Dans le cadre de ce développement, nous allons nous intéresser principalement à la compétence des maires. Ces derniers ont-ils une compétence particulière à cet égard ?
Une compétence limitée
L'intervention de l'état d'urgence sanitaire : quelles conséquences ?
Une compétence limitée
D'après une décision rendue par le Conseil d'État, le 18 avril 1902, Commune de Néris-les-Bains, dès lors qu'existe un concours entre différentes autorités de police, l'autorité de police locale n'est pas autorisée à réviser le contenu d'une mesure édictée sur le plan national pour le cas où cette révision aurait pour objet ou pour effet d'amoindrir les règles prises au niveau hiérarchiquement supérieur.
Il existe, par ailleurs, un principe au regard d'un concours entre police générale d'une part et police spéciale d'autre part. En vérité, le maire dispose de pouvoirs de police générale ; toutefois, sur la base de ces mêmes pouvoirs de police générale, il lui est impossible de revoir une mesure qui aurait été édictée par une autorité de police spéciale.
Cette impossibilité intervient dès lors qu'existe une absence de circonstances locales particulières d'une part, et dès lors que la mesure en cause adoucirait la mesure prise par l'autorité de police spéciale. Cette règle ressort de l'arrêt de Section du Conseil d'État, Société "Les films Lutétia" et Syndicat des producteurs et exportateurs de films, du 18 décembre 1959.
L'intervention de l'état d'urgence sanitaire : quelles conséquences ?
Par une ordonnance du 17 avril 2020 (n 440057), le Conseil d'État a considéré, dans le cas particulier de l'état d'urgence sanitaire, que la police spéciale "fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s'appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire".
Et le juge administratif suprême d'ajouter que cette règle connaît une exception pour le cas où il existe "des raisons impérieuses liées à des circonstances locales", raisons impérieuses qui impliquent une nécessaire édiction d'une telle mesure.
Toutefois, cette exception est strictement encadrée dans la mesure où l'édiction d'une telle mesure ne doit pas "compromettre la cohérence et l'efficacité" des mesures qui ont été prises par les autorités hiérarchiquement supérieures.
De fait, il apparaît clairement que le Conseil d'État est intervenu à l'effet de limiter considérablement le rôle tenu par le maire pendant la période de l'état d'urgence sanitaire ; le maire ne peut donc pas, utilement, intervenir au titre de ses pouvoirs de police générale (cf. article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales).
Pour clore en agissant de la sorte, sur la base de leurs pouvoirs de police générale, les maires ayant pris de tels arrêtés municipaux autorisant les commerces dits non essentiels à ouvrir, ont d'abord adouci les règles contenues au sein du décret du 29 octobre dernier, mais se sont aussi inscrits en opposition avec ce qu'avait considéré le Premier ministre, agissant sur la base d'une police spéciale. De fait, les arrêtés municipaux en cause sont illégaux.
Sources :
- Conseil d'Etat, du 18 avril 1902, 04749
- Conseil d'Etat, Section, du 18 décembre 1959, 36385 36428
- Conseil d'État, Juge des référés, 17/04/2020, 440057
- Décret n 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire