CJUE, 5 juin 2012, Commission c/ EDF

Le 16 décembre 2003, la Commission européenne a adopté une décision constatant qu'EDF avait perçu une aide d'État illégale d'un montant global de 1,217 milliard d'euros. Le 15 décembre 2009, le Tribunal de première instance de l'Union européenne (TPICE) a annulé cette décision au motif que la Commission n'avait pas examiné si l'État français avait simplement agi comme un "investisseur privé", en tenant compte de l'intégralité de l'opération de restructuration et du fait que l'État français était actionnaire unique d'EDF à cette époque.

La Commission a formé un pourvoi contre cet arrêt du TPICE devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Dans ses conclusions présentées le 20 octobre 2011, l'avocat général près la CJUE considère que la Cour de justice devrait invalider l'arrêt par lequel le Tribunal a annulé la décision de la Commission constatant qu'EDF avait perçu une aide d'État illégale d'un montant global de 1,217 milliard d'euros.

Dans un arrêt du 5 juin 2012, la Cour de justice de l'Union européenne confirme l'annulation, prononcée par le Tribunal, de la décision de la Commission déclarant une mesure fiscale prise par la France en faveur d'EDF comme constitutive d'une aide d'État, au motif que la Commission a commis une erreur de droit en ayant refusé, en raison de la nature fiscale de la mesure, d'examiner si l'État français s'était comporté comme un investisseur privé.


CJUE, 30 novembre 2016, Commission c/ France et Orange

Dans un arrêt du 30 novembre 2016, la Cour de justice rejette le pourvoi de la Commission dans l'affaire de l'avance d'actionnaire proposée à France Télécom par l'État français alors que l'entreprise connaissait une crise importante. La décision de la Commission, selon laquelle cette avance d'actionnaire constitue une aide d'État incompatible avec le marché intérieur, est définitivement annulée.

L'arrêt du 30 novembre 2016 de la Cour de justice constitue l'épilogue de la saga de l'affaire France Télécom qui a débuté en 2004 avec la décision de la Commission européenne déclarant le projet d'avance d'actionnaire proposé par l'État français à France Télécom constituait une aide d'État incompatible avec le droit de l'Union.

Bref rappel des faits : en 2002, France Télécom (depuis Orange), dont l'État était encore actionnaire majoritaire, se trouvait dans une situation financière difficile avec une dette nette de près de 70 milliards d'euros. Le ministre de l'Économie a fait plusieurs déclarations publiques visant à assurer France Télécom du soutien des autorités françaises. Ces déclarations ont été suivies en décembre 2002 d'un projet d'avance d'actionnaire - offre qui n'a cependant été ni acceptée ni exécutée par France Télécom. En 2004, la Commission a déclaré que cette avance, placée dans le contexte des déclarations faites depuis juillet 2002, constituait une aide d'État incompatible avec le droit de l'Union. Après un premier round entre le Tribunal et la Cour, le Tribunal a annulé une deuxième fois en juillet 2015 la décision de la Commission, motif pris de l'application erronée du critère de l'investisseur privé avisé.

Dans son arrêt du 30 novembre 2016, la Cour juge que le Tribunal n'a pas excédé les limites du contrôle qu'il lui incombait d'exercer, ni dénaturé la décision de la Commission. En effet, il a examiné l'appréciation de la Commission selon laquelle il convenait d'appliquer le critère de l'investisseur privé avisé au mois de juillet 2002 et non au mois de décembre 2002. À cet égard, il a jugé que cette appréciation était fondée sur une prise en compte sélective des éléments de preuve disponibles, ces éléments n'étant pas, par ailleurs, de nature à étayer les conclusions tirées par la Commission. Il a donc correctement jugé, selon la Cour, que l'appréciation de la Commission était entachée d'une erreur manifeste.

Quant à l'argument de la Commission selon lequel le critère de l'investisseur privé aurait dû être appliqué au mois de juillet 2002 et non au mois de décembre 2002, les juges luxembourgeois relèvent que, d'après les constatations du Tribunal, l'offre d'avance d'actionnaire n'a été faite qu'au mois de décembre 2002. En effet, les autorités françaises n'ont pris aucun engagement ferme au mois de juillet 2002 et la décision de soutenir financièrement France Télécom au moyen de l'offre d'avance d'actionnaire n'a été prise qu'au début du mois de décembre 2002 et non pas au courant du mois de juillet 2002. Dès lors, anticiper au mois de juillet 2002 le moment où le critère de l'investisseur privé avisé devait être apprécié aurait nécessairement conduit à exclure de cette appréciation des éléments pertinents intervenus entre le mois de juillet 2002 et le mois de décembre 2002.

