La société Mezzi et Fonderia a conclu un contrat avec l’Académie de France en l’Italie, visant à l’occupation d’un espace du domaine public, pour réaliser ses activités de restauration. La société occupait donc des lieux soumis aux règles de la domanialité publique, au titre d’un contrat de concession. Toutefois, l’Académie de France a relevé au cours du contrat que la Société italienne n’avait pas rempli toutes ses obligations et que certaines fautes pouvaient lui être reprochées au regard de ses devoirs contractuels. L’entité demande alors la cessation de l’exploitation des lieux : elle enjoint la Société Mezzi et Fonderia à quitter les lieux, à les remettre en état, à les vider de tout matériel,.. ainsi qu’à une astreinte en fonction des jours de retard pour procéder à ces demandes. Il s’agit donc en l’espèce d’une demande tenant à la condamnation d’une société étrangère au paiement d’une somme au titre de l’irrespect de certaines de ses obligations liées à l’occupation du domaine public. Le tribunal administratif de Paris rend alors une décision en 2019, par laquelle il demande à la société de quitter les lieux sous deux mois. Celle-ci invoque un recours en annulation de la résiliation du contrat, précédemment sollicitée par l’Académie de France, ce que le tribunal rejette également en estimant que la résiliation était justifiée du fait des manquements. La société opère alors un pourvoi auprès du Conseil d’Etat.
Dans quelle mesure le juge administratif est-il compétent pour traiter d’un litige ayant lieu sur un territoire étranger, au titre d’un contrat conclu avec un établissement public de droit français ? Et de ce fait, quel droit doit être invoqué au titre de l’appréciation de la résiliation du contrat mentionné ?
Il convient d’abord de traiter du contrat en lui-même ainsi que de la qualification qui lui est reconnue par le Conseil, justifiant le traitement particulier dont il fait l’objet. C’est en effet sur ce fondement que le Conseil relève la compétence du juge administratif pour traiter du litige, et confirme alors la décision rendue en première instance.
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Dans quelle mesure le juge administratif est-il compétent pour traiter d’un litige ayant lieu sur un territoire étranger, au titre d’un contrat conclu avec un établissement public de droit français ? Et de ce fait, quel droit doit être invoqué au titre de l’appréciation de la résiliation du contrat mentionné ?
Il convient d’abord de traiter du contrat en lui-même ainsi que de la qualification qui lui est reconnue par le Conseil, justifiant le traitement particulier dont il fait l’objet. C’est en effet sur ce fondement que le Conseil relève la compétence du juge administratif pour traiter du litige, et confirme alors la décision rendue en première instance.
I. L’existence d’un contrat de concession
A. La qualification d’un contrat public
Dans l’arrêt rendu en l’espèce par le Conseil d’Etat, celui-ci doit rendre une appréciation concernant la résiliation d’un contrat de concession, passé entre l’Académie de France, établissement public soumis au droit français, et la société Mezzi, de droit privé italien. Il s’agit d’un contrat d’occupation du domaine public, puisqu’il vise à l’exploitation par la société d’un espace dédié à son activité de cafétéria et de restauration. Le lieu étant situé dans le domaine public, et le contrat étant conclu avec l’Académie de France à Rome, il présente des critères le rattachant à un contrat public, ce qui justifie le recours aux autorités administratives et à des mécanismes d’appréciation spécifiques. Aux termes de la démonstration faite par le Conseil d’Etat, deux conditions ressortent pour qu’un tel bien donné en concession soit considéré comme une dépendance du domaine public de l’Etat et soit traité comme tel au regard du droit interne comme international. Il doit s’agir d’une part d’un bien affecté au service public, et qui doit, d’autre part, être spécialement aménagé en vue du contrat. Ces deux conditions sont ici remplies en l’espèce, ce qui permet de conclure à l’existence d’un contrat public de concession. Ainsi, le contrat de concession visé par l’arrêt répond aux principes du droit public, et mobilise la compétence du juge administratif pour connaitre de l’appréciation de la rupture dudit contrat. C’est le premier moyen retenu par l’arrêt du Conseil d’Etat, venant à l’appui de la décision rendue par le tribunal de première instance.B. L’inexécution partielle du contrat
