La suspension des nouvelles règles de calcul de l'assurance chômage
La réforme correspondant à la création de nouvelles règles de calcul du montant de l'allocation chômage devait initialement entrer en vigueur le 1er juillet 2021. Or après avoir été saisi en urgence par différents syndicats opposés à cette réforme, le juge des référés a, par une ordonnance rendue le 22 juin 2021 (n 452210, 452805, 452839, 452844, 452865, 452886), décidé de suspendre temporairement ces nouvelles règles.
Le juge des référés de la Haute juridiction de l'ordre administratif français a en effet retenu, pour justifier cette suspension d'application de ces nouvelles règles de calcul, que la situation économique actuelle et les nombreuses instabilités qui s'y rattachent, ne sauraient à l'heure actuelle être mises en oeuvre.
Ces nouvelles règles prévues ne peuvent être instaurées et effectivement appliquées actuellement ; pour rappel, le gouvernement a argué de la nécessité de cette réforme dans la mesure où celle-ci permettrait une stabilité de l'emploi. Et le montant de l'indemnisation de l'assurance chômage s'en voit nécessairement diminué pour les salariés qui ont alterné entre contrats de courte durée et inactivité. Il convient toutefois de noter qu'à la lecture de cette décision, le Conseil d'État ne remet nullement en cause la réforme en elle-même.
Une réforme entamée de longue date
Cette réforme visant à modifier les règles de calcul de l'assurance chômage est née à la suite d'un premier décret pris en date du 26 juillet 2019 alors même que le gouvernement n'avait pu négocier avec les syndicats de travailleurs et d'employeurs. Ce décret n 2019-797 relatif au régime de l'assurance chômage avait pour but de déterminer de nouvelles règles applicables en matière d'assurance chômage. Toutefois, ce décret fut partiellement annulé par les juges du Conseil d'État le 25 novembre dernier (n 434920) ; le gouvernement a donc pris acte de cette décision d'annulation partielle en décidant de prendre un nouveau décret qui reprend directement les parties annulées par la décision susmentionnée et en les amendant. Ce nouveau décret (n 2021-346) a été pris en date du 30 mars 2021 et porte sur « diverses mesures relatives au régime de l'assurance chômage ».
Toutefois, ce décret n'a pu accéder à la vie juridique sans que plusieurs syndicats opposés à cette réforme, au titre desquels sont retrouvés la CGT, FO ou encore la FSU, ne décident de saisir le juge des référés du Conseil d'État afin que ce dernier décide de la suspension dudit décret.
Pourquoi une ordonnance de suspension rendue par le juge des référés du Conseil d'État ?
Dans son ordonnance, le juge des référés de la Haute juridiction de l'ordre administratif a décidé de suspendre l'application de ce décret. Afin de justifier sa décision de suspension, le Conseil d'État a notamment retenu que la situation économique française actuelle comportait des incertitudes ainsi qu'une certaine instabilité. C'est donc sur ce constat de la situation économique française actuelle que le Conseil d'État a retenu que l'application de ce décret ne pouvait être effective dès le 1er juillet, comme initialement prévu par le gouvernement.
Comme mentionné précédemment, l'objectif principal du gouvernement dans l'élaboration de cette réforme du calcul de l'allocation chômage était d'encourager et de privilégier les emplois stables, durables. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement avait alors désiré que l'indemnisation chômage des salariés qui alternent entre des périodes d'emploi et d'inactivité soit moins favorable ; en parallèle, le gouvernement souhaitait également instaurer un système sur la base d'un bonus-malus concernant les cotisations chômage dues par les employeurs afin que ces derniers proposent davantage de contrats longue durée à ces salariés.
Néanmoins, le Conseil d'État, dans cette ordonnance rendue en référé, a observé que même si la situation économique française tend à s'arranger (de nombreuses indications, de nombreux facteurs économiques vont en effet en ce sens), il n'en reste pas moins que ce constat demeure incertain pour un avenir plus ou moins proche. En effet, rien ne permet réellement de prévoir comment va évoluer la crise sanitaire et quelles seront ses conséquences sur l'économie, et principalement sur les entreprises qui actuellement ont recours aux contrats à courte durée afin de pourvoir à leurs besoins immédiats et temporaires. Et le juge des référés du Conseil d'État d'ajouter que les règles contenues dans cette réforme du calcul du montant de l'allocation chômage défavoriseront principalement les salariés de ces secteurs et entreprises à besoins immédiats et temporaires et qui ne peuvent finalement pas choisir une autre situation que celle d'une alternance entre période d'emploi à courte durée et inactivité.
Après avoir effectué ces différentes constatations, le Conseil d'État, dans cette ordonnance, relève que l'entrée en vigueur du système sur la base d'un bonus-malus concernant les cotisations dues par les employeurs est prévue pour le 1er septembre 2022. La réforme en a prévu ainsi dans la mesure où l'évolution de la situation économique est incertaine de même que la situation du marché de l'emploi… Or le Conseil d'État retient une erreur manifeste d'appréciation entachant de la sorte l'application immédiate de ladite réforme à l'égard des salariés susmentionnés. Par conséquent, il apparaît impossible pour le juge des référés d'appliquer utilement et valablement les nouvelles règles de calcul de l'assurance chômage dès le 1er juillet 2021 comme initialement prévu par le gouvernement.
Pour clore, il convient de noter que la Haute juridiction de l'ordre administratif se penchera dans les mois à venir sur les différents recours portés, « au fond », contre le décret précité.
Sources : Conseil d'État, Le Monde, Le Point, Le Figaro