Le recours de la Commission est donc rejeté ; la décision de la Commission du 2 août 2004 est définitivement annulée.


CJUE, 1er juillet 2010, M6 et TF1 c/ Commission

L'aide de 150 millions d'euros accordée par l'État français à France Télévisions est compatible avec le droit de l'Union. En effet, elle était destinée à couvrir les coûts du service public de la radiodiffusion assuré par France Télévisions. Le traité CE prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont soumises aux règles de concurrence dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie.

France Télévisions est une société publique française, propriétaire des chaînes de service public. À la suite de l'annonce, le 8 janvier 2008, par le Président de la République française, de la suppression à terme de la publicité télévisée sur la télévision publique, la France a notifié à la Commission son projet de procéder à une dotation en capital de 150 millions d'euros en faveur de France Télévisions. Par décision du 16 juillet 2008, la Commission a conclu que ce projet constituait une aide d'État compatible avec le traité. Métropole télévision (M6) et Télévision française 1 (TF1), chaînes commerciales françaises concurrentes de France Télévisions, ont saisi le Tribunal afin d'annuler cette décision de la Commission.

Par son arrêt rendu, le Tribunal rappelle tout d'abord que, si une mesure étatique de financement d'un service public constitue une aide d'État au sens du traité, cette mesure peut néanmoins être déclarée compatible avec le marché commun sous réserve de remplir les conditions prévues par le traité. Ensuite, le Tribunal juge que c'est à bon droit que la Commission a constaté que la dotation de 150 millions d'euros notifiée par la France était nettement inférieure aux coûts du service public de la radiodiffusion assuré par France Télévisions. En effet, ces coûts, d'un montant estimé par la Commission - et non contesté - de 300 millions d'euros, étaient constitués, premièrement, des coûts du service public de France Télévisions en 2008 que la baisse des recettes publicitaires pour cette année laissait non financés et, deuxièmement, des coûts de programmation supplémentaires induits en 2008 par la prochaine suppression de la publicité télévisée sur France Télévisions. En outre, le Tribunal constate que la dotation financière notifiée par la France n'était nullement destinée au financement de l'activité commerciale de vente d'espaces publicitaires de France Télévisions. Au contraire, cette aide était explicitement et exclusivement destinée à couvrir les coûts du service public de la radiodiffusion assuré par France Télévisions.

Le Tribunal relève que toute autre aurait été la situation si des doutes sérieux avaient existé quant à la destination effective de la dotation notifiée et, en particulier, si l'on devait craindre qu'elle ne soit détournée de son objet pour subventionner l'activité commerciale de France Télévisions. Or, lors de l'adoption de la décision attaquée, la Commission n'avait aucune raison de craindre que cette dotation - au demeurant très inférieure au montant estimé des coûts nets supplémentaires à compenser - soit utilisée à d'autres fins que le financement du service public de la radiodiffusion. Par conséquent, le Tribunal rejette les recours.


CJUE, 12 février 2015, Commission c/ France

La Cour constate que la France n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour récupérer des aides illégales versées aux producteurs français de fruits et légumes.

Jusqu'en 2002, la France a octroyé des aides aux producteurs de fruits et légumes dans le cadre de "plans de campagne". Les actions de ces plans avaient pour objet de prévenir ou, en cas de crise, d'atténuer les effets d'excédents momentanés de l'offre par rapport à la demande. Ces aides étaient tout d'abord réparties entre les organisations de producteurs (OP) qui avaient adhéré aux plans de campagne, avant d'être transférées aux producteurs.

