Propos introductifs
Le Code de la sécurité intérieure prévoit, en son article L. 212-1, qu’il est possible de procéder à la dissolution d’une association ou bien d’un groupement de fait qui provoquerait à des agissements violents, aussi bien à l’encontre des biens que des personnes. Dans notre cas d’espèce, le Conseil d’Etat a été saisi par quatre organisations qui ont fait l’objet d’une dissolution et ce dernier est intervenu afin de déterminer comment procéder de manière légale à ces dissolutions. Ainsi une dissolution sera justifiée pour le cas où une organisation encourage, soit de manière implicite soit de manière explicite, à commettre des actes violents qui sont de nature à troubler gravement l’ordre public. Le Conseil d’Etat rappelle également qu’une telle dissolution est envisageable pour le cas où un tel groupement provoquerait ou contribuerait à la violence, ou encore à la discrimination ou à la haine envers à l’encontre d’individus, du fait de leur identité ou bien de leurs origines. Dans ces différentes décisions, les juges sont intervenus afin de déterminer le degré de gravité des faits qui leur étaient reprochés et ont décidé d’annuler la dissolution dont a fait l’objet le collectif Les Soulèvements de la Terre.
Quels sont les faits de l’espèce ?
Dans le cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d’Etat, il s’agissait de la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre, prononcée par le pouvoir exécutif. La plus haute juridiction de l’ordre administratif français a donc été saisie par ce collectif dans l’objectif d’annuler cette décision de dissolution.
Le Conseil d’Etat est en vérité intervenu de façon à déterminer le contenu de la notion de provocation à des agissements violents qui peuvent, dans la pratique, intéresser sans différence les individus et les biens. Ici, les juges ont expressément mentionné qu’une dissolution est constitutive d’une décision qui porte une atteinte grave à la liberté d’association alors même que celle-ci revêt la nature juridique d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cela étant précisé, et comme rappelé par le Conseil d’Etat en l’espèce, cette décision ne saurait être mise en application qu’à l’effet d’empêcher un trouble grave porté à l’encontre de l’ordre public.
Surtout, dans notre cas d’espèce, et dans les autres décisions rendues le même jour, le Conseil d’Etat a souhaité déterminer l’ensemble des critères qui permettent, in fine, de justifier une dissolution au sens de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, et donc, la dissolution d’une organisation qui provoquerait à la commission d’agissements particulièrement violents contre des biens ou des personnes.
Qu’ont décidé les juges du Conseil d’Etat en l’espèce ?
En l’espèce, les juges ont relevé tout un ensemble de critères qui permettent de justifier de la dissolution d’un groupement. En effet, et tel que précisé par ces derniers, une dissolution sera justifiée pour le cas où une association encourage des individus à procéder à des agissements violents (aussi bien contre des biens que des personnes et ce, de manière implicite ou explicite), légitime de manière publique de tels agissements ayant par ailleurs un caractère particulièrement grave, ou bien se refuse à estomper ou tempérer de telles invitations explicites à accomplir des actes particulièrement violents, lorsqu’elles sont partagées, particulièrement sur les réseaux sociaux.
Sans entrer dans le détail des autres décisions rendues le même jour, il apparait intéressant de relever en quelques mots que les recours formés par trois associations ayant fait l’objet d’une telle décision de dissolution ont été rejetés par le Conseil d’Etat.
Pourquoi celui-ci a-t-il décidé ainsi ? En vérité, pour lui, ces dissolutions étaient purement et simplement justifiées au regard de la loi. En effet, il a considéré que les décisions étaient non seulement adaptées, mais aussi et surtout nécessaires et proportionnées compte tenu de la gravité des troubles qui étaient susceptible d’être portés à l’encontre de l’ordre public. Globalement, le Conseil d’Etat reproche à ces associations de ne pas avoir tenté de contredire ou bien encore d’effacer des messages haineux ou encore injurieux sur les réseaux sociaux.
Revenons en fin de compte à notre décision sur le collectif Les Soulèvements de la Terre. Dans notre cas d’espèce, il s’agissait de manière générale d’une provocation à la violence non pas à l’encontre d’individus mais précisément à l’encontre de biens. Pour le Conseil d’Etat, une telle provocation ne saurait emporter justification d’une décision de dissolution. En effet, et compte tenu des faits de l’espèce, les juges de la Haute juridiction ont retenu que rien ne permet de démontrer qu’il y a eu une provocation à la violence à l’encontre d’individus. Par conséquent, une telle accusation ne saurait utilement être portée et retenue à ce collectif. Ainsi, le fait d’avoir relayé tout un ensemble d’images montrant les affrontements entre les forces de l’ordre et des manifestants, à l’occasion de rassemblements organisés contre la construction de méga bassines, ne peut être considéré comme étant constitutif d’une quelconque provocation, d’une valorisation voire encore d’une justification desdits agissements. Toutefois la lecture du reste de la décision nous renseigne bien sur le fait que le Conseil d’Etat a retenu que des provocations à agir de manière violente contre des biens peuvent être retenues conformément aux dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la sécurité intérieure.
A cela, néanmoins, le Conseil d’Etat a jugé que cette décision de dissolution dont a fait l’objet le collectif Les Soulèvements de la Terre ne saurait valablement revêtir la nature d’une mesure adaptée, nécessaire ni même proportionnée par rapport à la gravité des troubles qui sont susceptibles d’être portés à l’encontre de l’ordre public compte tenu des effets objectifs et manifestes qu’ont pu avoir ces provocations à la date à laquelle le décret de dissolution fut pris.
En raison de ces différents éléments mis au jour par le Conseil d’Etat, il est décidé d’annuler le décret attaqué.