Néanmoins, ce ne fut qu’avec l’ordonnance de 2016 que furent organisées ces sanctions attachées à l’inexécution contractuelle. Ainsi, dans l’ancien Code civil, les sanctions étaient dispersées voire lacunaires. On retrouvait par exemple l’exécution forcée à l’article 1184, 1142 et 1144 anciens du Code civil. De même, la résolution était placée dans un chapitre consacré aux espèces d’obligations. L’exception d’inexécution n’était pas érigée en règle générale. 

Or l’article 1217 nouveau du Code civil changea la donne. Placé dans le sous-titre premier (le contrat), chapitre IV - les effets du contrat, à la section V - l’inexécution du contrat, l’article dispose « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

 - refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
 - poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
 -  (L. no 2018-287 du 20 avr. 2018, art. 10)  « obtenir [ancienne rédaction : solliciter] » une réduction du prix ;
 - provoquer la résolution du contrat ;
 - demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. - Dispositions transitoires, V. Ord. no 2016-131 du 10 févr. 2016, art. 9, ss. art. 1386-1. »

Or quel est l’apport de cet article et dans quelles mesures peut-on parler de refonte des sanctions de l’inexécution du contrat ?

Classer les sanctions du contrat de manière claire et organisée a une réelle importance du point de vue théorique et pratique. En effet, d’un point de vue théorique, la force obligatoire du contrat ne pourrait déployer pleinement ces effets lorsque les sanctions paraissent inefficaces voire absentes de la scène juridique. De plus, lorsque la force obligatoire est remise en question, l’efficacité des conventions se trouve en danger. De même pour la garantie de bonne exécution.

D’un point de vue pratique, le créancier impayé par exemple ne saurait quelles sanctions invoquer et dans quelles mesures il peut les invoquer en l’absence d’un texte clair.

Ainsi, il serait intéressant d’étudier dans un premier temps comment ont été réorganisées les sanctions d’inexécution (I), pour ensuite étudier dans un second temps comment l’article 1217 aborde l’articulation des sanctions (II).

I. Les sanctions de l’inexécution clairement regroupées ?

Nous étudierons dans un premier temps l’énumération des sanctions faites par l’article 1217 du Code civil (A), puis dans un second temps, nous apporterons un oeil critique à cette énonciation qui reste toutefois ambiguë (B).

A. L’énumération des sanctions par l’article 1217

Premièrement, l’article 1217 énonce clairement les sanctions d’inexécution. Ainsi, à l’alinéa 1er du texte, il est énoncé que la partie « pour laquelle l’engagement n’a pas été exécuté parfaitement » peut : refuser d'exécuter ou de suspendre l'exécution de sa propre obligation ; poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ; obtenir une réduction du prix ; provoquer la résolution du contrat ; demander réparation des conséquences de l'inexécution.

On peut comprendre par le texte que ces sanctions peuvent être envisagées dès qu’une exécution n’est pas jugée « parfaite ». De plus, les sanctions se présentent comme étant facultatives pour le créancier.

L’ordre de ces sanctions ne représente aucune hiérarchie. On reconnaît premièrement l’exception d’inexécution qui se définit comme étant « le droit, pour une partie, de suspendre l’exécution de ses obligations tant que son cocontractant n’a pas exécuté les siennes. ». Puis on retrouve dans un deuxième temps l’exécution forcée - qui se fondait avant l’ordonnance de 2016 sur une distinction entre obligation de faire, de ne pas faire et de donner -. Ainsi, après mise en demeure le créancier peut demander l’exécution en nature sauf bien sûr si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. À l’article 1222 nouveau du Code civil, il est possible que le créancier fasse exécuter lui-même l’obligation après mise en demeure et dans un délai et à un coût raisonnable - sans besoin d’autorisation judiciaire.

Dans un troisième temps, il est question de la réduction du prix. Face à une inexécution imparfaite du contrat, il est possible de demander une réduction proportionnelle du prix. Cette sanction est jugée comme étant une « sanction intermédiaire entre l’exception d’inexécution et la résolution ». Ce qui est intéressant ici, c’est le fait que la réduction du prix a été consacrée auparavant en matière de vente par des textes spéciaux. Cependant, par l’article 1217, cette sanction prend désormais une portée générale et permet au créancier de réduire le juge sans passer par le juge.

Est également évoquée la résolution du contrat. En matière de résolution, des modifications substantielles ont été apportées aux articles 1224 à 1230 nouveaux. Contrairement aux autres sanctions, la résolution rompt définitivement le lien contractuel.

Finalement, il est question de dommages-intérêts.

Cet article semble dès lors mettre un ordre en ce qui concerne les sanctions d’inexécution du contrat. Cependant, il n’est pas loin de renfermer des ambiguïtés (B).

B. Une énumération quand même ambiguë

Il est reproché par certains auteurs à cet article de renfermer des ambiguïtés quant à l’ordre de l’énumération. En principe, il a été retenu que dans le silence de texte, le choix est libre. Il ne peut être reproché à un créancier d’avoir choisi par exemple la résolution du contrat alors que d’autres sanctions auraient été envisageables.

De plus, il est reproché à cet article de ne pas définir la notion d’inexécution. On trouve une définition de cette définition dans le Code européen des contrats qui précise que « sous-réserve de ce que prévoient les dispositions suivantes, une obligation contractuelle est considérée comme inexécutée si l'un des contractants ou ses collaborateurs ou ses préposés adopte un comportement différent par rapport à celui qui est prévu par le contrat, ou si se vérifie une situation de droit ou de fait différente de celle que l'on peut tenir pour promise » (CEC, art. 89).

Une dernière ambiguïté semble aussi se grever à cet article : est-il considéré comme étant d’ordre public ?

Après avoir examiné l’alinéa 1er de cet article 1217, il serait intéressant de se pencher sur son deuxième alinéa qui invoque l’articulation des sanctions de l’inexécution (II).

II. L’articulation des sanctions

Nous étudierons dans un premier temps la complémentarité des sanctions (A), pour ensuite étudier de près la notion d’incompatibilité énoncée par l’article 1217 (B).

A. La complémentarité des sanctions

L’article 1217 affirme que « Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ». Ainsi, les sanctions énumérées à l’alinéa 1 revêtent une certaine complémentarité. Il est possible de les cumuler. Par exemple, il serait possible de combiner l’exception d’inexécution avec l’exécution forcée en nature. De même, les dommages-intérêts eux peuvent toujours être sollicités selon l’alinéa 2 comme complémentaires aux sanctions évoquées. Cette précision ne revêt aucune nouveauté puisqu’elle était établie à l’article 1184 alinéa 2 ancien du Code civil. Cependant, il est à noter que les indemnités ne peuvent être invoquées s’il n’y a pas de préjudice. Ainsi, les conditions de responsabilité civile pour l’indemnisation doivent être remplies.

Face à cette possibilité de complémentarité, des sanctions se pose une condition (B).

B. L’incompatibilité des sanctions

Finalement, la complémentarité des sanctions est selon l’alinéa 2 conditionné. En effet, ce sont « Les sanctions qui ne sont pas incompatibles » qui « peuvent être cumulées ». Or, comment définir l’incompatibilité ? L’article 1217 n’apporte aucune précision, cependant, il serait question de prêter attention à l’effet des sanctions et examiner si les effets concordent entre eux. Il serait illogique de demander la résolution du contrat, mais en même temps son exécution forcée en nature.