En l’espèce, une opération de cession à plus des deux tiers des actions par un cédant a été réalisée, d’une société anonyme à une filiale, par acte du 20 avril 1973. Cette cession a été opérée au nom personnel du cédant ainsi qu’au nom d’autres actionnaires. Le cédant a ensuite déchargé la filiale de ses obligations. Par lettre, le 11 novembre 1975, la société cédante a souscrit une promesse d’achat sur la base de cet accord. Cette lettre prévoyait notamment que « la valeur nette de l’actif tangible et corporel de la société anonyme serait celle au jour de la cession effective ou à défaut les parties devaient se soumettre à un expert. Toutefois, la valeur ne pouvait être inférieure à cinq millions tout en prévoyant un délai d’option jusqu’en 1982 ». La société mère devient actionnaire en 1976 par application de la promesse d’achat. La société anonyme a alors été assignée par l’un des associés de la société dont les titres sociaux ont été partagés afin d’obtenir le paiement du prix fixé dans la promesse.

La décision de première instance n’est pas indiquée. Toutefois, un appel a été interjeté. La société mère a été condamnée à payer la somme due en appel. C’est pourquoi, elle forme un pourvoi en cassation notamment au moyen que « l’opération de cession soumise à un prix minimum n’avait pas pour objet d’exonérer l’un des associés des pertes de la société pour les faire supporter à d’autres associés ».

Ainsi, la Haute Juridiction devait traiter la question suivante : une promesse de vente de droits sociaux conclut antérieurement pour un prix minimum consenti ayant pour conséquence d’exonérer le cédant peut-elle caractériser une clause léonine ?

Par un arrêt du 20 mai 1986, la Haute Juridiction approuve le raisonnement de la cour d’Appel en rejetant le pourvoi en cassation aux motifs « qu’une cession d'actions à un prix minimum, même entre associés, ne peut constituer, sauf fraude, une clause prohibée par l'article 1844-1 du Code civil qui vise les seules clauses portant atteinte au pacte social ».

Pour analyser cette solution, il convient d’étudier d’une part, le rejet de la prohibition de la promesse de cession des parts du champ d’application de l’article 1844-1 du Code civil (I) et d’autre part, la reconnaissance des effets de la clause léonine (II).

I - Le rejet de la prohibition de la promesse de cession des parts du champ d’application de l’article 1844-1 du Code civil

Cette solution opère un revirement de jurisprudence (A) en ce qu’elle rejette la promesse de cession des droits sociaux du champ d’application de l’article 1844-1 du code civil (B).

A - L’admission d’un revirement jurisprudentiel

Pour rappel, la clause léonine est une disposition en droit des contrats qui confère à l’une des parties des droits disproportionnés par rapport à ses obligations au contrat. C’est pourquoi, elle crée particulièrement un déséquilibre entre les parties aux contrats. L’article 1844-1 du code civil compte 4 catégories de clauses léonines : la clause qui attribue à un associé la totalité du profit, la clause qui exclut un associé du profit, la clause qui met à la charge de l’associé la totalité des pertes et la clause qui exonère un associé de la totalité des pertes, ce dont il est question dans l’arrêt commenté. Par ailleurs, par un arrêt du 29 octobre 2003, la Haute Juridiction précise « qu’une stipulation prévoyant une participation dérisoire ou une absence de participation aux bénéfices ou aux pertes s’interprète comme une clause léonine » (Cass. com., 29 octobre 2003, n°00-17. 538, Inédit).

Antérieurement à cette solution, la Haute Juridiction et particulièrement la chambre commerciale de la cour de Cassation refusait la clause léonine dans les parts sociales. En effet, elle s’est longtemps prononcé au profit de la nullité des promesses consenties à un prix minimum avant l’opération de la cession. C’est pourquoi, la Haute Juridiction a censuré par un arrêt rendu en 1941 la décision des juges du fond dans la mesure où ils n’avaient pas recherché la nature de la clause. En effet, ils n’ont pas recherché si ladite clause avaient pour objet ou pour effet de protéger l’associé cédant contre les risques de contribution aux pertes.

