Le principe de la vaccination obligatoire pour certaines professions
Dans son avis (§28), le Conseil d’État a expressément rappelé que ce principe de la vaccination obligatoire doit répondre à un cadre constitutionnel et conventionnel, et, a en ce sens rappelé une décision du Conseil constitutionnel du 20 mars 2015 (n°2015-458QPC, cons. 10). Les juges du Palais Royal en ont retenu que ce principe de l’obligation de vaccination « ne méconnait, dans son principe, ni l’objectif de protection de la santé » (garanti par le Préambule de la Constitution de 1946, 11e alinéa) ni encore le droit à la vie et à l’intégrité physique, ou bien le droit à la liberté de conscience.
Néanmoins, à ce sujet, le Conseil d’État a explicitement mentionné qu’il lui revient de procéder à la vérification des modalités qui seront retenues par la loi qui instaurera ladite obligation vaccinale ; ainsi, le Conseil d’État vérifiera que ces mêmes modalités ne sont en aucun cas « manifestement inappropriées à la lutte contre l’épidémie » (cf. en ce sens, Conseil d’État, statuant au contentieux, 6 mai 2019, décision n°419242.)
Les juges de la Haute juridiction de l’ordre administratif ont ensuite relevé que la Cour européenne des droits de l’homme considère que l’obligation de vaccination, puisqu’elle constitue une intervention médicale non volontaire, est constitutive d’une ingérence dans l’exercice de tout un chacun du droit au respect de la vie privée (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme; cf. CEDH, 15 mars 2012, n°24429/03, §33.) Pour savoir s’il s’agit effectivement d’une ingérence, violant de ce fait l’article susmentionné, la Cour recherche si elle est justifiée par le second paragraphe de cet article 8. En d’autres termes, celle-ci est justifiée si elle est « prévue par la loi », si elle poursuit au moins un des buts légitimes prévus par cet article, et enfin, si elle est « nécessaire dans une société démocratique ».
Le Conseil d’État retient tout d’abord que la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’une telle obligation de vaccination « poursuit des buts légitimes de protection de la santé et de protection des droits d’autrui et répond à un besoin social impérieux » (cf. CEDH, 8 avril 2021, n°47621/13, §§265-311) et retient ensuite que la Cour admet qu’une telle ingérence soit autorisée pour le cas où elle est « justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi. »
La proportionnalité d’une telle obligation acceptée par le Conseil d’État
Les juges du Palais Royal ont retenu (§29) que « la progression [de l’épidémie suivant] une trajectoire exponentielle » et dans la mesure où la vaccination contre la Covid-19 permet une réduction des formes graves pour les personnes infectées par le virus, mais aussi de ralentir la propagation de celui-ci ainsi que limiter la tension hospitalière, l’instauration d’une telle obligation de vaccination est bien proportionnée à la lutte contre l’épidémie liée à la Covid-19 « et ne se heurte » pas à des obstacles de nature constitutionnelle ou conventionnelle.
La situation des professionnels au contact direct d’un certain public
Conformément aux annonces du Chef de l’État, les professionnels de santé, exerçant dans les hôpitaux et les EHPAD, seront contraints de se faire vacciner ; au total, ce sont près de 700 000 individus qui sont directement concernés par cette obligation de vaccination tant l’acception du terme de soignants est étendue par la mesure (personnels soignants et non soignants). Le Chef de l’État a ainsi pris acte d’un avis du Conseil scientifique, en date du 6 juillet dernier, qui considérait que les métiers de la santé « [s’accompagnent] d’une responsabilité professionnelle vis-à-vis des patients que l’on accompagne », vaccination comprise.
Les pompiers sont eux aussi impactés par cette obligation vaccinale. Toutefois, les policiers ne semblent pas être contraints à la vaccination en ce qu’une grande majorité du personnel des forces de l’ordre est déjà vaccinée. Enfin, les enseignants ne semblent pas non plus être contraints à la vaccination pour le moment bien que la reprise des cours dans quelques semaines fait déjà craindre une augmentation du nombre de cas positifs. Olivier Véran, Ministre de la Santé, a fait savoir qu’il ne souhaitait pas rendre cette vaccination obligatoire en ce que les enseignements ne sont pas au contact d’un public fragile. Néanmoins, le ministre de l’Éducation a fait savoir lors d’une interview que cette décision n’est pas gravée dans le marbre et qu'il est possible qu'une obligation vaccinale soit instaurée d’ici la rentrée des classes. Les élèves ne semblent pas non plus affectés, pour l’heure, par cette obligation. Le Premier ministre, dans son interview accordée à TF1, le 21 juillet, a toutefois fait savoir qu’une campagne de vaccination sera instaurée à la rentrée dans les collèges et les lycées bien que le pass sanitaire n’y sera pas exigé.
Reste cependant à voir ce qu’en dira le Conseil constitutionnel, de nombreux parlementaires ayant indiqué qu’ils le saisiraient afin de s’assurer de toutes les garanties possibles au regard, notamment, de cette obligation de vaccination pour certaines catégories professionnelles. Pour rappel, le Conseil d’État intervient à l’occasion d’un avis, demandé par l’exécutif, avant le vote de la loi, afin que le gouvernement puisse éventuellement revoir sa copie, et, le Conseil constitutionnel intervient une fois la loi votée, avant que celle-ci ne soit promulguée. Lui seul bénéficie effectivement de cette prérogative de censurer, ou non, la loi…
Le 22 juillet, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, a fait savoir que la vaccination obligatoire pour tous les Français n’était pas exclue. La vaccination obligatoire des soignants et de certaines professions, une première étape avant une extension de l’obligation ?
Sources :
- AVIS SUR UN PROJET DE LOI relatif à lagestion dela crise sanitaire NOR : PRMX2121946L/Verte-1 - Assemblée nationale
- Vaccination obligatoire et passe sanitaire :ce que prévoit le projet de loi - La gazette des communes
- Vaccination Covid obligatoire : pour tous ? La mesure n'est "pas écartée" - L’Internaute
- Pass sanitaire étendu, vaccinationobligatoire pour les soignants, tests PCR payants - Service public