Introduction
I. Le contrôle du juge administratif d'une directive communautaire : l'affirmation apparente de la primauté de la Constitution
II. Le contrôle du juge administratif d'une directive communautaire : la recherche d'un équilibre entre deux ordres
Conclusion
En l'espèce, il était question d'une directive prise par le Parlement européen le 13 octobre 2003 visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le législateur européen voulait établir un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre au sein des entreprises de la Communauté européenne. En application de cette directive, un décret a été pris pour la transposer en droit interne. Il était notamment question d'une annexe où figurait une liste d'activités ne pouvant plus entraîner d'émission de gaz à effet de serre sans autorisation.
L'activité de la société Arcelor étant concernée, celle-ci a procédé à un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d'État, en invoquant la contrariété du décret à plusieurs principes à valeur constitutionnelle.
En général, un décret qui transpose une directive se contente de reprendre sa lettre à l'identique, comme c'est le cas dans l'arrêt Arcelor. Ainsi quand la constitutionnalité d'un décret est remise en cause, c'est celle de la directive même qui est élevée.
À cette occasion, il a été question pour le Conseil d'État de déterminer le pouvoir du juge administratif en matière de contrôle de constitutionnalité du droit communautaire.
Il peut être vu dans la motivation de cet arrêt une apparente réaffirmation de la primauté de la Constitution dans la hiérarchie des normes dans l'ordre interne (I). Ceci en raison du fait que le juge administratif se voit consacrer le pouvoir de contrôler la constitutionnalité d'une norme communautaire au travers de son décret de transposition. En revanche, il peut davantage être constaté que le Conseil d'État s'il consacre cette possibilité, ne visait pas cet objectif. Il tendrait au contraire à rechercher l'équilibre entre les exigences nationale et communautaire en demandant d'abord au juge national de rechercher la conformité de l'acte mise en cause avec le droit communautaire (II).
I. Le contrôle du juge administratif d'une directive communautaire : l'affirmation apparente de la primauté de la Constitution
Sur le modèle de la hiérarchie des normes, le Conseil d'État dans l'arrêt Arcelor a rappelé la primauté du droit communautaire sur la loi en se fondant sur des dispositions constitutionnelles. Il a pu viser les articles 55 et 88-1 relatifs à cette primauté et à l'obligation de transposer la norme communautaire en droit interne. Ainsi, il est question pour le juge administratif de contrôler la conformité de l'acte de transposition à la Constitution de 1958 et indirectement de la directive elle-même.
Autrement dit, le Conseil d'État à travers cet arrêt s'est appliqué à répondre à la décision du Conseil Constitutionnel de 2006 (n 2006-543 DC du 30 novembre 2006) qui établissait la primauté de la Constitution sur le droit communautaire dans l'ordre interne. Comme cela avait pu être consacré auparavant dans l'arrêt Sarran du Conseil d'État le 30 octobre 1998, le motif précisant que « la supériorité conférée aux engagements internationaux ne saurait s'imposer aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle ». Cette solution avait également pu être étendue au droit communautaire à l'époque, dans l'arrêt Syndicat national des sociétés pharmaceutiques du 3 décembre 2001.
Il y a ici une réelle consécration du pouvoir du juge en matière du contrôle d'une directive européenne à travers son acte de transposition. En effet, si celui-ci n'est pas conforme, il devrait être annulé. Il serait logique d'envisager qu'un nouveau décret devrait être pris en respect de la norme supérieure cette fois, mais en modifiant le texte même de la directive, en raison de l'article 88-1 de la Constitution.
II. Le contrôle du juge administratif d'une directive communautaire : la recherche d'un équilibre entre deux ordres
Cependant, le Conseil d'État dans cette jurisprudence a davantage pour but de concilier les exigences nationales et communautaires.
À cette fin, le juge doit contrôler la directive par rapport au droit communautaire. Le cas échéant, il devra poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes quand il rencontre des difficultés sérieuses. Cependant, s'il ne parvient pas à déterminer le principe évoqué dans la directive comme équivalent à un principe constitutionnel, le juge pourra contrôler directement la constitutionnalité du décret. Ce qui donnerait lieu à un contrôle plus explicite de la constitutionnalité même de la directive. Il y a alors une véritable substitution de la norme communautaire pour la norme constitutionnelle pour contrôler la légalité de ce décret.
Le fait est que ceci ne doit arriver qu'en dernier recours, dans le cas où le juge administratif ne peut se reporter à aucun principe communautaire. Le Conseil d'État vise tout d'abord ce report même pour chercher un véritable équilibre entre les différentes exigences mises en balance.
En effet si la norme constitutionnelle de chaque État membre demeure souveraine. Ceux-ci ont accepté de coopérer par le biais de la Communauté européenne et l'Union aujourd'hui. Le Parlement européen est censé être une émanation de chacune des populations de ces États. Ainsi, si une telle directive a été prise, ce ne peut pas être en totale contradiction avec les droits internes en présence.
Si en apparence cet arrêt réaffirme la primauté de la Constitution, il est plus pertinent de l'analyser à l'aune de la volonté du Conseil d'État de tendre à un équilibre des exigences nationale et communautaire, qui ne pourraient pas être en totale contradiction.
Source : Conseil d'État
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