Énoncé

Il y a trois ans, Robert était salarié d'une société réputée dans la vente d'immeubles. Mais voulant prendre son indépendance, il a donné sa démission et a monté sa propre entreprise. Après avoir accompli toutes les formalités, la société Vent-Mobile est créée. Maintenant, il vend des meubles. Ayant des contacts dans le monde des affaires, il n'a eu aucun mal à se lancer et à obtenir de la banque l'ouverture d'un compte courant.

L'activité de Robert était très florissante. Ceci a duré les deux années qui ont suivi. Face à de tels résultats, il a décidé de commercialiser des services de décoration intérieure. Pour cela, il a demandé un plus grand découvert sur son compte courant. Le banquier ne voyant pas comment cela pourrait mal tourner a accepté, mais contre le bénéfice d'une lettre de change, dont le tiré accepteur est le plus gros client de la société. Entre-temps, le taux d'intérêt pratiqué par la banque sur ces conventions a augmenté de 4 à 8%. Mais il ne l'a pas précisé dans le contrat, puisqu'il en a informé Robert de vive voix, ce qu'il a agréé.

Pendant plusieurs mois, tout semble aller parfaitement bien. Cependant, un nouveau concurrent s'est installé dans la ville voisine. Résultat, il fait fureur et l'entreprise a perdu des clients. La situation n'a fait que s'aggraver à cause de la mauvaise gestion du magasin par le directeur nommé par Robert.

Le banquier connaît les suites qui en découleront. L'entreprise finira certainement en procédure collective. Or, il aimerait clôturer le compte et récupérer le solde débiteur, et les intérêts conventionnels dus sur le découvert restant. Pour cela, il envisage d'effectuer une contrepassation.

Il vous demande ce qu'il peut faire.


Résolution du cas pratique

1. Les intérêts au taux conventionnel

Les intérêts au taux conventionnel dus au solde débiteur d'un compte courant peuvent-ils être exigés par le banquier, si le taux n'est pas précisé dans la convention ?

En droit commun, en l'absence de toute stipulation, aucun intérêt ne peut être réclamé (Civ. 1re, 24 juin 1981). Il est fait exception « que lorsque les sommes prêtées entrent en compte courant » (Cass. Civ. 1re, 23 juillet 1974). Soit, même en l'absence de taux conventionnel fixé par écrit, les intérêts restent de plein droit au taux légal (article 1907 Code civil). La jurisprudence l'a d'ailleurs précisé : « L'exigence d'un écrit, prescrite pour la validité même de la stipulation d'intérêt [...], à défaut d'écrit fixant le taux conventionnel, le taux légal est seul applicable au solde débiteur d'un compte courant ».

Dans le cas spécifique, où il n'y aurait pas mention écrite dans le contrat ouvrant un crédit en compte courant, cela peut être régularisé. Ainsi, il existe toujours une obligation de payer les intérêts conventionnels, qui peut « résulter de la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte, dès lors que les taux de ces intérêts y sont indiqués ». (Com. 14 décembre 2004). Cela vaut information de ce taux, s'il a été régulièrement calculé pour la période écoulée (Com. 10 mars 2015).

En l'espèce, si le taux n'a pas été mentionné dans la convention de compte renouvelée, il était inscrit sur chaque relevé de compte transmis à Robert, chaque mois. N'étant jamais revenu dessus, la créance du banquier comprend les intérêts au taux conventionnel. Le mandataire qui serait désigné pour la procédure collective de la société ne pourrait pas s'y opposer.


2. La contrepassation

Dans quelles mesures la contrepassation intervient-elle dans le cas du compte courant en présence d'un solde débiteur ?

Le compte courant est spécifique par son effet novatoire. Cela consiste en ce que la créance qu'une créance entrée en compte s'éteint et se trouve fusionnée au solde. C'est l'effet extinctif dû à la qualification juridique du compte courant.
L'effet extinctif s'étend aux accessoires.

La banque a un droit de remboursement des sommes dont elle est créancière. À ce titre, elle peut effectuer une contrepassation sur le compte. Il s'agit d'un procédé comptable : soit transcrire une écriture en sens inverse. (Com. 30/09/2008).


Cette contrepassation peut être effectuée à deux moments :

- Au cours du fonctionnement du compte. Alors la créance sera éteinte et si le banquier était titulaire d'un effet de commerce, il en perd l'avantage. Au cours de la procédure collective, il ne pourra que déclarer sa créance.

- S'il effectue la contrepassation après la clôture du compte, cela ne vaudra pas paiement. Au cours de la procédure collective, il devra toujours déclarer sa créance. Cependant, il bénéficiera toujours de son effet de commerce.

En l'espèce, le solde du compte courant est débiteur. Le banquier en effectuant une contrepassation, ne récupère concrètement pas sa créance. Or, il dispose d'une lettre de change. Il serait donc dans son meilleur intérêt pour être payé de ne pas effectuer cette contrepassation avant la clôture du compte ordonnée par la procédure collective. Il déclarera alors sa créance, et pourra toujours se retourner contre le tiré pour obtenir le paiement du solde débiteur du compte courant. L'ouverture de la procédure collective lui permettra de bénéficier de l'exception de présentation au paiement de la lettre de change, contre le tiré accepteur (L511-39 alinéa 6, Code de commerce).


Conclusion

Ainsi, les intérêts au taux conventionnel pourront être ajoutés à la créance du banquier, déjà existante en raison du solde débiteur du compte courant. Enfin, les meilleures chances de recouvrer les sommes dues est d'attendre l'ouverture de la procédure collective et de se retourner contre le tiré de la lettre de change.


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