Les faits de l'espèce

Il est fait mention dans cet arrêt qu'un comportement a été gravement attentatoire aux libertés publiques, comportement qui en des circonstances normales, auraient été qualifiées de voie de fait. La voie de fait entraîne la compétence des juridictions judiciaires, pourtant le Tribunal des conflits en décidera autrement...

La Dame de la Murette avait en effet fait l'objet d'une arrestation et d'un internement administratif arbitraire d'une durée de six mois.



Qu'en dit le Tribunal des conflits ?

Le Tribunal des conflits relève que les dispositions de l'article 112 du Code d'instruction criminelle interdisaient au préfet « d'élever le conflit d'attribution dans les cas d'atteinte à la liberté individuelle » d'autant qu'il est bien prévu par la loi que les tribunaux judiciaires « sont toujours exclusivement compétents ».

En outre, il est prévu que ces prescriptions trouvent à s'appliquer lorsque « l'instance est engagée » à l'encontre des agents publics « qui se sont rendus coupables » de ces infractions, peu importe la nature de la faute qui a été commise par ces agents publics. L'État, dès lors qu'il est mis en cause, se voit appliquer les principes généraux gouvernant la responsabilité de la puissance publique.

Or, s'il est indéniable pour le Tribunal des conflits, qu'il appartient effectivement à l'autorité judiciaire en tant que « gardienne de la liberté individuelle » de connaître des conséquences d'une telle atteinte arbitraire à cette même liberté dans la mesure où elles ont « le caractère d'une voie de fait », cette règle non remise en cause en règle générale connaît cependant d'une exception dans le cas de « circonstances exceptionnelles ». Celles-ci empêchent en effet de reconnaître un tel caractère concernant la dame ayant fait l'objet d'un internement administratif.

Le Tribunal des conflits a conclu que l'internement en cause ainsi que l'arrestation ne sont pas constitutifs d'une voie de fait.

Le Tribunal des conflits considère alors que « c'est à bon droit » que le conflit d'attribution dans l'instance fut élevé par le préfet. L'arrêté de conflit en date du 31 janvier 1951 est par voie de conséquence confirmé ; le jugement rendu par le tribunal civil en cause est donc déclaré nul et non avenu, ainsi que « l'assignation introductive d'instance ».

En matière de liberté individuelle et d'internement administratif et « en dehors d'un cas de voie de fait », seules les juridictions administratives sont compétentes pour connaître d'un litige, d'une action en responsabilité qui serait dirigée à l'encontre de l'État à la suite d'un tel internement.



En bref, que retenir de cette décision ?

Dans cette décision du 27 mars 1952, le Tribunal des conflits a considéré que des circonstances qualifiées d'exceptionnelles permettent d'enlever le caractère de voie de fait à certains agissements qui, sans la constatation de ces circonstances exceptionnelles, en revêtiraient effectivement le caractère.

Dans le cas de l'espèce, il n'y a pas eu de voie de fait dans la mesure où l'action menée par l'administration se rattachait précisément à un pouvoir exceptionnel, lui-même lié à une période de crise. Les juridictions administratives sont alors compétentes pour connaître de ces activités administratives qui résident dans de tels agissements. En effet, dans la mesure où on ne peut pas parler de voie de fait, alors la compétence des juridictions judiciaires est écartée.

C'est finalement la reconnaissance d'une expansion de la compétence des juridictions administratives au regard de la voie de fait dans de telles circonstances particulières.



Source : Tribunal des conflits