Énoncé
Cela fait maintenant plusieurs années que Julien Dupont ne se sent plus homme. Il fait tout ce qui est nécessaire pour être assimilé à une femme et se fait prénommer Julie par son entourage.
Désormais, il souhaiterait que son changement de prénom et de sexe soit inscrit dans son acte d'état civil.
Par ailleurs, après avoir coupé les ponts avec son père, Julien ne souhaite plus conserver son nom de famille. Il souhaite prendre le nom de sa mère, Caron.
Résolution
I) Le changement de prénom
Art. 60 CC : toute personne peut demander à l'officier d'état civil à changer de prénom. Cependant, si l'officier d'état civil estime que ce changement ne revêt pas un intérêt légitime, il peut, sans délai, saisir le procureur de la République qui peut, s'il l'estime nécessaire saisir le juge aux affaires familiales.
Ce n'est donc que si l'officier d'état civil s'y oppose que Julien devra justifier d'un intérêt légitime à changer de prénom.
À cet égard, la jurisprudence était changeante, tantôt elle exigeait un changement de sexe irréversible c'est-à-dire une intervention chirurgicale (CA Limoges, 11 déc. 2012), tantôt non (CA Orléans, 12 nov. 2011).
La Cour de cassation s'est cependant ralliée à la position de la CEDH qui avait condamné la France le 6 avril 2017. Désormais, il est possible de modifier l'état civil des transsexuels par l'indication du sexe apparent. Par conséquent, le prénom doit également pouvoir être modifié par indication du sexe apparent.
Julien fait tout le nécessaire pour être assimilé à une femme.
La transformation de son prénom sera donc nécessairement acceptée par l'officier d'état civil ou, a fortiori, par le procureur de la République ou le juge aux affaires familiales.
II) Le changement de nom
Art. 61 CC : toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom.
À cet égard, la jurisprudence précise que « Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'art. 61 pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. » (CE 31 janv. 2014) Il appartiendra au juge saisi de déterminer si le fait que Julie n'est plus en contact avec son père depuis plusieurs années constitue un motif d'ordre affectif suffisant justifiant le changement de nom.
Si tel est le cas, le changement de nom s'effectuera par décret.
III) Le changement de sexe
Art. 61-5 CC : toute personne « qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. »
Ces principaux faits sont « qu'elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; qu'elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ; qu'elle a obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué. »
Or, Julie fait tout ce qui est nécessaire pour être assimilée à une femme, elle se présente comme telle auprès de son entourage et elle a pu obtenir son changement de prénom.
Julie pourra donc présenter sa demande devant le tribunal judiciaire qui pourra ordonner « la modification de la mention relative au sexe » (art. 61-6 CC).