Propos introductifs
Alors même que le Premier ministre Israélien, Benyamin Nétanyahou, est sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la CPI depuis l’automne 2024, ce dernier s’est rendu début avril en Hongrie. Cet État partie est, en principe, tenu de l’arrêter mais il ne l’a pas fait.
C’est par une déclaration publiée par Gergely Gulyas, le Directeur de cabinet du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, en date du 3 avril 2025 que la Hongrie a officiellement fait savoir sa volonté de se retirer de la Cour pénale internationale. Cette volonté de se retirer de la CPI (« la Hongrie quitte la CPI »), précise cette déclaration, se fera « en accord avec le cadre international légal ». Deux anciens États parlés ont jusqu’à maintenant décidé de se retirer dudot Statut, à savoir : les Philippines et le Burundi.
Cette décision semble s’inscrire dans la lignée portée par le Président américain, Donald Trump, en février 2025, a décidé de sanctions à l’encontre de la juridiction pénale, faisant suite à ce qu’il considère comme étant des « actions illégitimes et sans fondements [juridiques] » à l’encontre des Etats-Unis d’une part, et « [son] proche allié Israël » d’autre part. À l’occasion de cette visite du premier ministre israélien, les trois représentants de ces États se sont entretenus. En fin de compte il s’agit là pour l’Etat hongrois d’une officialisation de prise de position politique remarquable et qui, in fine, se comprend aisément compte tenu des critiques portées à l’encontre de la CPI considérée par Budapest comme étant « politiquement biaisée ».
Une décision déplorée par la Cour pénale internationale
La décision prise par la Hongrie de se retirer du Statut de Rome qui a institué la Cour pénale internationale a été entendue par son instance de direction. C’est par un communiqué publié le jour même que la Présidence de l’Assemblée des États parties a informé de son regret suite à cette décision. Elle y précise notamment que lorsqu’un État partie, quel qu’il soit, décide en effet de se retirer du Statut de Rome, non seulement cela « porte ombrage à la quête commune de justice [de la CPI] » mais cela constitue également « [un affaiblissement] de notre determination à lutter contre l’impunité ». Celle-ci poursuit, dans ce même communiqué, que la Cour Pénale Internationale se situe précisément « au centre de l’engagement à rendre des comptes » et que l’ensemble des États devraient « soutenir [la CPI] sans réserve », soulignant ici le constat qu’elle fait et selon lequel, précisément, « la justice [pénale internationale] requiert l’unité [de tous] ». Si le souhait de retrait formulé par la CPI constitue un regret pour la Présidence, il n’en demeure pas moins que celle, au travers de ce même document publié, a précisé que tous les membres du Statut de Rome (jusqu’à leur retrait effectif) sont en mesure d’exprimer, de formuler les préoccupations qui sont les leurs devant l’Assemblée des États parties.
Finalement, celle-ci a précisé qu’elle encourageait véritablement cet État « à avoir une discussion constructive sur cette question » et désire vivement que la Hongrie demeure « résolument [un État] à partie au Statut de Rome. »
Pour rappel, la CPI fut créée en 2002 par ce Statut ; celle-ci compte actuellement 125 États parties, et bénéficie d’une compétence particulière en ce qu’il lui revient de connaître de la poursuite pénale des auteurs de crimes les plus graves et qu’elle prévoit explicitement lorsque les États ne veulent ou ne peuvent les poursuivre par eux-mêmes.
Une décision si étonnante que cela ?
Par une publication sur X (ex-Twitter), Gideon Saar, a salué la décision prise par la Hongrie de se retirer du Statut de Rome. Il s’agit pour lui en effet d’une « position morale forte » de cet État dirigé par Viktor Orban. Selon lui, la CPI n’a rien obtenu d’autre que d’avoir perdu « l’autorité morale » qui était la sienne lorsqu’elle a, toujours selon ce dernier, « piétiné les principes fondamentaux du droit international » lorsqu’elle prit position dans le cadre du conflit qui l’oppose à la Palestine et plus spécifiquement à son droit à « l’autodéfense ». Si ce retrait est salué par les autorités israéliennes, il n’en demeure pas moins que ce dernier ne prendra effet qu’à l’issue d’une année après son dépôt officiel près le Secrétariat général de l’ONU.
Pour la Hongrie, le mandat d’arrêt international dont fait l’objet le Premier ministre israélien constitue « une décision honteuse », et n’a pas hésité malgré les obligations qui sont les siennes au sens du Statut de Rome à cet égard, à le convier à une visite sur le territoire hongrois. Cette prise de position fut soulignée par Israël qui accueillit la « clarté morale » de cet État. Saluée par les uns, vivement critiquée par les autres, notamment par le Ministère des Affaires Étrangères de l’Autorité palestinienne, cette visite, malgré le mandat d’arrêt susmentionné, s’est effectuée « au mépris de la justice et du droit internationaux ». Celui-ci exhorte notamment le gouvernement hongrois d’appliquer le mandat d’arrêt concerné. Ne pas l’appliquer reviendrait finalement à encourager le chef du gouvernement israélien à poursuivre la commission de crimes et, finalement, « à perpétuer une politique d’impunité ».
Pour clore notre développement il est sûrement utile de noter le fait que tous les États membres qui souhaitent se retirer du Statut doivent continuer de coopérer avec la juridiction et que ceux-ci n’ont pas à « déterminer unilatéralement le bien-fondé des décisions juridiques » que la Cour décide.
Il est sûrement intéressant de noter que bien que la Hongrie ait en effet signée le Statut en 1999 puis ratifié ce traité deux ans plus tard, cet État ne se considère pas comme étant juridiquement tenu d’en respecter les règles car la convention associée n’a pas été validée pour des questions de respect de la constitution hongroise…
Références
https://fr.euronews.com/2025/04/03/cest-officiel-la-hongrie-se-retire-de-la-cour-penale-internationale
https://www.lefigaro.fr/international/la-hongrie-annonce-son-retrait-de-la-cour-penale-internationale-20250403
https://www.leclubdesjuristes.com/international/la-hongrie-de-viktor-orban-quitte-la-cour-penale-internationale-pour-quels-effets-10171/