En quoi consiste donc cet abus dans la fixation unilatérale du prix ? Comment alors caractériser cet abus, aussi dénommé abus de comportement, de situation ?


Une première décision importante

Le 30 juin 2004, la Première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt important en la matière, en visant les articles 1134, in fine, et l'article 1135 du Code civil. Ce visa se comprend à l'aune de la règle impliquant l'obligation de conclure de bonne foi. Dans le cas de l'espèce, il s'agissait d'une banque qui avait augmenté de manière importante le montant de la location de coffre-fort. La Cour d'appel avait considéré que cette augmentation du prix n'étant pas justifiée constituait un abus. Pour considérer cet abus, les juges du second degré avaient retenu que les charges pour la banque demeuraient identiques. Or les juges de la Cour de cassation ont décidé de censurer cette décision ; et la Première chambre civile de relever que le client a bien accepté le renouvellement dudit contrat comprenant le nouveau prix et pouvait tout à fait procéder à la résiliation de son contrat avant que celui-ci n'arrive à échéance. De même, la Cour de cassation a retenu que le client pouvait tout à fait décider de se présenter devant une autre banque pour procéder à la conclusion d'un nouveau contrat en ce qu'aucune clause d'exclusivité n'avait été conclue entre les cocontractants. Ces considérations ont donc permis de rejeter l'abus dans la fixation unilatérale du prix ; de fait, aucun versement de dommages et intérêts ne doit être à la charge de la banque au bénéfice du client mécontent.


Les suites jurisprudentielles

C'est par une autre décision rendue cette fois-ci par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 4 novembre 2014, que les juges de cette chambre ont retenu la décision précédemment admise au regard de la sanction de l'abus dans la possibilité de fixer unilatéralement le prix. Il s'agissait dans le cas d'espèce concerné d'un contrat d'approvisionnement exclusif. Il est prévu dans le cadre de ce contrat particulier que le fournisseur est en mesure de fixer, annuellement, le prix de vente des marchandises ; toutefois cette liberté de fixation unilatérale du prix est encadré par deux règles acceptées par les cocontractants : le fabricant doit être en mesure de faire face à la concurrence, et, les prix ne peuvent pas excéder une augmentation de plus de 3% annuellement. Or le fabricant se plaint ; il considère, bien que les prix n'ont pas varié de plus de 3%, ce qui respecte les obligations contractuelles, que les tarifs en cause ont augmenté de 25% par rapport à ceux pratiqués par le fournisseur avec ses autres cocontractants. De ce fait, il lui apparait impossible de faire face à la concurrence du fait d'une matière première trop onéreuse, et le fabricant de poursuivre le fournisseur. La Cour de cassation, en sa Chambre commerciale, rejettera le pourvoi et considérera que le fournisseur a abusé de son droit de fixation unilatérale du prix.


Comment caractériser cet abus dans la fixation unilatérale du prix ?

A nouveau, il est revenu à la Cour de cassation de procéder à cette caractérisation. La Cour a considéré qu'il faut se placer par rapport à un double point de vue : le point de vue des deux parties au contrat ; pour ce faire, elle va également considérer les faisceaux d'indice, à savoir : les éléments intérieurs et extérieurs au contrat en cause.