Accroche 1 : les fiançailles et la notion de contrat

« Toute promesse de mariage est nulle en soi, comme portant atteinte à la liberté illimitée qui doit exister dans le mariage », la Haute Cour refuse dans son arrêt en date du 30 mai 1838, de voir dans les fiançailles un contrat, en ce que si l’on qualifiait les fiançailles de contrat, cela signifierait que les fiancés, parties du dit contrat, aurait une obligation de se marier, thèse insoutenable à l’époque qui trouve encore à s’appliquer de nos jours. Qui plus est, en ce qui concerne le mariage, l’article 16 de la DUDH de 1948, précise qu’ « à partir de l’âge nubile l’homme et la femme sans aucunes restrictions quant à la race la nationalité ou la religion ont le droit de se marier et de fonder une famille ». Ainsi les sources juridiques, à la fois présentes au sein du Code civil et dans le droit supranational, sont unanimes, si l’on peut faire une promesse de se marier, celle-ci n’engage pas les promis à travers le droit contractuel qui reste une notion distincte.


Accroche 2 : le mariage et la liberté individuelle

« La liberté du mariage est l’une des composantes de la liberté individuelle », ce commentaire du Conseil Constitutionnel fait à l’occasion de sa décision en date du 13 août 1993, permet de comprendre la liberté de mariage comme la liberté de se marier ou de ne pas se marier ainsi que comme la liberté de choisir son conjoint. Dès lors, des fiançailles ne peuvent constituer une obligation, et leur rupture est une liberté qui ne peut être enlevée ; tout au contraire, on peut par contre empêcher les fiancés de se marier, si cette atteinte à leur liberté relève d’un intérêt supérieur. Dès lors, de nombreuses questions se sont portées concernant les clauses dites de célibats, empêchant à la fois les fiançailles et les mariages. De principe, ces clauses sont nulles puisque contraire à l’ordre public, toutefois la Haute Cour a considéré plusieurs exceptions ; notamment dans son arrêt du 19 mai 1978, estimant alors que les convictions religieuses pouvaient motiver le licenciement d’une enseignante d’un lycée privé catholique.


Accroche 3 : l'engagement et l'obligation liés aux fiançailles

« S'il est peut-être excessif de dire que les fiançailles sont faites pour être rompues, il est exact que, juridiquement, elles n'engagent aucunement, et que les promis peuvent se séparer sans coup férir, en douceur, être quitte à quitte. » Philippe Le Tourneau explicite ainsi l’absence d’obligation liant les époux, toutefois cette inscription provenant de sa contribution à la revue sur la rupture des négociations de 1998, il est opportun de considérer la simple possibilité qu’il évoque pour les fiancés de se quitter sans suite. Ces mots nous engagent à penser à la rupture abusive des négociations que peuvent connaître les fiançailles, et à toutes les conséquences précontractuelles que nous pourrions en déduire. En effet, les époux fautifs lors de la rupture des fiançailles pourraient se voir opposer l’article 1240 du Code civil, car si la faute n’est pas caractérisée par la simple rupture, elle peut l’être par les circonstances de celle-ci. De telles circonstances se caractérisent avec un procédé d’examen in concreto mené à la discrétion du juge ; car ce dernier ne peut se reposer sur le principe du dol ou manœuvre dolosive, celle-ci étant écarté quant à ce qui a trait à la personne, ne reste plus que l’examen empirique de la situation, qui seul permet alors de déterminer le préjudice subit ainsi que son évaluation monétaire.



Accroche 4 : rupture des fiançailles et faute

« La rupture des fiançailles n'est pas à elle seule génératrice de dommages-intérêts, mais qu'elle peut le devenir lorsque les circonstances de la rupture sont révélatrices d'une faute », cet attendu de principe en date de la décision du 4 janvier 1995 (Cour de cassation), vise un débat qui ne cesse d’alimenter les tribunaux de première instance. En effet, la rupture des fiançailles provoque les complaintes, et tous les fondements sont essayés du contractuel au délictuel, les promis essaient de prouver la faute, car il apparaît bien que ce soit aujourd’hui une condition à l’octroi de dommages et intérêts. Plus encore, de nouvelles règles ont émergé pour tout ce qui concerne la restitution des cadeaux faits avant le mariage ; plus en particulier, c’est l’article 1088 du Code civil qui permet aux époux de déclarer caduque une donation faite en faveur du mariage si ce dernier n’est jamais célébré. Exception faite des bijoux que l’on dit de famille, qui ne représente alors qu’un prêt à usage dont la durée est adossée à celle de la durée de l’union des fiancés, et si mariage s’ensuit des mariés ; une telle interprétation étant constante depuis l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 juin 1961.


Accroche 5 : les fiançailles, garants du mariage ?

« Les rédacteurs du Code civil ont entendu réserver un traitement de faveur aux fiancés lesquels, contrairement aux concubins, n’ont pas choisi de tourner le dos au mariage », Aurelien Bamde exprime là le silence passé du Code civil en sa rédaction de 1804. En effet, il restait silencieux sur le statut des concubins, tandis qu’un cadeau, une disposition particulière semblait avoir été créée à l’attention des fiancés. Pour le législateur de l’époque, il s’agissait de protéger les fiancés et leur droit sur les objets échangés ; une protection méritée par l’idée selon laquelle il existe une différence fondamentale entre les fiançailles et l’union libre insusceptible de conférer à la famille une quelconque légitimité, ce que l’on nomme aujourd’hui le concubinage. L’exception est celle de la bague de fiançailles.  C’est l’arrêt Sacha Guitry 30 décembre 1952 qui considère que « les cadeaux consentis, peuvent être qualifiés de cadeaux d’usage si d’une part l’usage résulte d’une circonstance particulière, et d’autre part si le montant du cadeau est modique par rapport à la fortune et au train de vie des fiancés ». Si le cadeau a une grande valeur eu égard à la fortune du fiancé il ne peut s’agir d’un présent d’usage et la bague devient une donation et comme les fiançailles sont rompues la bague doit être rendue.


Lire également