La SARL TARDI prospère depuis plusieurs années. Son dernier chiffre d'affaires était de 16 millions d'euros en 2017. Son gérant associé, M. Mast est en poste depuis deux ans. Une nouvelle assemblée générale des dix associés a été convoquée pour gérer la vie de la société. Durant cette réunion, il sera notamment question de plusieurs conventions conclues par le gérant avec la société le mois dernier.
Il était question d'un emprunt à la société de 25 225 pour l'achat d'une nouvelle voiture. Ensuite, il s'est porté caution pour garantir les dettes d'une autre SARL auprès d'une banque, qui a commencé à travailler comme partenaire depuis quelques mois avec la société TARDI.
Un jeune associé, M. Smith se pose des questions sur la pertinence de ces conventions et du vote du gérant. Après tout, la société se porte bien, il ne voudrait pas que les décisions du gérant apportent une mauvaise santé financière à la société. Il se demande ce qu'il est possible de faire contre ces conventions déjà en vigueur si elles sont illicites.
Problématiques :
Le gérant d'une SARL peut-il souscrire un emprunt auprès de la société pour acheter une nouvelle voiture ? Peut-il se porter caution valablement des dettes d'une autre SARL partenaire ?
En principe, la loi prohibe tout emprunt ou cautionnement souscrit par le gérant d'une SARL auprès de celle-ci. L'article L223-21 du Code de commerce prononce la « nullité du contrat », car « il est interdit aux gérants ou associés de contracter sous quelques formes que ce soit, des emprunts auprès de la société..., ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elles leurs engagements envers les tiers. »
La jurisprudence a encore précisé que cet article ne visait que les cautionnements et avals des engagements personnels du dirigeant (Com. 08/03/1994, n 91-20.379), comme cela peut-être le cas dans le cas où la SARL cautionnée est dirigée par le conjoint du gérant (Com. 23/01/1989, Dr. Sociétés 1990, n 91).
Toute opération contraire à l'article L223-21 du Code de commerce est de nullité absolue. Cette nullité pouvant être soulevé pendant la prescription trentenaire, que le contrat de prêt ou de cautionnement ait déjà été exécuté (Com. 25/04/2006, n 05-12.734).
De telles fautes commises par le gérant peuvent supposer sa révocation pour motif légitime par l'assemblée des associés qui doivent obéir à la majorité requise à l'article L223-29 du Code de commerce à défaut d'une majorité statutaire plus forte (article L223-25 du Code de commerce). Les fautes du gérant sont un motif légitime de révocation si elles contreviennent à l'article L223-21 du Code de commerce (Com. 27/05/2015, n 14-14.540). Dans le cas contraire, si la révocation est abusive, elle pourra donner lieu à des dommages et intérêts pour le gérant, qui ne pourra cependant pas réintégrer ses fonctions.
En l'espèce, l'article L223-21 interdit expressément les emprunts du gérant ou associé auprès de la société, au surplus pour motif personnel. En ce sens, l'achat d'une voiture sur le fondement d'un emprunt illicite constitue une faute du gérant. La nullité de ce contrat peut être soulevée par un associé. Il reviendra alors au gérant de restituer les sommes dues.
Pour ce qui est du cautionnement de l'autre SARL, il n'est pas indiqué que c'est pour les besoins personnels du gérant, ni pour un membre de sa famille. Il est question d'une SARL partenaire de la société TARDI. Il est donc licite que ce cautionnement ait été pris. Cependant, l'absence d'accord de l'assemblée générale et en l'absence de ratification, le gérant devra supporter individuellement les conséquences préjudiciables à la société (article L223-19 Code de commerce).
Au vu de l'emprunt conclu en violation de l'article L223-21, les associés seraient légitimés à prononcer la révocation du gérant, sans que lui-même ne prenne part au vote.
En conclusion, la convention de prêt entre le gérant et la société est illicite et de nullité absolue. Pour ce qui est du cautionnement, en raison de l'intérêt social en jeu et l'absence d'intérêt personnel apparent du gérant, il est valable. Mais le gérant doit en supporter toutes les conséquences en absence de ratification par l'assemblée d'associés.
Source : Dalloz, Légifrance