Énoncé du cas pratique
Correction du cas pratique
Evry, 20 mars 2015, Romain, 35 ans, est logé chez Guillaume alors que celui-ci est parti en voyage. Il occupe de manière purement provisoire la grande demeure de son ami pour éviter tout cambriolage ; ces derniers temps, de nombreux voisins ont remarqué des intrusions dans la résidence pourtant sécurisée...
Les journées se passent tranquillement, toutefois la bouteille de gaz propane qui alimentait la gazinière de la très belle cuisine du propriétaire explose. Il faut dire que cette gazinière fonctionne, normalement, à l'aide de gaz butane... Romain avait dû la remplacer, la première bouteille étant vide. Il se rend donc chez un détaillant et acquiert une nouvelle bouteille aux couleurs similaires...
Romain, grièvement blessé, souhaite obtenir réparation du préjudice qu'il a subi. Le fabricant a fait savoir que le fait que le produit, dangereux par sa nature propre, ne peut suffire à engager sa responsabilité. Pour se dédouaner de sa responsabilité, celui-ci a aussi invoqué la faute de la victime, cette dernière ayant utilisé un détendeur qui ne correspondait qu'à des bouteilles de gaz butane, et non propane. Qu'en pensez-vous ?
Il s'agit, dans notre cas d'espèce, de savoir s'il est possible pour la victime d'obtenir réparation de son préjudice si elle invoque la responsabilité du producteur, du fait de la défectuosité du produit utilisé.
En vertu des dispositions de l'alinéa deuxième de l'article 1384-4 ancien du Code civil, nous pouvons retenir que l'aspect extérieur de la bouteille ne pouvait permettre à la victime d'identifier la nature du gaz, d'autant plus que la couleur de la bouteille n'est qu'un signe distinctif d'une marque. De même, la bouteille en cause ne présentait pas d'informations suffisantes relatives à la sécurité. Or ce défaut d'information relatif à la notice suffit, selon la jurisprudence, à caractériser la défectuosité du produit. C'est en ce sens que la première chambre civile de la Cour de cassation avait décidé par un arrêt du 7 novembre 2006 qui intéressait la manipulation du béton et un défaut d'information dans les documents contractuels.
De plus, nous pouvons retenir que le fait que le produit soit dangereux par sa nature propre ne peut pas suffire, à lui seul, à engager la responsabilité du fabricant. Cela signifie, en d'autres termes que le danger doit nécessairement dépasser celui auquel tout individu peut légitimement s'attendre (première chambre civile de la Cour de cassation, 5 avril 2005). Le danger doit donc être anormal ou excessif conformément à l'objet concerné.
Il est également possible pour le producteur d'invoquer la faute de la victime dès lors qu'il cherche à s'exonérer de sa responsabilité selon les dispositions de l'article 1386-11 ancien du Code civil, notamment lorsque le dommage dont se plaint la victime est causé par un défaut du produit auquel est ajoutée la faute de la victime, selon les dispositions de l'article 1386-13 ancien du même Code. Or dans le cas de l'espèce, le produit doit être considéré comme étant défectueux puisque les détendeurs de gaz propane et butane sont similaires, et peuvent être fixés indifféremment sur toutes les bouteilles de gaz, selon un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, le 4 février 2015.
Par conséquent, la défectuosité d'un produit s'apprécie par rapport au produit concerné ainsi qu'en retenant l'ensemble des circonstances qui entourent le dommage, notamment la présentation dudit produit et la notice d'information qui s'y rattache. La victime pourra de fait obtenir réparation du dommage dont elle se plaint.