Propos introductifs 

Ce texte qui doit permettre de durcir la justice telle qu’elle est appliquée aux mineurs a été adopté par les sénateurs le 26 mars dernier. Après des modifications du texte en commission, c’est en séance que des mesures phares et critiquées pour leur dureté ont été réintroduites, au titre desquelles on retrouve entre autres la limitation de l’excuse de minorité.  

Le texte en question avait initialement été adopté en février 2025 par la Chambre basse du Parlement et était vivement critiqué par les députés de la gauche, et a connu ensuite certaines difficultés du fait de divergences au sein de la majorité au Sénat alors même que cette majorité soutient pourtant le Gouvernement en place. 

Cette proposition de loi doit constituer la réponse législative à la fameuse déclaration de Gabriel Attal : « tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ». Ce texte a connu un début de vie législative particulière, particulièrement troublé. En effet, en commission, ce texte fut en très grande partie détricoté et vidé de sa substance, ceci du fait, pour le rapporteur LR et avocat pénaliste Francis Szpiner, de la fragilité certaine de certaines mesures au regard du texte constitutionnel suprême mais aussi du fait de questionnements relatifs à leur efficacité. Dans tous les cas, la majorité des mesures en question ont été réintroduites, et pour certaines durcies par ailleurs. 

En quoi consiste ces mesures réintroduites dans le texte ?

Tout d’abord, la comparution immédiate pour les mineurs a été réintroduite par les sénateurs. Cette mesure fut par ailleurs durcie par les parlementaires dans la mesure où le dispositif, tel qu’il était initialement prévu, intéressait les mineurs de plus de 16 ans. Avec cette réintroduction et ce durcissement, le texte prévoit que les mineurs âgés de 15 à 16 ans, lorsqu’ils sont poursuivis pour des délits punis de 5 ans de prison, seront impactés par cette mesure, de même que les mineurs âgés de plus de 16 ans concernant les délits punis de plus de 3 ans de prison. À l’occasion des débats qui ont été relativement tendus à ce sujet, le rapporteur du texte a déclaré que les sénateurs, par ce choix, ont « [confondu] la justice et la justice expéditive » pour ces mineurs, du fait « des délais rapides » tels qu’ils sont applicables aux justiciables majeurs, et de l’absence de « proposition de mesures éducatives ». 

Aussi, l’excuse de majorité se voit rattacher une dérogation. Ce principe de nature constitutionnelle a pour objectif de réduire les peines qui sont prononcées à l’encontre d’un mineur poursuivi. Il faut comprendre ici que cette exude est toujours applicable, toutefois, la juridiction doit motiver l’application de cette excuse pour les justiciables mineurs âgés 16 à 18 ans lorsqu’ils sont reconnus coupables d’une infraction punie d’au moins 5 ans de prison, et lorsque celle-ci fut commise en état de récidive légale. La nouvelle règle se distingue de l’ancienne car c’est la non application actuellement qui doit être motivée, justifiée par la juridiction compétente. Notons néanmoins que les cas applicables seront relativement peu nombreux. 

Le remaniement de ce texte impacte également le régime juridique de la responsabilité pénale des parents concernant les dommages que leur enfant mineur aurait causés. Ici, la condition de cohabitation a été levée, sauf si celui-ci fut placé suite à une décision judiciaire ou administrative.

Aussi, concernant les parents, le texte amendé permettra aux assureurs, dans le cadre de l’indemnisation financière des dommages que l’enfant a causé, de faire participer ces derniers. 

Les sénateurs ont également durci le régime de la détention provisoire telle que celle est applicable aux mineurs âgés de 13 à 16 ans lorsqu’ils ont été condamnés soit pour des faits de terrorisme, soit pour des faits commis en bande organisée. Au surplus, il sera possible de prononcer de courtes peines d’emprisonnement dès lors que la personnalité du mineur l’exige, de même que la gravité des faits poursuivis. Cette mesure ajoutée au texte n’a pas plu au Gouvernement, notamment à Gérald Darmanin, le garde des Sceaux, qui, à ce sujet, a déclaré qu’elle était « inapplicable » compte tenu de l’état actuel des prisons français, dans lesquels sont déjà incarcérés des justiciables majeurs, également en détention provisoire. Ce dernier précisa que de nouvelles places ne seraient disponible que dans un délai  de sept ans. Et de conclure ainsi au vu des constats susmentionnés : « que voulez-vous que je fasse ? Que je les sorte pour y mettre des courtes peines sur des délits ? »  

Un texte de loi qualifié de « catastrophique » par la gauche 

Si à de nombreuses reprises les parlementaires de gauche ont qualifié cette loi de « loi d’affichage », ceux-ci ne sont pas les seuls à la critiquer. De nombreux professionnels ont, eux aussi, critiqué cette proposition de loi. À cet égard, par exemple Laurence Rossignol, sénatrice socialiste, a vivement déploré la caractère de cette loi durcie, attaquant par ailleurs ce qu’elle considère comme des « solutions exclusivement carcérales de la droite ». Cette « justice expérimentale », critiquée également le sénateur écologiste Guy Benarroche, ne devrait pas selon lui passer l’examen du Conseil constitutionnel. Ce dernier précise ses propos en ajoutant que ce texte de loi « catastrophique » verra une partie de ses mesures inapplicables dans la pratique judiciaire. À ces critiques, Laurent Somon, sénateur LR, a tenté d’expliquer à l’hémicycle du Sénat, que dans la mesure où la société change, il est également nécessaire que le législateur doit évoluer en parallèle en « proposant des améliorations ». 

Pour l’heure, il est important de noter que l’avenir législative de ce texte remanié et durci en partie n’est pas sans embûche. Il devrait être de nouveau connu par la réunion de 7 députés et de 7 sénateurs en commission mixte paritaire afin de trouver un compromis entre les deux chambres…

 

Références

https://www.vie-publique.fr/loi/297360-justice-penale-des-mineurs-proposition-de-loi-attal

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/restaurer_autorite_justice_mineurs_delinquants_et_parents

https://www.bfmtv.com/politique/parlement/le-texte-de-gabriel-attal-pour-durcir-la-justice-des-mineurs-finalement-retabli-en-partie-au-senat_AD-202503260103.html

https://www.francebleu.fr/emissions/l-info-d-ici-ici-gard-lozere/la-proposition-de-loi-attal-sur-la-justice-des-mineurs-est-un-coup-de-com-estime-un-educateur-du-gard-8210607