Énoncé

Louis, 19 ans étudiant, est en couple depuis plusieurs années. L'anniversaire de sa petite amie, qu'il aime inconditionnellement, arrive à grands pas, mais il n'a toujours pas trouvé le cadeau parfait. Une semaine avant le jour J, il trouve un collier en or formant les lettres de leurs initiaux. Désespéré et n'ayant pas suffisamment d'argent pour acheter le collier, il prend la fuite en courant le collier à la main. Malheureusement pour lui, l'agent de sécurité l'attrape juste à la sortie et le maintien dans une salle du magasin jusqu'à ce que les policiers arrivent.

Après de longues minutes d'attente, les policiers arrivent et, sans l'interroger, sans que Louis puisse s'excuser ou s'expliquer, ils l'amènent au commissariat central et le placent dans une cellule de garde à vue. Louis, ne pouvant rien faire contre la force des agents de policiers et ne voulant pas empirer sa situation, coopère sans flancher.

Louis passe plus de 24h dans sa cellule sans pouvoir parler à un avocat. Il ne reçoit que la nourriture, mais les agents de force de l'ordre ne répondent pas à ses interrogations jusqu'au moment où la porte de sa cellule s'ouvre. On lui explique qu'il pourra bientôt partir, il faut seulement qu'il signe ses aveux que l'on a déjà préparés pour lui. Poussé par la peur et par l'espoir d'une liberté imminente, il signe sans lire la feuille. Ensuite, on lui explique qu'il passera devant un juge qui ne condamnera qu'à un jour d'emprisonnement qu'il a déjà servi dans sa cellule de garde à vue ainsi, il pourra partir libre.

Devant le tribunal, lorsque le juge cite les faits et informe le prévenu, Louis, de l'infraction pour laquelle il est poursuivi, il apprend qu'il pourra être condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour le chef d'accusation de vol à main armée.

Choqué par la tournure des événements, il pleure, crie et essaie de relater les faits. Malgré ses efforts, à l'issue de l'audience, il sera condamné à une peine de réclusions criminelle de 5 ans. Les motifs de sa condamnation sont la signature de ses aveux. De plus, le document qu'on lui a fait signer inclut une clause de renonciation à la représentation.

Louis conteste la condamnation et fait appel du jugement en s'appuyant sur le non-respect du droit au procès équitable et en invoquant le manque d'information portée à sa connaissance sur ses droits lors de la garde à vue et « l'aveu forcé ».

 

Résolution du cas pratique

I. Le principe du procès équitable

L'article 55 de la Constitution de 1958 dispose que « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. »

L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacre l'universalité du principe du droit au procès équitable et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme consacre la valeur régionale de ce principe et détaille le contenu exact du principe.

Le principe trouve son écho dans le droit national, notamment dans l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé sur l'autonomie du principe du droit au procès équitable dans une décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005.

Le principe du procès équitable garantit à toute personne son droit à la défense. Il s'agit d'une garantie qui impose une série de règles que les autorités doivent respecter. Parmi ces règles se trouve le droit à l'assistance, le droit à la représentation, le droit d'accès au dossier, l'impartialité de la juridiction, la légalité de l'incrimination, le droit au recours, etc.

Autrement dit, pour que la garantie du droit au procès équitable s'applique, il est impératif de suivre les règles de procédure pénale dans le cadre d'une inculpation pénale.


II. Sur l'absence d'information et d'assistance

Dans sa défense, Louis invoque le fait de ne pas avoir été informé de ses droits au début de sa garde à vue et ainsi n'avoir pu bénéficier de son droit à l'assistance. Le non-respect de ces règles représente une violation du droit à la défense, ainsi le droit au procès équitable.

Il a passé 24 heures en garde à vue sans pouvoir bénéficier de l'assistance ou sans connaître ses droits.

Or, l'article 417 du Code de la procédure civile donne la faculté de bénéficier de l'assistance d'un défenseur aux accusés.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme affirme que le droit au procès équitable est bafoué si le prévenu n'est pas informé de son droit à l'assistance au début de la période de garde à vue. (Affaire Salduz c. Turquie, CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02)

De plus, toute renonciation au droit à l'assistance doit être libre et éclairée.

La signature des aveux incluant le droit à la renonciation à l'assistance ne constitue pas une renonciation valable au regard du droit au procès équitable. (Affaire Pishchalnikov c. Russie, CEDH, 24 septembre 2009, Req. 7025/04)

Par conséquent, le droit au procès équitable de Louis a été violé.

III. Sur « l'aveu forcé »

Les policiers ont fait signer un document à l'accusé sans lui expliquer la valeur de ce document qui de plus, l'incrimine à un degré plus grave de ce qu'il avait commis.

L'aveu est un moyen légitime pour prouver son innocence ou avouer sa culpabilité. Il est également admis en tant que preuve probante devant les juridictions françaises selon l'article 428 du Code de procédure pénale. Néanmoins, l'article 429 du même code impose les règles de forme pour que l'aveu soit valable devant un tribunal. Ainsi, tout aveu doit être recueilli de manière régulière selon les réponses données aux questions de l'interrogatoire.

La Cour européenne des droits de l'Homme a également interdit l'auto-incrimination. Dans son arrêt de 5 avril 2012 concernant l'affaire Chambaz c. la Suisse, la Cour a confirmé à nouveau ce droit.

En l'espèce, aucun interrogatoire n'a été entrepris pour entendre Louis. En effet, l'aveu qu'on lui a fait signer ne constitue pas un aveu à valeur probante et ne peut pas permettre la condamnation de l'accusé.