Quels étaient les faits de l’espèce ? 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre sociale de la Cour de cassation, il s’agissait d’un salarié qui avait été engagé en qualité d’agent de sécurité en 2019. Celui-ci fit tout d’abord mention de propos racistes répétés de la part de ses supérieurs, puis d’une attitude discriminatoire manifeste, attitude précisément fondée sur son origine, enfin de reproches relatifs à sa vie privée et sa relation intime avec une collègue de travail. A l’occasion d’un courrier, ce dernier a fait mention d’éléments factuels à cet égard. L’employeur n’a pas réagi aux plaintes formulées par le salarié en question ; celui-ci ayant donc pris acte de la rupture de son contrat de travail, il décida de saisir le Conseil des prud’hommes afin de demander la requalification de la rupture de la relation contractuelle en licenciement nul. Ses demandes furent rejetées par la Cour d’appel de Dijon : les juges d’appels retirent en effet que la prise d’acte en cause ne saurait avoir pour autre conséquence que la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où ce dernier n’avait pas produit les éléments suffisants afin d’établir utilement l’existence de mesures discriminatoires à son encontre. Mécontent de cette décision, le salarié décida alors de se pourvoir en cassation.


Que décida la Chambre sociale de la Cour de cassation ? 

Dans notre cas d’espèce, le salarié considérait que la discrimination dont il fut la victime devait servir de fondement à la nullité de la rupture de son contrat de travail au sens des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail. Ces articles prévoient notamment qu’à l’égard d’éléments qui font en effet supposer l’existence d’une discrimination, l’employeur doit apporter la preuve que ces mêmes éléments sont en vérité étrangers à toute forme de discrimination et donc que ce sont des éléments de nature objective. Pour le demandeur, la Cour d’appel de Dijon a par conséquent fait fi de la répartition de la charge de la preuve. 

L’arrêt d’appel fut cassé par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a ainsi considéré que les faits qui ont été exposés par le demandeur laissent supposer l’existence d’une discrimination ce qui implique, pour l’employeur, d’apporter la preuve que ces faits sont en vérité étrangers à toute forme de discrimination. Rappelant l’objet et les effets de la notion de discrimination, la Cour de cassation rappelle explicitement que le juge se doit de procéder à la vérification suivante : l’employeur est-il en mesure d’apporter la preuve que ses agissements personnels sont justifiés par des raisons purement objectives et non discriminatoires ? Si l’employeur échoue à apporter cette preuve, de ce fait il y a discrimination. En l’espèce, parce que les juges du second degré n’ont pas procédé ainsi, l’affaire fut renvoyée devant la Cour d’appel de Besançon. 


Les apports prétoriens en matière de harcèlement discriminatoire

Dans notre cas d’espèce, la Cour de cassation intervient à l’effet d’éclairer les règles applicables dans la cadre du régime probatoire dans la mesure où la charge de la preuve, lorsqu’elle intéresse la notion de discrimination, est aménagée. De la sorte, il revient au salarié de fournir l’ensemble des éléments de fait qui laissent à penser qu’il y a discrimination. Face à cela, l’employeur est dans l’obligation d’apporter la preuve que les faits en cause s’expliquent en vérité par des éléments de nature objective, totalement étrangers à toute forme de discrimination. Parce que les juges du second degré n’ont pas procédé ainsi, ils ont donc méconnu les règles en matière de preuve. 

Cette décision permet, en outre, d’informer sur le rôle du juge dans ce type d’affaires, dans la mesure où il lui revient d’examiner avec vigilance tous les faits dont il a connaissance par le salarié, d’autant plus en matière de harcèlement discriminatoire, car ces comportements portent directement atteinte à la dignité de l’individu. 

Au surplus, cette décision vient confirmer et entériner la nécessité de rendre les règles probatoires favorables à toutes les victimes de discrimination, conformément aux dispositions et principes contenus au sein du droit de l’Union européenne (le droit européen est en effet particulièrement vigilant en la matière. Retenons notamment la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, en vertu de laquelle l’égalité de traitement des salariés sur leur lieu de travail, de même que leur dignité, constituent des principes fondamentaux que le juge doit protéger). 

Celle-ci permet aussi d’affermir la protection du salarié contre toute forme de comportements discriminatoires, renvoyant alors à l’ensemble des obligations qui incombent à tout employeur d’apporter la preuve que les décisions qu’il prend à l’encontre du salarié sont licites.  

En l’espèce, la Chambre sociale a aussi alerté les juges dans le cadre de leur office : ils ne doivent pas mettre de côté des faits qui n’auraient pas été qualifiés juridiquement par les salariés. 

Surtout, ce qu’il nous faut retenir ici réside dans le fait que la Chambre sociale a formellement reconnu le harcèlement discriminatoire comme étant constitutif d’une forme bien particulière de discrimination. Cela résulte alors sur une protection accrue des salariés qui en sont les victimes, tout en redistribuant la charge de la preuve qui incombe donc à l’employeur.


Références

https://www.courdecassation.fr/decision/6735a29f8bdc6c39ccf7991e

https://www.voltaire-avocats.com/fr/rappel-sur-le-regime-probatoire-en-matiere-de-discrimination/

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=17945#:~:text=D%27apr%C3%A8s%20la%20loi%2C%20le,%2C%20humiliant%20ou%20offensant%20%C2%BB*.

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045391813