ainsi que l'artisan plombier.
Par un arrêt du 16 janvier 1990, la Cour d'appel de Nancy déboute le maître d'ouvrage. Selon elle, le débiteur substitué (le sous-traitant) du débiteur principal (le constructeur) peut faire l'objet d'une action contractuelle de la part du créancier (le maître d'ouvrage) dans la limite des droits et obligations du débiteur substitué. Or, dans cette affaire, la Cour d'appel rappelle que l'apparition de la défectuosité des travaux de plomberie sont apparus plus de dix ans après l'achèvement des travaux. Cela signifie que le sous-traitant peut se prévaloir à l'encontre à la fois de l'entrepreneur principal et du maître d'ouvrage de la forclusion de la garantie décennale.
La Cour d'appel de Nancy s'oriente dans cet arrêt vers un principe de responsabilité contractuelle entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant, d'une action directe du maître d'ouvrage à l'encontre du sous-traitant, quand bien même cette responsabilité ne repose sur aucun contrat.
Ainsi, sur quel fondement le maître d'ouvrage peut-il engager la responsabilité du sous-traitant ?
Pour la Cour de cassation, le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître d'ouvrage. Elle fait une application rigoureuse de l'article 1165, le maître d'ouvrage n'était pas partie au contrat. La forclusion décennale ne peut donc pas jouer. Par conséquent, le maître d'ouvrage ne dispose pas d'une action en responsabilité contractuelle à l'encontre du sous-traitant, mais d'une action en responsabilité délictuelle.
Par cet arrêt, on assiste à un affaiblissement du domaine de la responsabilité contractuelle au profit de la responsabilité délictuelle. Pour les juges de cassation, la nature de la responsabilité est déterminée selon la chaîne de contrats, translative de propriété ou non (I). Cet arrêt de l'assemblée plénière a également pour mérite d'avoir mis un terme à une jurisprudence fluctuante selon les différentes chambres civiles de la Cour de cassation (II).
I. Le transfert de propriété comme élément déterminant de l'action en responsabilité
A. La jurisprudence applicable en matière de chaînes de contrats non-translatives de propriété
B. L'arrêt Besse, la consécration d'un revirement de jurisprudence après l'arrêt du 7 février 1986 ?
II. Une mise au point entre les différentes chambres civiles
A. Le règlement du conflit entre la 1re chambre et la 3e chambre civile
B. L'impossibilité d'un cumul des deux ordres de responsabilité
I. Le transfert de propriété comme élément déterminant de l'action en responsabilité
L'arrêt BESSE ainsi que sa jurisprudence postérieure démontre que le choix entre responsabilité contractuelle et délictuelle se fait en raison de la présence ou non d'un transfert de propriété au sein de la chaîne de contrats.
A. La jurisprudence applicable en matière de chaînes de contrats non-translatives de propriété
Pour les chaînes de contrats non translatives de propriété, l'arrêt BESSE est très clair, l'engagement de la responsabilité du sous-traitant ne peut se faire que sur le terrain de la responsabilité délictuelle. Cet arrêt de principe ne sera jamais remis en cause postérieurement.
Si le maître d'ouvrage ne dispose pas d'une relation contractuelle, la voie délictuelle lui permet en contrepartie de ne pas se heurter à toutes les exceptions dont pourrait se prévaloir le sous-traitant à l'égard de l'entrepreneur principal.
B. L'arrêt Besse, la consécration d'un revirement de jurisprudence après l'arrêt du 7 février 1986 ?
Un arrêt du 7 février 1986 a laissé supposer que la responsabilité contractuelle devait être privilégiée en présence d'un conflit entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant. Cinq ans plus tard avec l'arrêt Besse, on a cru à un revirement de jurisprudence. Il n'en est rien, les circonstances de fait ne sont simplement pas les mêmes. Dans le premier arrêt, il y avait transfert d'une chose, alors que dans l'arrêt BESSE, la chaîne de contrats n'était pas translative de propriété.
II. Une mise au point entre les différentes chambres civiles
L'arrêt Besse est venu mettre un terme à une divergence de solutions entre la première chambre civile et la 3e chambre civile concernant l'action du maître d'ouvrage contre le sous-traitant (A). Il signe également l'impossibilité d'un cumul entre responsabilité contractuelle et délictuelle (B).
A. Le règlement du conflit entre la 1re chambre et la 3e chambre civile
Pour la première chambre civile, la nature de la responsabilité pouvant être engagée par le maître d'ouvrage à l'encontre d'un sous-traitant est contractuelle. Elle prônait ainsi, l'action directe, et ce même en l'absence de contrat entre les deux parties.
La position de la troisième chambre civile est tout autre. En effet, n'étant pas lié par un contrat, le maître d'ouvrage doit engager la responsabilité du sous-traitant sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Ils sont des tiers l'un à l'égard de l'autre.
C'est donc la position de la troisième chambre civile qui est consacrée par l'arrêt BESSE.
B. L'impossibilité d'un cumul des deux ordres de responsabilité
Le maître d'ouvrage ne dispose que d'une seule action en responsabilité à l'encontre du sous-traitant, elle est soit contractuelle, soit délictuelle. Comme on l'a vu dans la première partie, le choix s'opérera en fonction de l'existence d'un transfert de propriété ou non dans la chaîne de contrat litigieuse.
La Cour de cassation refuse de donner la possibilité au maître d'ouvrage d'agir sur les deux ordres de responsabilité à la fois. La jurisprudence postérieure en témoigne. En effet, dans un arrêt de 1993, la 1re chambre décide que le maître d'ouvrage dispose d'une action en responsabilité contractuelle (n 91-18.132), alors que dans un arrêt de 1994, elle ouvre droit à une action en responsabilité délictuelle (n 90-19.090).
Sources : arrêt du 12 juillet 1991, Cour de Cassation, Assemblée plénière, n 90-13.602 ; Rapport du Conseiller rapporteur à la Cour de cassation, M. ASSIÉ