1. Le principe de légalité : Crim. 01/06/1992 n 91-82141
2. Faits constitutifs et motivation : Crim. 17/06/1981 n 80-93125
3. Appréciation par le juge répressif de la légalité des règlements administratifs : Crim 04/07/1951
4. Personne morale et contrainte par le corps : Crim. 07/03/1918
5. Arrêté et faits antérieurs à l'interdiction : Crim. 02/07/1926
6. Loi modifiant les éléments d'un délit : Crim. 20/05/1947
7. Non-cumul des peines : Crim 23/10/1956
8. Illégalité d'une interdiction quasi absolue par un acte administratif : Crim. 01/02/1956 n 56-03636
9. Torture et vie privée : CEDH 17/02/2005 K.A. C/ Belgique
10. L'absence d'élément intentionnel nécessaire : Crim. 27/05/1959 n 58-93630
1. Le principe de légalité : Crim. 01/06/1992 n 91-82141
En l'espèce, les gérantes d'un laboratoire d'analyse médicale ont été condamnées pour des infractions prévues dans un arrêté relatif à la nomenclature d'acte de biologie médicale, pour des pratiques de prix illicites. Ce que le Code de la Sécurité sociale en matière de sanction pénale ne prévoit pas autrement que pour les arrêtés visant la tarification des prix et prestations de services pris en charge par le régime obligatoire de la Sécurité sociale. Une sanction pénale peut-elle être prononcée sur le fondement d'un arrêté ministériel pris sur une loi indirectement ?
La Cour de cassation exprime clairement le principe de légalité des délits et des peines. Aucun tribunal répressif ne peut prononcer une peine qui n'est pas clairement explicitée dans une loi. Ainsi, aucune sanction ne peut être prononcée par analogie, présomption, induction ou pour des motifs d'intérêt général.
2. Faits constitutifs et motivation : Crim. 17/06/1981 n 80-93125
Une personne a été condamnée pour outrage public à la pudeur à 15 jours d'emprisonnement. Mais dans la décision prise par le juge correctionnel, celui-ci a motivé la condamnation par la formulation : « Les faits sont constants et la culpabilité des prévenus parfaitement établie ».
Un jugement peut-il être rendu valablement par une juridiction répressive qui ne motive pas sa décision en précisant les faits constitutifs d'une infraction ?
La Cour de cassation relève que le principe de légalité veut que chaque juge ayant à se prononcer en matière pénale est tenu de motiver sa décision sur chacun des faits constitutifs de l'infraction tels que prévus par la loi.
3. Appréciation par le juge répressif de la légalité des règlements administratifs : Crim 04/07/1951
Un arrêté a été déclaré illégal par le juge. Cela concernait les poursuites d'un employeur pour avoir refusé de payer à l'un de ses ouvriers l'intégralité d'une prime instaurée par l'arrêté litigieux. Il avait pour objet de remédier à l'insuffisance des salaires par l'attribution d'une prime qui devait être considérée comme un complément de salaire.
Comme prévu par la loi, cet arrêt devait être pris après la consultation de la Commission supérieure des conventions collectives de travail. Ce qui n'a pas été le cas.
Un juge répressif peut-il écarter l'application d'un acte administratif qui n'a pas été pris dans les conditions prévues par la loi ?
La Cour de cassation affirme que le juge est compétent pour contrôler la légalité d'un acte administratif, ici l'arrêté, et d'en écarter l'application s'il s'avère qu'il a été pris illicitement. Ceci afin de rendre sa décision.
4. Personne morale et contrainte par le corps : Crim. 07/03/1918
Une société a été poursuivie et condamnée aux peines légales pour vente et mise en circulation d'absinthe. Le président de son conseil d'administration a été condamné à la peine minimale prévue par la loi en termes de durée quant à la contrainte par le corps, alors qu'il la représentait aux débats.
Un dirigeant de société peut-il être condamné pour la peine prévue pour la société qu'il représente et qui a été condamnée ?
La Cour de cassation exprime clairement que la peine prévue par la loi ne devait s'appliquer qu'à la société qui a été condamnée, et non à son représentant en cette qualité. Ainsi, il ne pouvait être condamné à une peine de contrainte par le corps, ni la société en tant que personne morale. Car aucune personne morale ne peut subir des peines de prison.
5. Arrêté et faits antérieurs à l'interdiction : Crim. 02/07/1926
En l'espèce, un administrateur délégué a contrevenu à un arrêté concernant les affiches-réclames qu'il aurait établies sur les poteaux en bordure de voie publique. Or, lesdits panneaux-réclames étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de cet arrêté.
Une personne peut-elle être condamnée pour avoir commis des faits qui n'étaient pas constitutifs d'une infraction avant l'entrée en vigueur de la norme qui les condamne ?