La Haute Juridiction a adopté le même raisonnement dans un arrêt rendu le 16 janvier 1967 où les juges du fond « ont donné raison à l’acquéreur pour avoir invoqué l’article 1844-1 du Code civil, lors de la cession des titres d’une société, le vendeur se retrouvait dans l’impossibilité de céder le reliquat des actions refusé par celui-ci au motif que le vendeur ne courait aucun risque. Or, il était informé que l’acquéreur ne souhaitait plus acheter les reliquats d’actions. Il arguait en l’espèce de l’article 1844-1 du Code civil ».

La conséquence première de cette solution est le rejet de la promesse de cession des parts sociales du champ d’application de l’article 1844-1 (B).

B - Le rejet de la promesse de cession des parts sociales du champ d’application de l’article 1844-1

En principe, s’agissant des clauses léonines les litiges portent généralement sur les opérations de titre et plus particulièrement les promesses unilatérales d’achat de droits sociaux à prix plancher. C’est ce dont il est question dans la solution commentée. En effet, il est nécessaire de vérifier l’objet de la convention pour écarter l’effet léonien. Cette analyse se fonde sur la nature même de la promesse de cession.

« Entre la promesse et la levée de l’option, il peut dès lors se produire un délai plus ou moins long au cours duquel les aléas de la vie peuvent faire effondrer ou dévaluer la valeur des parts sociales. Ce qui aura bien évidemment pour conséquence de ne pas faire participer le cédant ni les associés des pertes que la société aura subies » .

C’est pourquoi, il est nécessaire qu’un associé puisse céder ses actions lorsque ce dernier renonce à sa participation de la société en raison d’une volonté commune perdue

II - La reconnaissance des effets de la clause léonine

Cette solution de la Haute Juridiction peut entraîner une exonération des pertes sociales (A) et créer une incertitude quant à la stabilité des solutions futures de la Haute Juridiction (B).

A - L’effet de l’exonération des pertes sociales sous conditions

Cette solution a pour effet de créer un déséquilibre entre les différentes parties de l’espèce notamment dans la mesure où un risque tel qu’une perte peut être supporté par l’acquéreur.

Toutefois, même si la promesse de cession peut produire un déséquilibre, il n’en demeure pas moins que ce déséquilibre ne peut exister lors de la conclusion de la promesse. C’est pourquoi, il ne peut être incorporer automatiquement dans le cadre des clauses léonines au sens de l’article 1844-1 du code civil.

Ainsi, on remarque donc que des aléas ou risques comme les pertes peuvent être relevées à un moment donné, particulièrement lors de la levée des options. Néanmoins, la nature de la clause n’est pas pour autant modifiée. En effet, la nature de la clause et donc son effet léonien s’apprécie lors de la conclusion de la promesse de cession. C’est pourquoi elle échappe à l’article 1844-1.

En somme, cette solution soulève l’aspect de la fraude. En effet, lorsqu’il est question d’apprécier la nature d’une promesse de cession de parts sociales, il est impératif de s’interroger sur son objet. Par exemple, de savoir si le but est de s’exonérer des pertes en instituant une telle clause incluant un prix minimum lors de la levée d’option.

La constance des solutions de la cour de Cassation en la matière peut être incertaine (B).

B - Une solution jurisprudentielle incertaine

Plusieurs arrêts discordants rendus par la Haute Juridiction établisse une instabilité en matière de promesse de cessions des parts sociales dont le prix minimum est antérieurement fixé. C’est pourquoi, la décision commenté doit être tempérée. En effet, la Haute Juridiction s’est fondée sur la validité de ladite promesse pour valider son objet lors de la conclusion de la cession.

Or, plusieurs décisions convergent. En effet, si dans un arrêt rendu le 7 mai 1987, un an après l’arrêt commenté, la deuxième chambre commerciale de Haute Juridiction a reconnu tout comme dans l’arrêt commenté que l’objet de la promesse détermine sa validité (Cass. com., 7 mai 1987, Publié au Bulletin). La première chambre commerciale de la Cour de cassation a invalidité la clause contractuelle dont l’objet était l’exonération de contribution aux pertes du cédant.

Il est à préciser que « toute clause de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties est réputée non écrite » en vertu de l’article 1844-1 du code civil. C’est pourquoi, il revient au juge du fond d’apprécier l’intention commune des parties afin d’évaluer le déséquilibre posé par cette clause. Lorsque le caractère excessif de la clause est démontré, alors la clause est réputé sans effet juridique.