- Les dispositions de cet article 5
- La conception de la fonction présidentielle
- Les périodes de cohabitation et l'article 5
- Les missions à proprement parler du Président de la République
- Informations complémentaires...
L'article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958 est le tout premier article du « Titre II : Le Président de la République ». Tel qu'il ressort de l'article 9 de la Loi constitutionnelle n°95-880 du 4 août 1995, l'article 5 dispose que :
« Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. »
L'article 5 prévoit expressément « son arbitrage » ainsi que le fait qu'il soit « le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ».
Selon Pauline Türk, le Président de la République est le « gardien des institutions et de la continuité de l'État [il] est initialement conçu comme un arbitre du jeu constitutionnel et non comme un gouvernant ».
Dans son discours de Bayeux (1946), le général de Gaulle montrait son attachement à la notion d'arbitrage. Comme le précise le Conseil constitutionnel lorsqu'il s'intéresse à la place du Président de la République dans la Constitution du 4 octobre 1958, le général de Gaulle « prit soin d'utiliser tous [les] nouveaux pouvoirs » qu'elle lui a octroyé.
Ainsi, l'article 19 de la Constitution prévoit que le Président se voit octroyer des pouvoirs dispensés de contreseing, de la nomination du Premier ministre, du recours au référendum, dissolution de l'Assemblée nationale, la procédure de l'article 16, les messages au Parlement, la saisine du Conseil constitutionnel en plus de la nomination de trois de ses membres, dont son président. En effet, l'article 19 prévoit expressément que « Les actes du Président de la République autres que ceux prévus aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables. »
Les périodes de cohabitation ont finalement permis à cet article 5 de prendre toute son importance.
Qu'est-ce que la cohabitation ? Il s'agit tout simplement d'une opposition entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle.
Ainsi, François Mitterand et Jacques Chirac ont tous deux été confrontés à cette situation d'opposition et ont utilisé les dispositions de l'article 5 dans deux domaines bien précis : la diplomatie et la défense. Ils ont donc, selon le Conseil constitutionnel, « [sauvegardé] (...) un domaine ou éminent, ou de « de dernier mot » » grâce à ces dispositions.
L'on sait que la fonction gouvernementale retrouvée à l'article 20 de la même Constitution est de définir la politique de la Nation. Dans la théorie, les choses sont claires : dans la pratique, elles sont bien différentes. Pour poursuivre dans cette idée de cohabitation, il revient en fait (dans la pratique) de définir cette politique de la Nation et ainsi, l'article 20 est tout simplement ignoré, à l'exception bien évidemment des périodes de cohabitation.
Il est vrai qu'à la suite de la réforme du quinquennat menée par Jacques Chirac, il n'y a pas eu de cohabitation : cette réforme ayant eu pour objectif de faire coïncider l'élection présidentielle ainsi que les élections législatives, et ce, pour éviter la cohabitation. Ceci eut pour conséquence que le Président de la République devienne en fait « le chef suprême de l'exécutif » (général de Gaulle).
Trois missions ressortent à la lecture de cet article.
1) Le Président de la République est gardien de la Constitution : le Président est compétent pour interpréter la Constitution lorsque le Conseil constitutionnel ne l'est pas ;
2) Le Président de la République est un arbitre, mais aussi un garant. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l'État ;
3) Le Président de la République est le garant de la souveraineté de l'État : il est le chef des armées et alors, il veille à l'indépendance de la France et à l'intégrité de son territoire.
On l'a bien remarqué à la lecture des dispositions de cet article, la rédaction est floue, voire ambigüe : les termes utilisés sont généraux. Cela montre bien les discordances entre le général de Gaulle et Michel Debré quant à la place du Président de la République au sein de cette nouvelle République. En effet, de Gaulle est pour la puissance de l'exécutif tandis que Debré est partisan d'un régime parlementaire dont le modèle serait celui du Royaume-Uni. Quel rôle alors lui octroyer ? La réponse à cette question n'est pas à trouver dans la lettre de la Constitution : elle énumère davantage ses missions que son rôle.
Le Président de la République est au-dessus des querelles partisanes. Il va alors pour trancher ces conflits politiques décider de prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale ou décider de l'organisation d'un référendum. De même, le Président, en plus d'être qualifié de clé de voute, l'est aussi de « juge supérieur de l'intérêt national » selon Debré et cela signifie, selon Pauline Türk, qu'il n'a d'autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir.
Sources : Conseil constitutionnel : Mémentos LMD, Les institutions de la Ve République, Pauline TÜRK, Gualino, Lextenso éditions ; Philippe Ardant et Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ éditions, 2013
Les articles suivants peuvent vous intéresser :
L'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958
Décryptage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution
Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité
Le Conseil constitutionnel : un rôle politique ou juridique ?
Exemple de commentaire d'article : l'article 515-8 du Code civil sur le concubinage