Une « intrusion dans le jeu électoral » : les critiques pleuvent contre cette condamnation
A l’occasion d’un communiqué publié suite à la décision rendue par le tribunal correctionnel de Paris, le Vice-président du Rassemblement National (RN), Louis Aliot, lui-même condamné à 18 mois de prison, dont 6 mois ferme, à l’issue du procès organisé dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du Front National (devenu ensuite le Rassemblement National), a considéré que la condamnation dont fait l’objet Marine Le Pen constitue une « intrusion dans le jeu électoral ». Selon lui, encore, il s’agit d’une telle intrusion qui « laissera une tache indélébile dans l’histoire de notre démocratie ». Et ce dernier de conclure que cette condamnation vise à empêcher « la favorite de toutes les enquêtes d’opinion » de se présenter à la prochaine élection présidentielle.
Il est intéressant de noter que le prononcé de cette peine d’inéligibilité est inédite pour de telles personnalités politiques de premier plan d’autant qu’elle a été infligée à Marine Le Pen mais également à d’autres élus du RN ; cette peine dispose d’ailleurs d’un caractère immédiat. A ce sujet, et dans le but de justifier le prononcé de cette sanction qui, il ne fallait pas en espérer autrement, a déjà fait couler beaucoup d’encre, Bénédicte de Perthuis, la présidente de la 11e chambre spécialisée dans les délits financiers, a déclaré que celle-ci vise à ce que les personnalités politiques élues, « comme tous les justiciables ne bénéficient pas d’un régime de faveur ».
Quid de l’exécution provisoire ?
Dans cette affaire, il a été décidé de condamner Marine Le Pen à 4 ans de prison, et 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Ceci étant rappelé, il nous faut comprendre ce en quoi consiste cette exécution provisoire. Pour comprendre les choses simplement à ce sujet, concernant la situation de Marine Le Pen : celle-ci ne pourra pas se présenter à une élection, quelle qu’elle soit, dans un avenir proche. Cette exécution provisoire signifie que la peine est immédiatement exécutée à l’issue du prononcé de cette peine. Autrement dit, concernant cette condamnation, Marine Le Pen se voit priver du bénéfice de l’ensemble des effets positifs du droit qu’elle détient d’interjeter appel, suite à cette condamnation en première instance.
Nous l’avons vu et entendu depuis lundi matin, nombre de déclarations insistent sur le caractère éminemment politique tout d’abord de ce procès, ensuite de cette décision. Se pose donc la question de savoir s’il en est réellement ainsi ?
Cette décision revêt-elle la nature d’un procès politique comme on peut l’entendre ?
Il est intéressant, passée la vive émotion politique que cette décision a suscité, de revenir sur les règles juridiques applicables en la matière. Ainsi, il ressort des dispositions de l’article 131-26-2 du Code pénal que cette peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoire concernant tout justiciable qui est reconnu coupable d’un détournement de fonds. A cela cependant il convient de noter que le juge est en mesure de ne pas prononcer cette peine et ce, en fonction des circonstances de l’infraction en cause, mais aussi de la personnalité de l’auteur de cette infraction : il convient néanmoins que le juge motive sa décision dans ce cas. Dans notre cas d’espèce, le Parquet avait requis cette peine pour la durée maximale, à savoir : 5 ans.
Il est important de noter que la peine en question n’a été que proposée par le procureur : pour rappel, ce dernier ne décide de rien et il faut bien comprendre que les juridictions ne sont pas juridiquement liées par ces réquisitions.
De surcroit il est primordial de toujours garder en tête que ni ce procès, ni les réquisitions, ni la condamnation qui en a résulté, ne sauraient être constitutives d’un quelconque procès politique à l’encontre de Marine Le Pen. La juridiction n’a fait qu’appliquer la loi par rapport aux faits qui étaient poursuivis dans le cadre de cette affaire, et rien de plus. La juridictions ne s’est aucunement immiscée dans la vie politique et Marine Le Pen et les autres personnes effectivement condamnées l’ont été sur le fondement même du principe d’égalité des citoyens devant la loi…
Marine Le Pen a déjà déclaré qu’elle interjetterait appel de cette décision
Tout juste la peine prononcée par le tribunal, Marine Le Pen a fait savoir par son avocat, Me Rodolphe Bosselut, qu’elle interjèterait appel de la décision rendue. Il est possible que ce procès ait lieu dans un peu plus d’un an. La Cour d’appel pourrait décider de ne pas confirmer le jugement rendu le 31 mars 2025 et ainsi Marine Le Pen pourrait ne pas être condamnée à l’inéligibilité immédiate. Par principe, si tel était effectivement le cas, celle-ci sera en mesure de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Cependant il apparaît relativement ambitieux de penser ainsi compte tenu des délais de procédure qui sont longs et fastidieux.
Se pose aussi la question de savoir ce en quoi cet appel change dans le cadre de cette peine prononcée ?
Pour la bonne compréhension de cette affaire, et conformément à ce qui a été rappelé ci-dessus, il est nécessaire de retenir que l’appel en cause est dépourvu de tout fait au regard de l’entrée en vigueur de sa peine d’inéligibilité.
Qui plus est, le fait pour Marine Le Pen d’avoir décidé d’interjeter appel, peux tout à fait représenter un risque. En effet, il est possible que la cour d’appel décide de confirmer la condamnation arrêtée en première instance. Celle-ci pourrait alors décider de se pourvoir en cassation. Ici, les juges de la cour de cassation pourraient décider de valider la décision prise par la cour d’appel de condamnée en effet, Marine Le Pen à cette peine. Même si il s’agit de suppositions, elles sont tout à fait envisageables sur le plan juridique. Nul doute cependant que de nombreuses déclarations de soutien seront effectuées dans les prochains jours mais nous avons évoqué des éléments qui nous permettent de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une décision politique et que celle-ci est fondée en droit.
Références
https://www.tf1info.fr/politique/en-direct-proces-des-assistants-parlementaires-rn-le-tribunal-rend-son-jugement-ce-lundi-31-mars-2025-marine-le-pen-risque-une-peine-d-ineligibilite-les-dernieres-infos-2362329.html
https://www.francetvinfo.fr/politique/front-national/affaire-des-assistants-fn-au-parlement-europeen/direct-proces-des-assistants-parlementaires-du-fn-marine-le-pen-et-24-autres-prevenus-vont-etre-fixes-sur-leur-sort-lundi_7156920.html
https://www.lefigaro.fr/politique/en-direct-proces-des-assistants-parlementaires-du-fn-marine-le-pen-fixee-sur-son-sort-20250331
https://www.lemonde.fr/politique/live/2025/03/31/en-direct-jugement-de-marine-le-pen-la-dirigeante-du-rn-reconnue-coupable-de-detournement-de-fonds-publics-suivez-le-prononce-des-peines-en-direct_6588724_823448.html