La définition du dol
Les anciennes dispositions de l'article 1109 du Code civil considéraient que le consentement était vicié et donc qu'il n'était pas libre ni éclairé s'il avait été "surpris par dol." De fait, le consentement ne pouvait être valable. Couplées aux anciennes dispositions de l'article 1116 du Code civil, le dol peut se définir comme des manoeuvres frauduleuses qui ont été pratiquées par une partie contractante à l'encontre d'une autre partie contractante qui, sans celles-ci, n'aurait pas contracté ou, en tout état de cause, aurait contracté à des conditions différentes. On comprend donc que ces manoeuvres ont pour but ultime d'obtenir de la part de l'autre cocontractant son consentement.
En vérité, le dol n'est pas le seul vice du consentement en droit civil des contrats puisque l'article 1130 du Code civil dispose que l'erreur ainsi que la violence en sont également constitutives.
Quelles peuvent être les différents types de manoeuvres frauduleuses ? Celles-ci peuvent revêtir diverses natures et s'inscrire dans une action ou une inaction, une abstention, toujours effectuées dans le but de tromper l'autre partie. Ainsi il peut s'agir de manoeuvres, de mensonges, voire encore de silences intentionnels qui ont pour objectif de garder secrètes certaines informations qui, si elles étaient connues par l'autre partie le forcerait à ne pas conclure ou à conclure différemment : cela constitue la réticence dolosive. Ces manoeuvres frauduleuses constituent l'élément matériel du dol.
Quid de la réticence dolosive ?
Le dol peut résider dans un silence gardé par une partie qui dissimule ainsi à l'autre partie contractante un fait ou une information qui si elle en avait effectivement connaissance l'empêcherait de contracter (cf. en ce sens, Cass., civ., 3e, 15 janvier 1971). Parce qu'une information essentielle du contrat est tenue secrète, parce qu'elle fait défaut, alors l'autre cocontractant n'est plus en mesure de contracter en donnant son consentement libre et éclairé.
Une question s'impose à nous : cette réticence dolosive peut-elle être reconnue même s'il n'y a pas de violation d'une obligation précontractuelle d'information ? La Cour de cassation, dans sa décision Baldus du 03 mai 2000 (n° 98-11.381), avait considéré qu'une telle réticence ne peut intervenir qu'après qu'une telle obligation précontractuelle d'information soit effectivement violée. Il n'existait donc pas de réticence dolosive sans l'existence d'une telle obligation précontractuelle.
Or l'article 1137 nouveau du Code civil, tel qu'il découle de l'ordonnance de 2016, est intervenu pour préciser les choses : cette réticence n'implique plus la présence d'une telle obligation, et, le silence gardé par l'autre cocontractant sur l'estimation de la valeur de la prestation en cause ne peut constituer un dol.
Les conséquences de la reconnaissance du dol en tant que vice du consentement
Dès lors que le dol est prouvé, et il doit nécessairement l'être puisqu'"il ne se présume pas" au sens de l'article 1116 du Code civil, alors le contrat signé entre les parties devient nul, de nullité relative. Cependant, il faut immédiatement noter ici que la nullité du contrat est obligatoirement prononcée par le juge et uniquement par lui. Cela emporte plusieurs conséquences, notamment la restitution des marchandises, objets du contrat par l'acheteur, ainsi que le remboursement du prix de ces marchandises par le vendeur.
Si le dol doit effectivement être prouvé, à qui revient la charge de la preuve ?
La charge de la preuve du dol et donc des manoeuvres dites dolosives revient au contractant trompé ou qui s'estime trompé. Il peut d'ailleurs le faire par tous moyens. Pour que le juge puisse valablement prononcer la nullité de la convention ainsi signée, il faut que le contractant trompé prouve les trois éléments cumulatifs du dol –cela signifie que s'il ne parvient à prouver qu'un ou deux éléments sur ces trois éléments constitutifs, alors la preuve du dol fera défaut et la nullité de la convention ne pourra être prononcée. La victime doit demander la nullité relative de cette convention dans un délai de 5 ans à compter du jour de la découverte du dol.
Quels sont les trois éléments constitutifs du dol ?
La partie contractante qui estime que son consentement fut vicié doit apporter la preuve d'une manoeuvre dolosive pouvant résider, entre autres, dans un mensonge ou un silence au regard d'une caractéristique importante du contrat concerné. Cette dernière doit également apporter la preuve d'une intention volontaire de la tromper par l'autre cocontractant, il s'agit là de l'élément moral qui compose le dol : pour le cas où la manoeuvre dolosive n'aurait pas été pratiquée par l'autre contractant, celle-ci n'aurait pas conclu le contrat en cause. Finalement, cette partie contractante doit prouver son erreur, elle-même entrainée par le dol et qui est déterminante de son consentement. Toutes les erreurs sont d'ailleurs admises afin de pouvoir entraîner la nullité du contrat si elles sont effectivement prouvées (peu importe qu'il s'agisse de manoeuvres, ou encore de mensonges de la part de l'autre contractant ou bien d'une réticence dolosive). Dit autrement, sans cette erreur, le cocontractant victime n'aurait jamais contracté, ou du moins différemment.
Il est également intéressant de noter que le fait de conclure un contrat, et alors que le consentement de la victime est effectivement vicié du fait du dol, il se peut que celle-ci subisse un ou plusieurs préjudices. Ces derniers peuvent être réparés, sur la base de l'actuel article 1240 du Code civil, par l'attribution de dommages et intérêts à son bénéfice si elle en fait la demande ; il reviendra alors, en pareil cas, à l'autre cocontractant, auteur du dol, de les indemniser sur le fondement de sa responsabilité délictuelle. Cela signifie que le cocontractant victime d'un dol est en mesure de cumuler non seulement l'annulation du contrat concerné, mais également l'obtention d'une indemnisation. Précision, mais de taille : la Cour de cassation, en sa Chambre commerciale, le 15 janvier 2002 (n° 99-18.774) avait jugé que la victime peut se contenter uniquement de cet octroi de dommages et intérêts (cf. également, Cass. civ., 1ère, 14/01/2021, n° 19-24.881).
Sources : Legifrance, Jurislogic, Aurélien Bamde