L'article 1131 ancien du Code civil était l'assise en droit français de cette notion spécifique qu'était la « cause ». La notion de « cause » était une spécificité du droit français inconnu de nombreux droits étrangers. Cette notion ayant fait l'objet de nombreux débats doctrinaux du fait de sa complexité, il a été décidé, lors de la réforme du droit des contrats entrée en vigueur en 2016, de supprimer cette notion de « cause », particulièrement complexe. Celle-ci ayant cependant une certaine utilité, certains ont pu faire remarquer qu'elle n'avait pas été réellement supprimée et revenait par la petite porte.

Nous allons donc, pour commenter cet article, développer l'intérêt de la notion de cause et les débats qui ont eu lieu autour de cette notion avant de développer, comme cela ressort de l'article, la nécessité d'existence de la cause puis sa nécessaire licéité.



Intérêt et débats théoriques autour de la notion de cause

La cause était l'une des quatre conditions essentielles à la validité du contrat avec l'objet, la capacité et le consentement comme cela ressortait de l'article 1108 ancien du Code civil. En plus d'être mentionnée à l'article 1108 ancien du Code civil, la cause était mentionnée aux articles 1131 à 1133 du même Code, pour autant aucune définition n'en était donnée et c'est donc la doctrine qui a dû définir cette notion.

La notion de cause a fait l'objet de nombreux débats théoriques entre les teneurs de la théorie classique, appelés aussi les causalistes, parmi lesquels nous pouvons citer Domat et les anti-causalistes parmi lesquels nous pouvons citer Planiol. Pour les causalistes, la cause peut être regardée comme le but en vue duquel les parties ont contracté, c'est-à-dire la raison pour laquelle le contrat a été conclu. Dans cette conception, puisqu'il s'agit du but immédiat, ces causes seront toujours les mêmes pour un même type de contrat. Ainsi, dans un contrat de vente la raison pour laquelle le vendeur vend est la volonté de percevoir le prix, et ce sera le cas pour toutes les ventes. Dans l'approche des causalistes de la notion de cause, il n'y avait aucune recherche de la psychologie des contractants, c'est d'ailleurs pour cela que l'on va parler de « cause abstraite », d'une « cause objective ». Cette vision de la cause a cependant été contestée par les anti-causalistes qui ont considéré qu'il s'agissait d'une théorie inexacte et, en outre, que la notion de cause était une notion qui était inutile en ce qu'elle complexifiait le droit des contrats, et ce inutilement.

En ce qui concerne la jurisprudence, la notion de cause était particulièrement utilisée puisque celle-ci jouait un rôle très important dans la police du contrat et dans l'équilibre de celui-ci ; ce qui explique qu'il est très difficile de se passer totalement de cette notion et que, même si cette notion très débattue n'apparaît plus en temps que tel dans le Code civil à la suite de la réforme du droit des contrats celle-ci, en réalité, resurgit en fond.


La nécessaire existence d'une cause à l'obligation

Il ressortait de l'article 1131 ancien du Code civil qu'une obligation devait nécessairement avoir une cause. En effet, cet article énonçait que l'obligation « sans cause [...] ne peut avoir aucun effet ». L'existence de la cause s'illustre particulièrement bien dans les contrats synallagmatiques puisque dans ce type de contrat, l'existence de la cause signifie qu'il doit y avoir une contrepartie réelle. À cet égard, la jurisprudence a d'ailleurs pu estimer que l'absence de cause entraînait la nullité de l'engagement si la contrepartie semblait exister, mais qu'en fait celle-ci était dépourvue de toute réalité. Le cas ayant donné lieu à cette illustration jurisprudentielle était le cas d'un contrat conclu avec un généalogiste qui, à condition de se voir reverser une quote-part de l'héritage, allait révéler à un individu sa qualité de successible. La Cour de cassation a cependant estimé que dans une telle situation, il y avait absence de cause dès lors que l'héritage devait lui parvenir, et ce même sans l'intervention du généalogiste (Cour de cassation, chambre civile 1, 9 juin 2017, n 16-21247).

Il faut également indiquer que, par principe, la cause est appréciée uniquement au jour de la formation du contrat. C'est d'ailleurs la conception qui a la faveur de la jurisprudence même si, par exception, il est arrivé à celle-ci d'adopter la reconnaissance de la notion de cause tout au long de l'exécution du contrat et non plus seulement au moment de la conclusion du contrat. En effet, certains arrêts, comme un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 30 octobre 2008, ont pu admettre que si la cause existait au moment de la formation du contrat, mais qu'elle disparaissait par la suite, il y avait alors caducité de l'engagement.

Concernant la preuve de l'existence de la cause, c'était l'article 1132 ancien du Code civil qui réglait la question. En effet, celui-ci énonçait que « la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée ». Il ressortait donc de cet article une présomption d'existence de la cause. Il s'agissait cependant d'une présomption simple et la preuve contraire pouvait être rapportée par tout moyen puisqu'il ne s'agit pas, ici, de prouver contre un écrit étant donné que la cause n'est justement pas précisée. En revanche en présence d'un acte causé, la preuve contraire devra être rapportée par écrit.

La cause doit donc exister, mais la cause doit également être licite.


La nécessaire licéité de cette cause

Il ressortait également de l'article 1131 ancien du Code civil que la cause devait être licite. En effet, cet article énonçait que « l'obligation [...] sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». La notion de cause était entendue différemment selon que l'on se plaçait du côté de l'existence de la cause ou de sa licéité. En effet, au sens d'existence de la cause on parlait de la cause abstraite. En revanche, concernant la licéité de la cause on regardait la cause subjective, c'est-à-dire ce qui a poussé les parties à contracter et qui est différent d'une partie à l'autre, autrement dit les mobiles des parties. C'est la théorie moderne qui a apporté ce sens à la notion de cause.

Ici, la notion de cause est une notion qui est individualisée puisque chaque partie a ses propres mobiles. Cette théorie amène donc à scruter les consciences des parties à un contrat. Cette conception a alors un écueil puisqu'il est légitime de se demander s'il appartient au juge de scruter les consciences des parties à un contrat. Il faut cependant admettre que la cause subjective présente une utilité certaine en ce qu'elle permet la protection de la société puisqu'elle permet de contrôler l'usage de la liberté contractuelle. La cause est ici davantage un instrument de moralisation du contrat et non pas de rééquilibrage de celui-ci. Cette cause subjective doit d'ailleurs être conforme à l'ordre public et aux bonnes moeurs comme cela ressortait de l'article 1133 ancien du Code civil qui énonçait que « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public ».

Se pose alors la question de la sanction qui va s'appliquer lorsque seulement une clause du contrat est contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. S'il est certain que la clause illicite est nulle, qu'en est-il concernant le contrat dans son ensemble ? La solution est apportée par l'article 1172 ancien du Code civil qui énonce que « toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes moeurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ». Ainsi, il y a donc nullité de l'ensemble du contrat si la clause était la cause impulsive et déterminante de l'engagement.

Concernant la preuve de la licéité de la cause, il y a en la matière une présomption de licéité. La cause est donc présumée être licite, mais la preuve contraire peut être rapportée. Il y a eu, en la matière, une évolution dans la façon de prouver l'illicéité. En effet, dans un premier temps la jurisprudence exigeait que la preuve contraire soit rapportée par un élément de l'acte lui-même, c'est-à-dire de manière intrinsèque. Mais la jurisprudence, dans son arrêt de chambre civile du 2 janvier 1907, a évolué et est passée à un système de preuve extrinsèque. À noter enfin que cette preuve de la cause se fait au moment de la conclusion du contrat.


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