Ceux-ci décidèrent de confirmer la recevabilité des preuves ainsi extraites même si cela constitue une atteinte à une liberté fondamentale. Pourquoi les juges ont-ils décidé de décider ainsi ? Décryptage.

Les faits de l’espèce et procédure

Dans le cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre sociale, il s’agissait d’une salariée qui avait été licenciée par son employeur après avoir copié un ensemble de documents qui appartenaient à l’entreprise pour laquelle elle œuvrait depuis 37 ans. Pour fonder le licenciement pour faute grave, son employeur décida d’utiliser le contenu de ces clés USB personnelles arguant de la nature des documents ainsi copiés, qualifiés par lui de « sensibles », mais aussi de l’absence de justification apportée par la salariée relativement à ces mêmes copies. Pour la salariée, la preuve obtenue étant illicite, le licenciement dont elle fit l’objet ne pouvait être juridiquement valable ; la Cour d’appel de Lyon décida néanmoins de valider les éléments de preuve apportés par son employeur. 

La salariée, mécontente de cette décision, décida de se pourvoir en cassation arguant de la licéité de la preuve apportée et l’utilisation faite du contenu de clés USB personnelles. Selon elle, le fait d’avoir accédé à ces clés, en son absence, revêtait la nature d’une violation d’une liberté fondamentale, à savoir : le respect au droit de la vie privée, et qu’en conséquence les preuves qui ont pu être récoltées sont illicites. Ce faisant, toujours selon la demanderesse, le fait d’avoir consulté des dossiers personnels sur des outils informatiques qui appartiennent au salarié sans avoir obtenu son accord exprès n’est pas possible, conformément à la décision Nikon de 2001 (Cass. soc., 02/10/2001, n° 99-42.942). 

La Chambre sociale eut alors à répondre à la question de savoir si les preuves obtenues par l’utilisation du contenu de clés USB personnelles de la salariée devaient être écartées des débats ?



La solution apportée par la Cour de cassation

Par un principe établi, il n’est pas possible pour un employeur de procéder à la consultation de fichiers contenus sur des clés USB personnelles si celles-ci ne sont pas connectées à un outil informatique professionnel. Il est ainsi tout d’abord rappelé par la Cour le contenu de l’article L.1121-1 du Code du travail qui protège le droit à la vie privée des salariés. A cela, néanmoins, la Cour de cassation pondère la règle en s’appuyant sur les dispositions de l’article 9 du Code civil et du Code de procédure civile mais aussi des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme : en effet, compte tenu des dispositions susmentionnées, il est possible pour l’employeur d’user d’éléments de preuve qui auraient été acquis illicitement. 



Pour la Cour régulatrice, l’illicéité de la preuve en question ne résulte pas de manière automatique à son exclusion des débats. Il revient, en pareille hypothèse, au juge de procéder à un contrôle dit de proportionnalité entre différents droits en présence, à savoir : les droits concurrents au droit à la preuve, et donc, en l’espèce, au droit à la vie privée de la salariée. Et pour lui de conclure si l’atteinte effectivement apportée à ces droits concurrents est bien proportionnée au but poursuivi mais également strictement nécessaire à l’exercice du droit à la preuve. 



La Cour conclut de la recevabilité des éléments de preuve, compte tenu du but recherché par l’employeur, à savoir : la protection de la confidentialité des affaires de son entreprise et que le processus d’extraction des documents avait été encadré par un commissaire de justice ainsi qu’un expert. Par conséquent, le contrôle est légitime mais surtout l’atteinte au droit à la vie privée de la salariée est proportionnée au but poursuivi par l’employeur dans cette affaire. 

Il apparait en fin de compte utile de retenir de cette décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation que les règles prétoriennes en matière de recevabilité d’une preuve illicite sont poursuivies et affirmées en ce sens où il est des cas où le droit à la preuve l’emporte juridiquement sur le respect au droit à la vie privée des salariés, si et seulement si la proportionnalité est rencontrée. 

Cette décision n’a cependant pas eu le mérite de définir le caractère indispensable de la preuve dite illicite. En effet, dans notre cas d’espèce, si la Chambre sociale de la Cour de cassation est intervenue dans le but de valider juridiquement la légitimité du contrôle effectuée mais aussi la proportionnalité apportée au droit au respect de la vie privée de la salariée, il n’en reste pas moins que les juges de cette même chambre ne sont pas intervenus pour donner des détails sur le fait de savoir en quoi la production de tels éléments était effectivement indispensable. 

Par voie de conséquence, pour clore notre développement, se posent deux questions principales et qui découlent de cette décision : est-ce qu’il est nécessaire d’apporter la preuve que la fourniture d’autres éléments de preuves licites ne peut être effectuée et ce, de manière totale ? ou bien, est-ce qu’il est nécessaire de simplement procéder au constat selon lequel d’autres preuves disponibles étaient inexistantes, non rencontrées ?

Aucune précision n’étant finalement apportée à ce sujet, il ne nous reste donc plus qu’à espérer qu’un prochain cas d’espèce effectivement présenté à la Cour de cassation nous permette d’obtenir la réponse à ces questions…