Propos préliminaires

Il faut tout d'abord noter que le Gouvernement est en mesure de jouer d'une influence importante devant le Parlement afin d'obtenir de la part des parlementaires le vote ou bien le rejet d'un texte législatif, voire d'amendements, notamment au sein de l'Assemblée nationale, là où ce que l'on appelle "le fait majoritaire" est particulièrement prégnant.

Plus encore, c'est uniquement devant les députés, représentants de la Nation, que le Gouvernement est en mesure d'user d'une arme redoutable : les dispositions contenues au sein de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Cette arme aux mains exclusives du pouvoir exécutif fut appelée "la grosse Bertha" par Jean Gicquel, spécialiste du droit constitutionnel. Cette arme renvoie à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur un texte. Ce texte sera en vérité adopté sans vote ; toutefois, les députés de la majorité peuvent déposer et adopter une motion de censure dans les conditions fixées par le texte constitutionnel suprême.

Pour le cas particulier où le texte serait refusé par les parlementaires, alors en pareil cas, le Gouvernement sera renversé. Or il faut noter, ici, que peu de députés de la majorité, malgré les réticences dont ils feraient preuve à l'égard de ce texte, sont prêts à risquer le renversement du Gouvernement.


A quoi renvoie cet article 49, alinéa 3, de la Constitution ?

Pour commencer, un peu d'histoire. En réalité, ces dispositions constitutionnelles étaient justifiées dans le cadre du parlementarisme rationalisé de 1958. En effet, ces dernières garantissaient aux membres du Gouvernement certains moyens, notamment au regard de la mise en application effective de son programme politique, tout du moins concernant les textes les plus essentiels. C'est plus précisément encore ce que Michel Debré, dans un discours ayant eu lieu le 27 aout 1958, appelé une procédure exceptionnelle dans le cadre de textes indispensables. Finalement, il peut être retenu que de nombreux premiers ministres ont usé de cette procédure constitutionnelle de manière à mener la politique gouvernementale en face d'une majorité parlementaire somme toute fragile. C'est ce que fit Michel Rocard à 28 reprises. Jusqu'à présent, cette procédure d'engagement de la responsabilité gouvernementale n'a pas permis le renversement du Gouvernement. En outre, cet article peut être utilisé du fait de manoeuvres politiques d'obstruction de la part de l'opposition parlementaire, ce dont a fait mention le Premier ministre, Edouard Philippe, dans un discours à l'Assemblée nationale, fin février.

De surcroit, au départ, cette technique pouvait être utilisée, devant les représentants de la Nation, à n'importe quel stade de la procédure législative, lors des différentes lectures du texte en cause, de même que chaque fois que le Gouvernement décidait de l'opportunité de cette utilisation lors de la session parlementaire. De ce fait, le pouvoir législatif revenant en partie au Parlement s'en trouvait considérablement abattu. Il a donc été question de limiter cet usage, et, à l'occasion de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le pouvoir constituant a décidé, conformément à ce que fut proposé par le Comité de réflexion sur la modernisation des institutions, de restreindre l'utilisation de cet arme aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que pour "un autre projet ou une proposition de loi par session" selon les nouvelles dispositions de cet article 49, alinéa 3, de la Constitution. Cette modification constitutionnelle a permis, notamment, de rééquilibrer les institutions.