Résumé des faits et qualification juridique

Monsieur Labutte qui est propriétaire d'une maison à Toulouse a fait bâtir un mur afin d'y stocker du bois de chauffage en bordure de son terrain. Selon son voisin, Monsieur Michu, ce mur dépasserait de 2 à 5 centimètres sur son terrain selon les endroits. Par conséquent, Monsieur Michu menace de saisir le juge si le mur n'est pas abattu le prochain week-end.

Monsieur Labutte vient vous consulter afin de savoir ce qu'il en est.


Question de droit

Le propriétaire d'un mur qui empiète légèrement sur le terrain de son voisin peut-il être contraint de détruire son mur ?


Majeure

Le droit de propriété est défini à l'article 544 du Code civil. Selon cet article, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue à condition, toutefois, de respecter les lois et règlements.

En outre, le droit de propriété a une valeur constitutionnelle comme cela ressort de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil constitutionnel a également pu illustrer cela dans sa décision du 16 janvier 1982 relative aux grandes nationalisations.

Par ailleurs, le droit de propriété a également une valeur supranationale puisqu'il est protégé par l'article 1 du 1er protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'empiétement est le cas d'une construction ou encore d'une plantation qui va dépasser sur la propriété d'autrui, la propriété d'un voisin par exemple, et qui prive, par conséquent, le propriétaire du fonds empiété de la jouissance d'une partie de son bien.

Aussi, en vertu du caractère absolu et exclusif du droit de propriété, le propriétaire doit donc pouvoir défendre son droit contre l'empiétement. Néanmoins, aucun article du Code civil ne vise l'hypothèse de l'empiétement puisque l'article 555 du Code civil, relatif à l'accession, ne vise que le cas d'une construction ou d'une plantation entièrement sur le terrain d'autrui.

Par conséquent, devant le silence de la loi ce sont les juges qui appliquent, depuis les années 1960, l'article 545 du Code civil à cette fin puisque celui-ci interdit qu'un propriétaire puisse être obligé de céder son bien sauf si cela est justifié par une nécessité publique. La solution étant, dès lors, particulièrement rigoureuse puisque les juges décident qu'en l'absence d'un consentement exprès du propriétaire du fonds empiété, l'empiétement doit cesser même si cela suppose la destruction complète de la construction ou de la plantation, et ce, peu important la mesure de l'empiétement comme l'a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 20 mars 2002 dans lequel une clôture dépassait seulement de 0,5 cm sur le fonds voisin.

La Cour de cassation a par ailleurs refusé toutes les causes qui auraient pu justifier une sanction moins sévère en la remplaçant par des dommages-intérêts. Ni la mauvaise foi du propriétaire du fonds empiété, ni la tolérance passée, ni encore le fait que le propriétaire du fonds empiétant ne soit pas l'auteur de la construction ou de la plantation n'ont permis d'infléchir sa position. La Cour de cassation dans un arrêt de troisième chambre civile du 7 juin 1990 a ainsi pu souligner que « la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus » et est toujours légitime.


Mineure

En l'espèce, Monsieur Labutte a bâti un mur afin d'y stocker du bois de chauffage et selon son voisin, Monsieur Michu, « le mur dépasserait sur son terrain de 2 à 5 centimètres selon les endroits ». À cet égard, il ressort clairement de la jurisprudence actuelle que tout propriétaire peut s'opposer à tout empiétement de la part d'un tiers, et ce, même s'il ne subit aucun préjudice. La Cour de cassation a d'ailleurs fait obligation aux juges du fond de sanctionner le moindre empiétement.

La sanction en matière d'empiétement est la démolition systématique de l'ouvrage qui dépasse la limite séparative et cela, peu importe l'importance ou la faiblesse de l'empiétement. Aussi, même pour un empiétement de quelques millimètres la destruction de l'ouvrage doit être ordonnée et la Cour de cassation est très stricte sur ce point. Par conséquent, le propriétaire qui engage une action pour faire cesser un empiétement, même minime, ne commet aucun abus de droit, et en l'état actuel de la jurisprudence, ne fait pas de procédure abusive. Il est donc loisible à monsieur Michu de saisir le juge qui désignera un expert afin de faire constater l'empiétement. Si l'empiétement est avéré, le juge ordonnera la destruction du mur construit par monsieur Labutte.


Conclusion

Par conséquent, monsieur Michu est donc tout à fait en droit d'exiger la démolition du mur construit par monsieur Labutte et si l'affaire devait aller en justice, une fois l'empiétement avéré par un expert, celui-ci obtiendrait gain de cause et monsieur Labutte serait contraint de démolir le mur. Il n'est donc pas possible de rassurer monsieur Labutte, bien au contraire puisque monsieur Michu pourra tout à fait exiger la destruction du mur et obtenir un jugement en ce sens.


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