Le principe est qu'une norme d'incrimination ne peut être rétroactive, et que les faits incriminés ne peuvent être condamnés qu'à partir de son entrée en vigueur. Qu'il s'agisse d'une loi ou d'un arrêté comme en l'espèce. Ainsi, les faits commis après la date de la prise d'acte de l'arrêté municipal en 1903, celui-ci n'étant applicable qu'en 1923, il ne pouvait y avoir de condamnation.
6. Loi modifiant les éléments d'un délit : Crim. 20/05/1947
Une loi pénale condamnait le délit de proxénétisme (souteneur). En l'espèce, une personne vivait avec une autre se livrant à des actes de prostitutions. En cours de poursuite contre cette personne, une autre loi est entrée en vigueur qui a établi le délit sur des bases différentes et plus favorables aux inculpés. Il s'agit notamment du fait qu'elle peut justifier que ses propres revenus lui permettent de subvenir seule à ses besoins, pour ne pas être condamnée.
Une loi pénale plus douce nouvelle vise-t-elle à s'appliquer aux poursuites en cours ?
La Cour de cassation a rappelé qu'en principe une telle loi, plus favorable pour le prévenu dans les conditions d'incrimination d'une infraction, vise à s'appliquer de manière rétroactive.
7. Non-cumul des peines : Crim 23/10/1956
Un prévenu a été condamné à trois peines de prison pour les chefs de menaces verbales, d'outrage public à la pudeur, d'outrages à agents dépositaires de la force publique.
Une personne peut-elle être condamnée à une peine distincte par infraction commise dans un même jugement ?
La Cour de cassation affirme le principe de non-cumul et de confusion des peines en droit français. En effet, dans une même condamnation, une seule peine pourra être prononcée, la plus forte. Ainsi un juge ne pourra pas prononcer pour chacune des infractions une peine différente, mais bien une seule pour toutes confondues.
8. Illégalité d'une interdiction quasi absolue par un acte administratif : Crim. 01/02/1956 n 56-03636
Un arrêté préfectoral a été pris et prévoyait l'interdiction d'actes de prostitutions près des casernes, camps et arsenaux sur tout le territoire du département du Rhône, et sur toutes les voies et places publiques, seuils et allées, ainsi que certaines zones de la ville de Lyon.
Une interdiction générale prise dans un acte administratif est-elle valable ?
La Cour de cassation déclare qu'une interdiction générale tant dans le temps et dans l'espace, qui aboutit à l'interdiction de circulation quasi absolue pour une catégorie de personnes déterminées ne serait être licite. L'interdiction posée par un acte administratif peut être générale, mais ne doit pas être absolue ou quasi-absolue. Elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace. Sinon ce serait une violation des libertés publiques et individuelles.
9. Torture et vie privée : CEDH 17/02/2005 K.A. C/ Belgique
En l'espèce, un homme a été condamné pour coups et blessures sur sa conjointe par l'État belge, mais il se prévaut d'un cadre de sadomasochisme qui relève de sa vie privée, auquel l'Etat a porté atteinte. Ce en quoi la victime était d'accord.
En cas de traitements dégradants et inhumains commis dans le cadre de la vie privée, une personne peut-elle être condamnée pour torture ?
La CEDH a répondu que les faits étaient d'une particulière gravité, particulièrement dégradants pour l'épouse du prévenu et inhumains. Cette gravité empêchait le motif de vie privée, sexuelle notamment de venir justifier l'absence de condamnation. Ainsi, même dans le cadre de la vie privée, en ce qui concerne la commission du crime de torture, en raison de sa particulière gravité, une personne peut être valablement condamnée.
10. L'absence d'élément intentionnel nécessaire : Crim. 27/05/1959 n 58-93630
En l'espèce, le chauffeur d'un camion portant une pelle mécanique en remorque a causé des dégâts à une voie ferrée. Les juges du fond ont reconnu qu'il n'avait commis aucun acte volontaire ni une faute d'inattention ou dans l'omission ou l'inobservation des règlements. Ce qui a permis sa relaxe.
Dans le cadre de la violation pure et simple d'une loi ou règlement sur la police, la sûreté, et l'exploitation des chemins de fers, les juges doivent-ils rechercher l'intention de l'auteur des faits ?
La Cour de cassation rappelle que dans le principe, le seul fait matériel est insuffisant pour caractériser une infraction. Or, en matière d'une infraction à une loi, un règlement sur la police, la sûreté et l'exploitation des chemins de fer, il n'importe pas qu'il y ait eu un élément moral. Le fait purement matériel est suffisant au regard de la particularité de ces normes et de la valeur sociale défendue ici : l'ordre et la sécurité publique.
Sources : Crim. 01/06/1992 n 91-82141, Crim. 17/06/1981 n 80-93125, Crim 04/07/1951, Crim. 02/07/1926, Crim. 20/05/1947, Crim 23/10/1956, Crim. 01/02/1956 n 56-03636, CEDH 17/02/2005 K.A. C/ Belgique, Crim. 27/05/1959 n 58-93630
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