À l'occasion de son contrôle, le juge des référés doit notamment s'attacher à la notion de proportionnalité ; il doit vérifier que les mesures prises sont à la fois nécessaires et proportionnées au but recherché afin d'être valables. Or dès lors qu'une ou plusieurs libertés, individuelles ou collectives, sont impactées par de telles mesures, il est nécessaire de pouvoir les contester, et de les faire valoir, malgré le risque sanitaire existant. La notion de proportionnalité est par ailleurs actuellement mise à l'épreuve...


Le juge des référés du Conseil d'Etat et l'obligation du port du masque
La proportionnalité à l'épreuve de la crise sanitaire


Le juge des référés du Conseil d'Etat et l'obligation du port du masque

Dernièrement, début septembre 2020, le juge des référés du Conseil d'État a rendu deux ordonnances (n 443750 et n 443751) ayant en partie infirmé deux ordonnances rendues par les juges du référé des tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon. Le Conseil d'État avait en effet décidé que le port du masque pouvait tout à fait être rendu obligatoire sur le territoire d'une commune, pour le cas où celle-ci comporterait des zones à risque de contamination.

Toutefois, le juge administratif suprême avait exigé des préfets du Bas-Rhin et du Rhône de modifier le contenu de leurs arrêtés respectifs, sans quoi ceux-ci seraient suspendus. Ces modifications devaient intéresser la non-obligation du port du masque sur l'intégralité du territoire des communes moins peuplées, communes dont le centre-ville était d'ailleurs plus facilement délimitable ; elles devaient aussi intéresser une dispense du port du masque pour les personnes effectuant des activités physiques et sportives.

Pour rappel, ces décisions de police administrative, qui sont par définition même, attentatoires aux libertés des individus, que ces libertés soient individuelles ou collectives, sont prises sur la base du décret n 2020-860 du 10 juillet 2020 et de la loi n 2020-856 du 9 juillet 2020 concernant la sortie d'urgence sanitaire.

À la lecture de la loi du 9 juillet, il est prévu que l'ensemble des mesures édictées par les préfets de département, dans le but de lutter contre la propagation de l'épidémie liée au COVID-19, se doivent d'être "strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus".

Force est néanmoins de constater, à la lecture de ces décisions du Conseil d'État, que la notion de proportionnalité est impactée, tant son application semble incertaine, à tout le moins franchement hésitante.


La proportionnalité à l'épreuve de la crise sanitaire

Tout d'abord se pose la question de savoir en quoi consiste la notion de proportionnalité. Les parlementaires, on l'a vu, ont inscrit dans la loi précitée cette exigence de la proportionnalité dans les mesures qui sont prises par les autorités compétentes, mesures qui restreignent fortement les libertés des individus.

Cette exigence ne constitue toutefois pas une révolution en ce que le juge administratif avait déjà rappelé cette nécessité. En effet, en France, la liberté doit demeurer la règle tandis que toute restriction doit en demeurer l'exception. Ainsi toutes mesures restreignant ces libertés des individus doivent, pour être valides, respecter trois exigences particulières, à savoir : elles doivent être d'abord adéquates, mais aussi nécessaires et enfin proportionnées. Cela implique, dans les faits, que ces mesures doivent être nécessaires afin de prévenir ou de rétablir un risque apporté à l'ordre public (dans le cas de l'épidémie de COVID-19, le risque sanitaire). Si ces mesures ne sont pas nécessaires, elles sont nécessairement illégales, non valides. Puis, elles doivent atteindre ce but, cet objectif, sans quoi elles ne sont pas adéquates et par extension ne sont pas légales. Pour finir, ces mêmes mesures doivent être proportionnées au but recherché : ici, en d'autres termes, cela signifie que ces mesures restrictives de libertés ne doivent pas porter une atteinte à ces mêmes libertés au-delà de tout ce qui est nécessaire à la réalisation du but à atteindre. Sans cela, les mesures seront considérées comme illégales.

Néanmoins, il convient de noter immédiatement que cette menace pesant sur l'ordre public actuellement en France doit être appréciée par des faits considérés comme incontestables. Ainsi, les mesures prises ne doivent pas se baser sur des prévisions non certaines même si leur fiabilité était approximativement avérée, ni même sur des avis contestés ou discutés en tout ou partie. C'est bien ici toute la difficulté tant les avis des professionnels et experts en épidémiologie peuvent apparaitre relativement discordants.



Sources :

- Le port du masque peut être rendu obligatoire sur l'ensemble d'une commune, si celle-ci comporte plusieurs zones à risque de contamination
- Loi n 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire
- Décret n 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé
- Conseil d'État : Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés, Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État