Lorsqu’une œuvre est fabriquée par une intelligence artificielle, qui en est l’auteur ?

La réponse apportée à cette question dépend en vérité d’une chose : l’échelle de l’intervention de l’intelligence artificielle visée dans le cadre de la création de l’œuvre. Ainsi, au titre des créations assistées par ordinateur, et donc concernant les créations pour lesquelles l’être humain fait partie intégrante, parce qu’il se sert d’une machine pour la générer, alors ce dernier est bien le détenteur de droits d’auteur sur l’œuvre en cause. Il a pu par exemple s’agir de la création d’une œuvre musicale spécifiquement générée à l’aide d’un logiciel.
Cependant au regard d’une œuvre fabriquée de manière spontanée, automatique, et donc sans aucune intervention de la part d’un individu, cette dernière ne pourra en aucun cas être qualifiée d’œuvre conformément au droit d’auteur français. Pourquoi une telle règle ? Tout simplement parce que ce droit prévoit que l’auteur d’une œuvre, peu importe la forme de celle-ci, est strictement protégé parce qu’il est un individu, une personne dotée de la personnalité juridique.
Par voie de conséquence, les créations issues de l’intelligence artificielle ne peuvent être protégées, en France, par les dispositions découlant du droit d’auteur. Cette solution juridique n’est cependant pas pareille dans tous les Etats. De la sorte, les œuvres fabriquées par des intelligences artificielles peuvent être protégées par le droit d’auteur et ce, même en absence de toute intervention humaine ; c’est le cas au Royaume-Uni, par exemple.

Ces constatations étant réalisées, se pose la question suivante :

Une entreprise est-elle en mesure d’utiliser une œuvre non fabriquée à l’aide d’une intervention humaine dans un but commercial ?

Comme précisé ci-dessus, dans la mesure où le droit d’auteur n’intervient pas pour la protection d’une telle œuvre, il faut par conséquent se reporter aux termes fixés par les conditions générales d’utilisation des sites internet qui offrent aux internautes un accès à cette intelligence artificielle. C’est donc bien la plateforme, le site internet en question qui fixe les règles en la matière. Par exemple, on peut relever que le service Midjourney permet deux utilisations différentes en fonction du profil de l’internaute qui l’utilise. Ainsi, une utilisation non-commerciale sera attribuée aux internautes utilisant la version gratuite tandis qu’une utilisation commerciale sera exclusivement attribuée à ceux utilisation la version payante du site, résultant d’un abonnement.
Ces constatations étant faites, il est important de retenir que même si cette utilisation à des fins commerciales dépend bien des conditions générales d’utilisation, même si un site décidait d’attribuer une telle possibilité de manière gratuite à tous ses utilisateurs, il est toujours en mesure d’en modifier la substance et donc prévoir une modification desdites conditions, sans qu’aucun préavis ne puisse être opposable par un défendeur.

La copie ou la reproduction d’une œuvre strictement générée par une intelligence artificielle peut-elle être prohibée ?

Cette question est très intéressante en ce qu’elle intéresse directement la notion de contrefaçon en droit français. Celle-ci permet d’interdire ou de limiter la copie ou la reproduction d’une œuvre mais elle est intimement liée au droit d’auteur tel que prévu et défini par le cadre juridique français.
Toutefois, au vu des éléments ci-dessus développés, force est de constater qu’il n’est pas possible, en France, de s’y opposer en ce que ces créations strictement générées par une intelligence artificielle ne bénéficient pas des règles protectrices résultant du droit d’auteur.

L’on parle d’œuvres générées uniquement par une intelligence artificielle. Toutefois, quid de l’œuvre générée par une intelligence artificielle mais qui se calquerait une œuvre existante ?

En vérité, même si l’intelligence artificielle peut créer une œuvre sans intervention humaine, il n’en demeure pas moins qu’elle utilise bien des images qui existent déjà et qui, pour certaines d’entre elles, sont protégées par le droit d’auteur. De même, les logiciels permettent de demander à une intelligence artificielle de créer une œuvre en usant de techniques similaires à celles utilisées par un auteur dont les œuvres sont, elles, bien protégées par le droit d’auteur. Ce qui est important à retenir ici est que l’œuvre utilisée dans le cadre de la fabrication de l’œuvre générée par l’intelligence artificielle doit être strictement libre de droits, et aucunement protégée. Dans le cas contraire, l’individu qui utilise une telle œuvre peut engager sa responsabilité s’il venait à l’utiliser à des fins commerciales.

Une évolution du droit est-elle envisagée afin de protéger ces œuvres fabriquées par l’intelligence artificielle ?

Cette question est posée de longue date déjà puisqu’en 2021 une proposition de règlement européen inhérent à l’intelligence artificielle fut publiée. Une adoption définitive est attendue dans le courant de cette année. A la vérité, cette proposition n’entend pas couvrir toute la question relative au droit d’auteur mais plutôt s’intéresser à la possible responsabilité des fournisseurs de ces intelligences artificielles. En fait, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a émis le souhait qu’il doit revenir aux seuls concepteurs des intelligences artificielles la qualité d’auteurs des œuvres en cause, même si celles-ci le sont exclusivement sans intervention humaine.
Il nous reste, pour le moment, à attendre ce que contiendra réellement le texte susmentionné. Les personnes physiques ou les personnes morales qui ont conçu de telles intelligences artificielles seront-elles en fin de compte les titulaires de droit d’auteur protecteur malgré une absence totale d’intervention de leur part dans cette fabrication ?

Références
https://www.sudouest.fr/sciences-et-technologie/intelligences-artificielles-la-bataille-des-droits-d-auteur-est-lancee-que-dit-la-loi-14312544.php
https://www.clubic.com/technologies-d-avenir/intelligence-artificielle/actualite-461550-le-droit-d-auteur-s-applique-t-il-sur-les-images-generees-par-ia-voila-une-premiere-reponse.html
Intelligence artificielle et droit d’auteur, [disponible en ligne en format PDF], Georgie Courtois, Avocat Associé, De Gaulle Fleurance & Associés, Jean-Sébastien Mariez, Avocat Associé, De Gaulle Fleurance & Associés, Jeanne Roussel, Avocate, De Gaulle Fleurance & Associés
https://usbeketrica.com/fr/article/les-droits-d-auteur-et-le-copyright-sont-ils-menaces-par-l-ia#:~:text=Plus%20particuli%C3%A8rement%2C%20en%20ce%20qui,pr%C3%A9alable%20des%20titulaires%20de%20droits.