Dans les faits, pour être imposable au sein de l'Union européenne, le critère de rattachement du domicile fiscal est l'établissement principal des activités de la société. Or, avec le développement du law-shopping, les entreprises profitent de ce critère de rattachement.

De cette façon, les États comme l'Irlande présentent une imposition avantageuse pour des entreprises comme les géants Google, Amazon, Facebook et Apple. Ils établissent leur siège réel dans un État qui joue de sa législation pour bénéficier des meilleurs taux d'imposition. À côté de cette présence physique, toute l'activité dématérialisée se déroule dans de nombreux autres États où ces entreprises ne sont pas imposées.



L'échec européen de la taxe GAFA

L'Union européenne avait pour ambition d'adopter une imposition qui corrigerait cette situation « d'injustice » pour les autres entreprises qui étaient quant à elles soumises aux législations des autres États membres.

Cependant, cette ambition s'est soldée par un échec en raison de la règle d'unanimité nécessaire dans le cadre de la procédure spéciale d'approbation devant le Conseil de l'Union, pour adopter la politique fiscale européenne. L'Irlande s'est opposée à ce projet de taxation du GAFA, ayant elle-même un traitement fiscal en faveur de ces entreprises. D'autres pays ont également opposé leur véto comme le Danemark, la Suède et la Finlande.

Finalement, les nombreuses concessions ont été cumulées. La taxation ne concernait à la fin plus que Google et Facebook. L'assiette s'est également limitée au commerce de données en lien avec la publicité en ligne. La revente de données a été écartée, contrairement à ce qu'avait voulu la Commission européenne.

Face à cet échec, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a impulsé un projet de loi pour qu'une taxe GAFA nationale soit adoptée. D'autres États ont également décidé de l'adopter, tels que le Royaume-Uni.


La France, « pionnière » de la taxation des géants du numérique

Le projet de loi a commencé à être examiné par l'Assemblée nationale en première lecture le 8 avril 2019. Cette taxe nationale fait débat.

Tout d'abord auprès du gouvernement américain qui la juge « discriminatoire » à l'égard des entreprises américaines. Il y a eu une demande de retrait d'une telle taxe, mais le ministre de l'Économie a déclaré la France « déterminée », tout en rappelant que la matière fiscale est un attribut de la souveraineté d'un État. De ce fait, un autre État n'a pas son mot à dire en la matière, même si cela devait s'avérer discriminatoire à son encontre. Cette vision américaine reste tout de même discutable en ce que cette taxation vise une imposition plus « juste et efficace ».

Les conditions de cette imposition sont que l'entreprise ciblée fasse un chiffre d'affaires de 750 millions d'euros sur les activités numériques à travers le monde et plus de 25 millions en France. La taxe s'élèverait alors à 3 % du chiffre d'affaires réalisé en France. Les domaines visés sont la publicité en ligne, la vente de données personnelles et l'intermédiation. Il s'agit donc de replacer une imposition sur la valeur créée « grâce aux internautes français » à travers le « travail gratuit » des utilisateurs (Joël Giraud, LRM).

Le second débat soulevé par ce projet de loi réside dans son article 2 et son deuxième objectif : la trajectoire de la baisse de l'impôt sur les sociétés. Il est question que les dividendes de telles entreprises soient encore taxés à hauteur de 33.33 % et non 25 % comme prévu initialement. Ce point fait fortement débat entre les partis politiques qui sont en sa faveur ou qui y sont opposés. En tout état de cause, cet article n'a pas encore été débattu par l'Assemblée.



Finalement, cette taxe nationale resterait en vigueur en attente d'un accord avec l'Organisation de coopération de développement du numérique en ce qui concerne une taxe internationale. À défaut, elle s'appliquera encore à un nombre d'entreprises plus grand que les seuls quatre grands : Google, Amazon, Facebook et Apple. Si l'imposition européenne ne s'est pas réalisée, les États prennent des initiatives pour adapter la fiscalité à l'ère du numérique.


Sources : Le Monde, Toute l'Europe, Zdnet


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