Les faits de l'espèce
Une loi datant du 17 août 1940 avait prévu que les préfets disposaient du pouvoir de concéder à des tiers certains types d'exploitations aux fins de mise en culture immédiate.
C'est précisément en application de cette loi que des terres de la dame Lamotte firent l'objet d'un tel arrêté préfectoral de concession - en plus d'un arrêté de réquisition.
Le Conseil d'État s'était prononcé sur ces arrêtés et les avait annulés.
Pourtant, le préfet de l'Ain a de nouveau concédé les terres concernées.
Toutefois, une loi du 23 mai 1943 a prévu que l'octroi d'une concession ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou bien judiciaire. À nouveau, la dame Lamotte forme un énième recours - en dépit de ces nouvelles dispositions législatives. Le Conseil d'État n'a pas, contrairement à ce que l'on aurait pu s'attendre, déclaré le recours irrecevable et a précisément participé à la protection des administrés contre l'État au travers d'un raisonnement tout à fait audacieux selon les termes mêmes du Conseil d'État.
Le juge administratif a donc, par cette décision, décidé qu'il existe un principe général du droit en vertu duquel toute décision administrative peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sans même qu'un texte le prévoit.
Concernant le cas de l'espèce, le Conseil d'État retint que les dispositions en question n'avaient pas eu pour effet d'exclure le recours.
L'application de cette jurisprudence
Par application de cette décision du Conseil d'État, il est impossible pour le pouvoir réglementaire d'interdire le recours pour excès de pouvoir contre des décisions qu'il prend.
Néanmoins, il est possible pour le législateur français d'interdire un tel recours pour excès de pouvoir contre des décisions bien précises même s'il est opportun de noter que sont reconnus en droit international des droits aux individus d'exercer un recours effectif contre une décision de nature administrative. Cette possibilité, dans le cadre du droit de l'Union européenne, est appelée le droit à un recours effectif et fut reconnue par un arrêt datant du 15 mai 1986 de la Cour de justice des communautés européennes, Johnston, qui érigea par ailleurs ce droit en un principe général du droit.
En outre, d'après une analyse du Conseil d'État, cette interdiction serait contraire aux normes et aux principes de valeur constitutionnelle, confirmés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel notamment par sa décision du 9 avril 1996, lorsque celui décida de rattacher le droit des individus à un recours effectif lorsque sont portées des atteintes substantielles à leurs droits - article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en tant que partie intégrante du bloc de constitutionnalité.
Sources : Conseil d'Etat, Legifrance
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