Les projets de lois constitutionnelles sont de plus en plus mis en avant par les parlementaires. Avant cette nouvelle proposition du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale d’inscrire l’interdiction de la gestation pour autrui dans la Constitution, nous avions discuté de la proposition de la NUPES et de Renaissance d’inscrire une autre mesure dans la Constitution : le droit à l’avortement pour toutes les femmes. Alors quels sont les tenants et les aboutissants de cette nouvelle proposition ? Décryptage.
Une proposition de loi constitutionnelle des LR à l’Assemblée nationale
Début juillet 2022 a été enregistrée par un groupe de parlementaires Les Républicains à l’Assemblée nationale une proposition de loi constitutionnelle qui a pour objectif d’inscrire au sein de la Constitution l’interdiction de la GPA gestation pour autrui et donc interdire le recours aux mères porteuses en France.
Plus exactement cette proposition de loi constitutionnelle est portée par le député de Meurthe-et-Moselle Thibault Bazin qui a souhaité poursuivre la mise en mouvement d’une réelle volonté de modifier la Constitution et qui a été initiée par l’objectif d’y inscrire le droit à l’avortement.
Il souhaite l’interdiction de la gestation pour autrui, cette pratique bafouant selon lui « les principes essentiels que sont le respect de la personne humaine, le refus de l’exploitation de la femme et de la réification de l’enfant. »
Un texte composé d’un article unique
La composition de cette proposition de loi constitutionnelle est des plus simples puisqu’elle comprend un article unique, rédigé comme suit : « [Le] Titre VIII de la Constitution est complété par un article 66-2 ainsi rédigé : Art. 66-2. – Nul ne peut recourir à la gestation pour autrui. » De la sorte, ce nouvel article serait inséré dans le titre inhérent à l’autorité judiciaire en France.
Les enjeux de l’inscription de cette prohibition
Une question s’impose dès lors que l’on souhaite s’intéresser à cette proposition de loi constitutionnelle. En effet nous savons qu’en France, et depuis la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, la gestation pour autrui est strictement interdite. La loi prévoit en effet déjà sa prohibition, et, le droit pénal est intervenu afin de prévoir les sanctions qui s’y réfèrent expressément. Le Code pénal prévoit de même des sanctions au regard des conseils ou sociétés étrangères qui démarchent sur le territoire français des citoyens français. Sous ce rapport, Thibault Bazin déplore qu’aucune condamnation n’ait encore été prononcée contre ces sociétés et entreprises étrangères qui démarchent ou accompagnent leurs clients français dans cette pratique.
La question est en vérité celle de savoir pourquoi aujourd’hui, et alors que la loi existe et proscrit déjà cette pratique, un groupe de députés désire si ardemment une telle inscription dans la Constitution ?
L’enjeu de cette inscription de l’interdiction du recours aux mères porteuses dans notre texte suprême s’inscrit dans une crainte de la part de nombre de députés de droite. En effet, ces derniers ne souhaitent pas que la gestation pour autrui puisse faire l’objet d’une prochaine révision des lois françaises relatives à la bioéthique (comme tel avait déjà été le cas concernant la procréation médicalement assistée dont nous avons pu déjà discuter). Plus précisément encore, l’auteur de cette proposition souligne le fait que bien que la loi existe et prohibe la gestation pour autrui, « sa portée est limitée. » Ce dernier déplore également le fait que cette interdiction « semble peu effective » tant nombre de couples français se rendent à l’étranger pour y avoir recours. Il craint, finalement, que la jurisprudence à ce sujet ne continue de progresser de manière de plus en plus favorable aux effets résultant de la gestation pour autrui. En effet pour lui, même si le Comité consultatif national d’éthique s’est bien positionné contre l’autorisation de la gestation pour autrui, cette loi est réellement menacée. Notons qu’en tant que loi elle peut tout à fait être remplacée par une autre loi, d’où la nécessité pour lui de l’inscrire dans notre texte suprême.
Or il est primordial de souligner que cette proposition de loi constitutionnelle connaitra de manière certaine des difficultés pour finalement pouvoir accéder à la vie juridique. Pourquoi ?
Une inscription dans la Constitution quasi-impossible ?
La question maintenant n’est plus de savoir pourquoi vouloir inscrire cette prohibition dans la Constitution alors que tout l’arsenal législatif existe déjà, mais plutôt pourquoi cette inscription risque de ne pas voir le jour et donc d’accéder à la vie juridique ?
Retenons d’abord qu’une proposition similaire avait déjà été effectuée dès 2019 par un parlementaire. Elle n’avait pas abouti, et pour cause : les propositions de lois constitutionnelles, dès lors qu’elles émanent de parlementaires ont très peu de chance d’être finalisées tant la procédure devant être respectée est complexe. Cette procédure est prévue par l’article 89 de la Constitution ; il y est prévu que ce texte doit, avant d’être proposé au référendum et donc soumis au choix final des citoyens français, être adopté en termes identiques par les deux chambres composant le Parlement. Jusqu’à présent, aucune proposition de loi constitutionnelle n’a pu efficacement accéder à la vie juridique, puisqu’au moins l’une des étapes qui doit l’y mener a toujours fait défaut.
Qu’à cela ne tienne pour Thibault Bazin, cette proposition intervient alors que le second quinquennat d’Emmanuel Macron débute : pour lui, il est nécessaire d’attirer l’attention du Gouvernement sur cette question et éventuellement légiférer pour raffermir le dispositif législatif et contrer « l’exploitation du corps de la femme ». Le Parlement européen, par une résolution prise en mai dernier, s’est par ailleurs lui aussi prononcé contre cette pratique, soulignant l’exploitation des femmes, et notamment les plus pauvres et « qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité. »
Peut-être le Gouvernement s’y attèlera-t-il en déposant un projet de loi constitutionnelle dans cette direction et dont la procédure est beaucoup plus souple le concernant ? Pour l’heure, cela ne semble pas être dans les priorités gouvernementales.
Références
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/des-deputes-lr-veulent-graver-l-interdiction-de-la-gpa-dans-la-constitution-20220728
https://fr.aleteia.org/2022/07/28/interdiction-de-la-gpa-une-proposition-de-loi-deposee-a-lassemblee/
https://www.vie-publique.fr/eclairage/18636-gestation-pour-autrui-quelles-sont-les-evolutions-du-droit#:~:text=La%20gestation%20pour%20autrui%20(GPA,a%20%C3%A9volu%C3%A9%20ces%20derni%C3%A8res%20ann%C3%A9es.
https://libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Des-deputes-proposent-d-interdire-la-GPA-dans-la-Constitution