Énoncé
Depuis plusieurs années, Monsieur Leferrand a travaillé dans une usine spécialisée dans la fabrication de meubles en bois de toute sorte. Mais cela fait plusieurs mois qu'il a démissionné pour ouvrir son propre atelier de menuisier.
N'étant pas un fervent partisan des formalités depuis toujours, Monsieur Leferrand s'est contenté d'ouvrir son commerce sur les économies qu'il réalise depuis des années et grâce à l'aide de ses deux meilleurs amis qui l'ont rejoint dans l'aventure. Chacun est spécialisé dans le domaine commercial et l'autre dans le marketing et la communication.
Grâce à leurs efforts collectifs, le travail de Monsieur Leferrand a acquis une certaine réputation dans le milieu des menuisiers. Son succès l'a obligé à embaucher d'autres salariés pour être sûr de pouvoir répondre à toutes ses commandes.
Cela fait plusieurs mois maintenant qu'il appose sur ses meubles sa marque de fabrique : un « L » stylisé avec un dessin de branche de cerisier fleuri entourant la lettre. Son ami dans le domaine commercial lui a conseillé de protéger sa marque en vue du succès récent qu'ils ont connu, sinon ils pourraient se faire voler des clients alors qu'on profiterait de leur succès.
Inquiet, Monsieur Leferrand vient vous voir pour savoir comment il peut protéger la qualité de son travail, représenté par cette lettre qu'il a eu beaucoup de mal à choisir.
Dans quelles conditions une marque peut-elle être valablement protégée ?
Résolution
I. Le droit applicable
Une marque pour pouvoir être enregistrée auprès de l'INPI et ainsi bénéficier de protection, notamment contre la contrefaçon, doit répondre à quatre conditions. Selon le Code de la propriété intellectuelle, la marque doit être susceptible d'une représentation graphique (Article L711-1 CPI). Pour être valable, elle devra être distinctive, licite, disponible et non déceptive (Article L711-1 à L711-4 CPI) .
Ce qui peut être protégé au titre du droit des marques est assez vaste, comme conçu par le législateur. Il peut s'agir de « dénominations sous toutes les formes », de « signes sonores » ou encore de « signes figuratifs ».
Ce signe doit présenter en premier un caractère distinct. Ce critère suppose que la marque déposée ne soit pas exclusivement la représentation du produit désigné, de manière générique ou usuelle. Une marque ne peut non plus se contenter de décrire le produit qu'elle représente, sauf à ce qu'elle souligne des caractères propres qui le distingueraient d'un usage courant de langage. (Article L711-2 CPI). À ce titre, la forme devra être différente de « manière significative de la norme ou des habitudes du secteur » (CJCE, 1re ch., 12 janv. 2006, Deutsche SiSi-Werke).
Ensuite, la marque doit être disponible. La marque ne doit porter atteinte à aucun droit de propriété intellectuelle ou industrielle antérieur à son enregistrement. Elle ne peut pas imiter une autre marque déjà enregistrée de manière identique ou même similaire. Elle ne peut pas non plus porter sur une dénomination sociale, un nom commercial, une appellation d'origine protégée ou un nom patronymique. (Article L711-4 CPI)
La marque doit encore être licite. Ainsi, elle ne doit pas être illicite strictement, ni porter atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. (Article L711-3 CPI)
Enfin, la marque ne doit pas être déceptive. Soit même dans le cadre d'un signe licite, cette marque ne doit pas tromper le public sur « la nature, la qualité ou l'origine géographique du produit ». (Article L711-3 c CPI)
Si l'une de ces conditions faisait défaut, l'enregistrement de la marque serait refusé par l'INPI. La marque ne pourrait alors pas bénéficier de la protection juridique en raison des droits de propriété intellectuelle que l'enregistrement produirait.
Le droit qui doit être protégé devra être délimité par le déposant de la marque. Il s'agit notamment de définir quelle est la marque protégée dans un formulaire d'enregistrement auprès de l'INPI en décrivant spécifiquement le signe à protéger. Cette protection pourra alors durer 10 ans à compter de l'enregistrement par l'INPI et renouvelable indéfiniment, ceci au moyen du paiement d'une redevance. Cette protection accorde un droit d'exploitation exclusif à son déposant.
II. L'application aux faits
En l'espèce, le signe que souhaite protéger Monsieur Leferrand est la lettre « L » stylisée et entourée d'un dessin d'une branche de cerisier fleuri.
Ce signe est une représentation graphique à la fois d'une lettre, mais également d'un dessin figuratif en raison de la branche de cerisier fleuri entourant la lettre « L ».
La distinctivité est reprise dans le caractère stylisé de la lettre, ainsi que le dessin qui l'entoure. Ce qui ne constitue pas une représentation générique ou descriptive des meubles, sur lesquels le signe est apposé.
Aucun dépôt de marque antérieur ne porte sur un tel signe similaire ou distinct ou tout autre droit antérieur. Il est disponible.
Ensuite, le signe ne présente pas de caractère illicite, contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Il n'est pas non plus de nature à tromper le public sur la nature, l'origine ou la qualité du produit.
Conclusion
Monsieur Leferrand peut valablement déposer sa marque à l'enregistrement pour la protéger pour les dix prochaines années. Ce dépôt devra avoir lieu auprès de l'INPI contre redevance. Un contrôle sera effectué par l'INPI qui ne devrait pas s'opposer à l'enregistrement du signe au titre des marques. Monsieur Leferrand pourra ainsi se protéger de toute contrefaçon qu'on viendrait lui opposer.
Sources : Légifrance, Dalloz, site de l'INPI