À la suite d'une plainte, la Commission a considéré que les mesures prises dans le cadre des plans de campagne constituaient une aide d'État. Selon la Commission, ces mesures étaient en effet destinées à faciliter l'écoulement de la production française en permettant aux producteurs de bénéficier d'un prix de vente supérieur au coût réel exposé par l'acquéreur de la marchandise. Ayant conclu au caractère illégal des aides, la Commission a ordonné à la France en 2009 de récupérer les aides auprès des producteurs. Selon une estimation des autorités françaises, les sommes globales à récupérer s'élevaient à 338 millions d'euros.

La France et d'autres parties prenantes ont contesté la décision de la Commission devant le Tribunal de l'Union européenne. Par arrêts du 27 septembre 2012 [Arrêts France c/ Commission (affaire T-139/09), Fedecom c/ Commission (affaire T-243/09) et Producteurs de légumes de France c/ Commission (affaire T-328/09). Voir également CP n°120/12], le Tribunal a rejeté les recours.

Aucun pourvoi n'a été formé contre ces arrêts. Considérant qu'aucune récupération des aides n'avait eu lieu dans le délai imparti, la Commission a décidé d'introduire un recours en manquement contre la France devant la Cour de justice.

Par arrêt de ce jour, la Cour constate que la France s'est abstenue de prendre les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires les aides d'État illégales octroyées dans le cadre des "plans de campagne" dans le secteur des fruits et légumes. La Cour constate qu'aucune mesure n'a été adoptée par la France pour récupérer les aides dans le délai imparti par la Commission dans sa décision ordonnant la récupération (à savoir quatre mois) et que ce n'est que dans le courant du mois de mai 2011, soit avec près de deux ans de retard, que la France a entamé la procédure de récupération. En outre, la Cour constate que la procédure de récupération des aides se poursuivait toujours à la date de l'audience devant la Cour dans la présente affaire, soit près de six ans après la notification de la décision ordonnant la récupération.

Par ailleurs, la Cour relève que la France n'est pas parvenue à démontrer qu'il existait une impossibilité absolue d'exécuter la décision ordonnant la récupération. En outre, la France n'a fourni aucune donnée précise et concrète permettant de justifier pour chacun des bénéficiaires concernés si les conditions prévues pour l'application éventuelle de motifs de non-récupération étaient réunies.

En réponse à l'argument selon lequel la disparition de certaines OP, due à des fusions-absorptions ou à des liquidations, rend impossible la récupération des aides, la Cour considère que la France n'est pas parvenue à prouver qu'elle ne pouvait plus identifier les membres des OP disparues ni extrapoler le montant des aides versées aux producteurs. La Cour rappelle que le fait que des entreprises bénéficiaires sont en difficulté ou en faillite ou font l'objet d'un rachat ou d'une fusion-absorption n'affecte pas l'obligation de récupération de l'aide, l'État membre concerné étant tenu de prendre toute mesure permettant le remboursement de l'aide. »


TPIUE, 17 décembre 2015, SNCF c/ Commission

Saisi d'un recours en annulation par la SNCF à l'encontre de la décision de la Commission européenne par laquelle cette dernière enjoignit à la France de récupérer les aides à la restructuration d'une société détenue à 100% par la SNCF, lesquelles avaient été en partie autorisées, par des décisions antérieures, sous conditions, le Tribunal de l'Union européenne a rejeté, le 17 décembre 2015, le recours (SNCF / Commission européenne, aff. T-242/12).

Après avoir constaté le non-respect des conditions qu'elle avait posé dans des décisions antérieures pour considérer une partie des aides comme compatibles avec le marché intérieur, en particulier la condition de vente des actifs en bloc de la société faisant l'objet de la restructuration, la Commission a estimé que ces aides avaient été mises en oeuvre de manière abusive et devaient donc être remboursées. La SNCF estimait qu'elle avait correctement appliqué les conditions exigées pour considérer les aides comme compatibles.

Le Tribunal observe que la condition relative à la vente des actifs en bloc n'a pas été respectée. En effet, la transmission réalisée n'a pas seulement porté sur les actifs de la société, mais également sur la quasi-totalité de ses passifs, alors que ceux-ci auraient dû être exclus de la vente en bloc au terme d'une des décisions de la Commission. De plus, il estime que l'inscription au passif de liquidation d'une partie de l'aide déclarée incompatible par la Commission n'était pas suffisante pour éliminer la distorsion de concurrence. Partant, le Tribunal rejette le recours.