Lors de la conférence de presse, cette dernière a également précisé que bien d’autres parlementaires que ceux de LFI signeront le texte. Selon LFI le Chef de l’Etat, qui n’a pas encore nommé de Premier ministre au moment où cette proposition est déposée, est entre autres « l’agent de perturbation du bon fonctionnement démocratique des institutions ». Pour le groupe enfin, celui-ci s’est rendu responsable d’un « coup de force antidémocratique ». Cette actualité politique et juridique brulante nous amène alors à nous demander en quoi consiste la destitution en Chef de l’Etat ? Décryptage.


La procédure de destitution de l’article 68 de la Constitution : une destitution pénale ? 

Pour débuter notre développement, il est intéressant de noter que la procédure de destitution se situe directement au sein de la Constitution, plus exactement au sein des dispositions de son article 68. Ces dispositions prévoient que cette procédure peut être mise en mouvement lorsque le Chef de l’Etat manque à ses devoirs et que ce manquement est « manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». 


Mais à quoi renvoie cette notion de « manquement » ? L’on peut entendre par « manquement » tout un ensemble de comportements de nature politique mais aussi des comportements privés de la part du Chef de l’Etat même si, les concernant spécifiquement, ces comportements d’ordre privé doivent avoir pour conséquence d’avoir porté une atteinte à la dignité de sa fonction. 

Pour répondre à cette première question de savoir si la procédure de destitution de l’article 68 constitue une destitution pénale, nous pouvons y répondre par la négative. En effet, cette procédure peut tout à fait être enclenchée alors même que le Chef de l’Etat n’a pas commis d’infraction pénale. Cette procédure revêt donc une toute autre nature, à savoir : la nature d’une sanction politique à son endroit (rappelons immédiatement, sous ce rapport, qu’à l’occasion de son mandat, le Président de la République n’est pas responsable du point de vue pénal, civil ni administratif). 


Quel est le rôle de la Haute Cour ?

Si le nouvel article 68 de la Constitution du 4 octobre 1958 y fut inséré par la réforme constitutionnelle de 2007, il n’en demeure pas moins qu’il est revenu à la loi organique n°2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de prévoir les modalités d’application de cette procédure de destitution du Président de la République.

De la sorte, il conviendra tout d’abord que chaque chambre du Parlement adopte, à la majorité de deux tiers des membres qui le composent, une proposition de réunion de ces chambres en Haute Cour. Avant cela, il conviendra que la proposition de résolution soit non seulement motivée mais également qu’elle soit signée par « au moins un dixième des membres de [la chambre] dont elle est issue. » Si tel est le cas, alors, cette proposition est communiquée à l’autre chambre qui doit se prononcer à son sujet dans un délai prédéterminé de 15 jours. Pour le cas où la proposition est déclinée, il est mis fin à la procédure. Dans le cas contraire, cependant, si la proposition est adoptée, il reviendra à la Haute Cour de se prononcer dans un délai prédéterminé d’un mois (cette Haute Cour sera nécessairement présidée par le Président de l’Assemblée nationale). La destitution du Chef de l’Etat ne sera rendue possible que si la majorité des deux tiers des membres de cette juridiction spéciale se prononce favorablement la concernant. Si les votes sont individuels et secrets, les débats qui y ont lieu sont pour leur part rendu publics. Soulignons enfin que la Haute Cour n’a d’autre rôle que de prononcer officiellement cette destitution. 

Tout au long de la vie juridique de cette procédure, et faute d’intérim, le Président de la République demeure en fonction et continue ainsi de les exercer pleinement. 


En bref, que retenir ? 

C’est la Commission sur le statut pénal du Chef de l’Etat, intervenue en 2002 et présidée par Pierre Avril, universitaire, qui rendit possible l’élaboration des règles inhérentes à la destitution du Président de la République. Cette destitution revêt en vérité la contrepartie de la protection dont il bénéficie au sein de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce n’est qu’en 2007, à l’occasion de la réforme constitutionnelle, que cette procédure fut intégrée au sein des dispositions de ce qu’était le tout nouvel article 68 du texte constitutionnel suprême. 

La procédure de cet article 68 est souvent comparée à la procédure d’impeachment connue dans le droit constitutionnel américain. Notons également qu’avant l’intervention de la réforme constitutionnelle de 2007, le Président de la République pouvait tout à fait être traduit devant une Haute Cour de justice, elle-même composée de parlementaires des deux chambres, mais uniquement dans un cas bien déterminé, à savoir : l’hypothèse de « haute trahison ». 


En bref, la Constitution permet la destitution du Chef de l’Etat dès lors que celui-ci a gravement manqué à ses devoirs et ce de manière « manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». La proposition de destitution doit ensuite être adoptée par l’une et l’autre des assemblées qui composent le Parlement avant que la destitution en elle-même ne soit finalement prononcée par ce dernier réuni en Haute Cour. Dans tous les cas, l’on image sans grande difficulté qu’il n’existe que bien peu de chances que cette procédure aboutisse réellement…