Dans un précédent article nous avions évoqué les notions de groupes politiques parlementaires et des alliances au sein de l’Assemblée nationale. A la suite des résultats officiels des élections législatives qui se sont tenues le dimanche 19 juin, de nombreuses questions et oppositions ont déjà surgi parmi les différents partis politiques présents dans l’hémicycle. La présidence de la commission des finances constitue d’ailleurs l’une des conquêtes les plus importantes entre la NUPES et le RN. A quoi sert cette commission des finances ? Sa présidence revient-elle à l’alliance NUPES, qui a emporté le plus de sièges après Ensemble !, ou bien au Rassemblement national de Marine Le Pen ? Pourquoi cette présidence est-elle si convoitée ? Décryptage.


La commission des finances : qu’est-ce que c’est ?

Au sein de l’Assemblée nationale existent 8 commissions permanentes disposant d’un secteur technique particulier. Parmi celles-ci on retrouve la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, plus communément dénommée la commission des finances. Cette dernière constitue le troisième rôle le plus important au sein de l’Assemblée nationale, juste après sa présidence et sa vice-présidence.
Ces différentes commissions et les membres qui les composent sont nommés directement par la commission d’abord en début de législature, puis à l’ouverture de la session ordinaire chaque année. La nomination de ces membres est obligatoirement effectuée sur le fondement de la représentation proportionnelle des différents groupes politiques ainsi que sur la proposition des présidents de ces mêmes groupes.
Cette commission des finances, qui comprend 68 députés, a pour mission de contrôler l’exécution des lois de finances mais surtout elle s’intéresse de près à toutes les questions inhérentes aux finances publiques, entre autres, des dépenses de l’Etat ou de ses recettes. Il est aussi intéressant de relever qu’elle nomme un rapporteur général, rôle par principe réservé à un député de la majorité. Sa mission principale réside dans la rédaction d’un rapport au regard des lois de finances. De même, il est opportun de retenir que cette commission est en mesure de mettre en place des auditions, notamment des différents membres du gouvernement. Enfin, il lui revient d’adopter l’ensemble des amendements inhérents aux projets de lois de finances avant que ceux-ci ne soient soumis au vote à l’Assemblée nationale.
Au lendemain de la proclamation des résultats officiels du second tour des élections législatives, Marine Le Pen a déclaré qu’il doit revenir à son parti, le Rassemblement national, la présidence de cette commission. Cette déclaration se comprend à l’aune d’un usage mis en place en 2007 et qui prévoit expressément qu’il revient au principal groupe d’opposition la présidence de cette commission. Jusqu’à présent sa présidence revenait à Eric Woerth (Les Républicains).
Toutefois il nous faut pousser un peu plus loin notre raisonnement tant l’automatisme de ces règles mis en avant par Marine Le Pen mais aussi par différentes figures politiques de la NUPES n’est pas entièrement vrai.   


La présidence de la commission des finances : une bataille acharnée pour la décrocher

Au vu des éléments ci-dessus expliqués, on comprend aisément toute l’importance et l’enjeu qui entoure la présidence de cette commission des finances. Les résultats officiels à peine dévoilés, la bataille pour sa présidence a été lancée entre la NUPES de Jean-Luc Mélenchon et le RN de Marine Le Pen, chacun la revendiquant avec ferveur.
Mais que dit le Règlement de l’Assemblée nationale à ce sujet ? Pour comprendre à qui revient cette présidence, il faut se reporter aux dispositions de son article 39, alinéa 3, qui prévoit que la présidence de cette commission ne peut revenir qu’à « un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. » Cette règle aujourd’hui inscrite au sein du règlement de l’hémicycle, après sa réforme intervenue le 27 mai 2009, constitue en vérité la retranscription dans un texte d’une pratique mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en 2007.
Depuis lors, cette règle fut appliquée et est devenue en quelque sorte une tradition au sein de l’Assemblée nationale mais aussi du Sénat depuis 2011. Cette règle fut d’ailleurs complétée par un usage qui implique que la présidence de cette commission est attribuée, outre le fait qu’elle revient effectivement à un ou une députée s’étant déclarée d’opposition, à un ou une députée du principal groupe d’opposition. Néanmoins il faut immédiatement souligner le fait qu’il s’agit ici d’un simple usage et aucunement d’une obligation. En vérité, celui-ci émane directement du processus inhérent à la désignation du président ou de la présidente de cette commission. Celui-ci est élu par les membres de la commission, il n’est pas nommé par ces derniers. Or la composition de cette commission des finances, au même titre d’ailleurs que les sept autres commissions permanentes œuvrant à l’Assemblée nationale, constitue le parfait reflet du poids politique des groupes politiques présents.
Dans la pratique, les membres de la commission se regroupent à l’ouverture de la législature de manière à élire dans un premier temps un bureau, dans un second temps un président. Dans la lignée des règles énoncées par l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, il est impossible que le groupe parlementaire majoritaire se présente afin qu’un de ses membres soit élu président ; également, aucun des députés de la majorité parlementaire ne prend part à ce vote. L’ensemble des autres groupes parlementaires disposent d’une liberté étendue à cet égard en ce qu’ils peuvent, s’ils le souhaitent, mettre en avant ou non un candidat.
Il est donc important de rappeler cette règle dans la mesure où il n’existe aucun caractère automatique au regard de la désignation du président qui serait obligatoirement issu du principal groupe d’opposition. Ce président peut alors être issu de tous les groupes politiques qui y candidatent. Toutefois dans les faits jusqu’à maintenant, cette présidence est revenue à un membre du premier groupe d’opposition.
Reste pour l’heure à attendre qui du Rassemblement national ou de la NUPES obtiendra la présidence de la commission des finances, chacun de ces deux camps politiques considérant qu’il lui revient, de droit, d’y accéder en effet pour les cinq prochaines années…


Références
https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/resultats-des-legislatives-2022-trois-questions-sur-la-presidence-de-la-commission-des-finances-ce-poste-cle-convoite-par-les-oppositions_5210185.html
Pauline Türk, Les Institutions de la Ve République, éd. Gualino, Paris, 2013, pp.123-124
https://www.legifiscal.fr/actualites-fiscales/3185-assemblee-nationale-commission-finances.html
https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-finances