Une préoccupation majeure au centre de l’agressivité de Donald Trump
Il est tout d’abord utile de souligner le fait que Donald Trump, dont l’investiture a eu lieu le 20 janvier 2025, ne s’en prend pas uniquement à l’Union européenne mais à bon nombre de partenaires. Preuve en est ses déclarations au regard du Groenland, de l’Amérique centrale ou encore du Canada depuis plusieurs semaines.
A ce premier constat, il nous faut maintenant préciser le fait qu’en dépit de raisons somme toute distinctes les unes des autres, concernant les annonces effectuées concernant un Etat et non un autre, il y a un point commun entre toutes ces déclarations : en effet, la préoccupation majeure au centre même de cette agressivité, qui n’est pas nouvelle mais qui semble s’accentuer depuis peu, réside dans une inquiétude d’ordre économique. Ce souci n’est cependant pas inédit chez Donald Trump qui a la ferme volonté de protéger coûte que coûte l’économie américaine, notamment son industrie. Cependant, les nombreuses déclarations qu’il a pu effectuer semblent pencher de plus en plus vers une défense de l’économie américaine bien au-delà du secteur industriel, pour s’intéresser au secteur spécifique du numérique (concernant l’intelligence artificielle) mais aussi le secteur financier (inhérent, surtout, aux cryptomonnaies). En bref, on le voit, ces secteurs sont variés.
Les services numériques américains : des victimes de l’Union européenne ?
Il nous faut également préciser que les grandes entreprises américaines qui développent leurs activités dans les services du numérique sont contraintes, dans ces mêmes activités, par des règles issues du droit de l’Union européenne, notamment le RGPD (le Règlement général de protection des données de 2016), mais également par deux autres règlements, pris en 2022, que sont le Règlement sur les marchés numériques et le Règlement sur les services numériques (respectivement le DMA et le DSA). Ces trois textes principaux sont, à la vérité, appliqués de manière complémentaire ; ces derniers poursuivent par ailleurs différents objectifs que sont, entre autres, la protection des données personnelles, mais aussi la lutte contre les contenus illégaux, ou bien la mise en place de davantage de transparence concernant les plateformes en ligne. Ces textes impactent donc l’activité des plateformes numériques, quelles qu’elles soient, à l’intérieur de l’Union européenne.
Ces règlements, et les mesures qu’ils contiennent, ne trouvent pas réellement d’écho au sein des législations extra-européennes, notamment aux Etats-Unis. En ce sens et parce que le droit tel qu’il est appliqué en dehors du continent est différent, les activités des entreprises du numérique nord-américaines, sont directement impactées. Elles sont en effet contraintes de respecter ces règles. A défaut, et comme nous avons pu le développer dans de précédents articles, la méconnaissance de ces règles peut entrainer des amendes importantes prononcés par la justice européenne. L’instauration de ces règles et le suivi scrupuleux de leur bonne application constitue une réelle difficulté pour les entreprises américaines de ce secteur pour accéder au marché européen. Or cette difficulté résulte sur une remise en cause de la domination américaine à cet égard. Les annonces de Donald Trump, les vives critiques qu’il a pu formuler dernièrement concernant l’organisation internationale et ses règles, ne constitueraient rien moins d’autres qu’une volonté de diminuer toute la portée des règlements susmentionnés.
Toutefois il ne faut pas s’y tromper dans la mesure où les tensions économiques ne sont en rien inédites entre l’organisation internationale et les Etats-Unis. Donald Trump n’est donc pas le seul chef de l’exécutif américain à s’en prendre à l’Union européenne concernant les règles économiques en vigueur. Le premier témoignage certain de ces tensions peut être retrouvé dès l’instauration de la Communauté économique européenne en 1957. Pour rappel, sur fond de crise concernant le secteur agricole, la Communauté européenne économique n’avait alors pas été reconnue à l’intérieur du GATT (c’est-à-dire l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et qui est devenu ensuite l’Organisation Mondiale du Commerce). D’autres conflits étaient également intervenus, par exemple concernant le domaine de l’aviation.
Néanmoins il est sûrement important de retenir que la situation actuelle diffère quelque peu quant au fond puisque les tensions que nous rencontrons sont surtout liées aux puissances économiques que sont la Chine, l’Inde mais aussi la Russie. L’Union européenne, comme ces trois Etats susmentionnés, sont régulièrement accusés d’impérialisme : en effet, l’organisation internationale, par son souhait de mettre en avant les valeurs inhérentes aux libertés et aux droits fondamentaux, mais aussi son souhait de voir de nouveaux Etats faire partie de l’organisation internationale, est vivement critiquée par l’exécutif américain. Le fait que l’Union européenne envisage de nouveaux Etats membres est perçu de l’autre côté de l’Atlantique comme une menace ; l’organisation internationale serait alors en mesure d’amoindrir l’hégémonie américaine, dont l’économie pourrait en pâtir fortement.
De ces constatations, l’on voit que l’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui, composée de 27 Etats membres, est constitutive d’un acteur international majeur. Toutefois et face aux puissances économiques en présence, l’organisation n’aura d’autre choix pour continuer à prospérer que d’instaurer des règles au sein de ses institutions politiques et d’affermir des positions politico-économiques claires et univoques. Il conviendrait donc, pour ce faire, que les Etats membres appuient la volonté d’une organisation étroite car, dans le cas contraire, la fracture qui pourrait exister entre eux ne ferait que l’affaiblir et son positionnement d’acteur économique international pourrait en être impacté négativement. Il conviendrait, finalement, que la Commission européenne défende véritablement les valeurs portées par cette organisation internationale afin que celle-ci soit valablement protégée face aux menaces d’origine extra-européennes.
Références
https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/investiture-de-donald-trump-l-union-europeenne-est-elle-prete/
https://www.nouvelobs.com/monde/20250120.OBS99206/investiture-de-donald-trump-pour-l-union-europeenne-s-affirmer-ou-disparaitre.html
https://www.lesechos.fr/monde/europe/leurope-fragilisee-face-a-un-trump-toujours-plus-radical-2143506
https://theconversation.com/cryptomonnaies-les-visions-de-trump-et-de-lunion-europeenne-sont-elles-opposees-246791