Au cours de la relation contractuelle entre l’Académie et la société, cette dernière a commis divers manquements à ses obligations au titre de la concession, qui ont été relevés par l’établissement public. En effet, le contrat de concession visé en question avait été conclu pour une durée de huit ans, et des visites d’inspection et de contrôle avaient été prévues au titre de celui-ci. Lors de l’une de ces visites en 2016, l’Académie de France a relevé certains problèmes tenant notamment aux contrats des salariés de la société, et à des déclarations fiscales. L’établissement demande alors la régularisation de ces problèmes, mais estime que la réponse de la société a été insuffisante. De ce fait, l’Académie de France décide de résilier le contrat en 2017. La société Mezzi rejette le motif ainsi que la validité de cette décision, et sollicite donc un refus de la résiliation auprès du tribunal de première instance. Toutefois, celui-ci rend sa décision et refuse d’enjoindre aux reprises des relations contractuelles, et de surcroit, condamne la société au paiement d’une somme supplémentaire au titre de son inexécution. Le tribunal donne ainsi raison à l’académie de France et estime que les manquements sont assez graves pour motiver une résiliation contractuelle ainsi qu’une sanction pécuniaire de la société. Le moyen invoqué par l’établissement public de droit français est donc confirmé par le Conseil, et la résiliation du contrat est estimée comme justifiée par ce dernier, ce qui confirme les premières décisions rendues.II. La compétence du juge administratif sur un territoire étranger
A. La résiliation dudit contrat
Le litige porté à la connaissance du Conseil d’Etat vise le contrôle de la décision rendue par le Tribunal administratif à l’instance antérieure, et en particulier l’appréciation de sa compétence à connaitre la résiliation du contrat de cession publique. L’arrêt Mezzi et Fonderia a ainsi une portée relativement importante puisqu’il fonde la compétence des juridictions administratives françaises à l’étranger, par le moyen de la domanialité publique. En effet, du fait du caractère de contrat public reconnu à la concession dont il est question en l’espèce, le contrat doit être traité par le juge administratif, compétent en matière publique, y compris lorsque le contrat fait intervenir une partie de nationalité différente. Par ailleurs, il est ici question de manquements graves de la société à ses obligations contractuelles, notamment des irrégularités de paiement de cotisations sociales. Or, ces inexécutions doivent être traitées au regard du droit qui régit le contrat, et qui est en l’espèce le droit italien, conformément au choix des parties. Néanmoins, ce choix de la loi étrangère n’empêche pas l’Académie de France, partie au contrat, d’agir auprès de sa juridiction nationale concernant ce dernier. Le conseil d’Etat conclut donc, comme les juridictions précédentes, à une absence de vice entachant la décision de résiliation prise par l’Académie de France à Rome, ce qui confirme le fait que la demande d’annulation de la résiliation formulée par la société italienne n’est fondée dans aucun de ses moyens.B. Le recours au fondement du droit étranger
Comme il l’a été dit précédemment, le contrat de l’espèce met en œuvre à la fois le droit français et le droit italien, du fait de l’extranéité du contrat et des parties cocontractantes. La compétence du juge administratif français ayant été reconnue de manière certaine par l’arrêt du Conseil d’Etat, cet arrêt présente également un second apport en la matière. En effet, il rappelle l’élément selon lequel les biens situés sur le territoire d’un état étranger sont, dans le cas d’un contrat de concession sur le domaine public, tout de même inclus par le Code général de la propriété des personnes publiques, et sont, de ce fait soumis à ses règles. C’est donc d’après le raisonnement du Conseil d’Etat, le fait que l’occupation du domaine public soit l’objet principal du contrat de concession entre l’académie et la société, qui justifie la solution présentée en l’espèce. Le juge administratif peut donc connaitre des litiges relatifs aux dépendances françaises à l’étranger dans le cadre de tels contrats et une autre question en découlant est donc celle du droit applicable au litige, par ce juge. En effet, les parties ont opté au titre de leur contrat pour le droit étranger, étant le droit italien en l’occurrence. Le juge administratif français n’est toutefois raisonnablement tenu que de juger d’après le droit français, mais il peut cependant être tenu de mobiliser certains principes de droit étranger, et a dû en l’espèce apprécier le litige en question au regard des dispositions du droit italien encadrant le contrat. Plus largement, les deux apports essentiels de l'arrêt du 25 Juin 2021 sont donc, d'une part, de reconnaitre la compétence du juge administratif pour le contrat de concession incluant une partie étrangère, et dont l’objet-même est situé à l’étranger, et d’autre part, de préciser que le juge administratif ne peut être contraint que d’appliquer son propre droit, mais qu’il devra tenir compte pour l’appréciation du litige, du droit retenu par les parties au contrat de concession.Sources :
- Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25/06/2021, 438023, Publié au recueil Lebon - Légifrance (legifrance.gouv.fr)- Contentieux des dépendances du domaine public français situées à l’étranger - Administratif | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)
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